Bourges, Trésor de la Sainte Chapelle

Témoignages de Thomas Platter, voyageur bâlois, de passage à Bourges en 1599, et de John Evelyn, voyageur anglais qui en témoigne en 1644.

Dans la Sainte Chapelle de Bourges, qu’il visite en 1599, Thomas Platter admire des trésors ecclésiastiques qui sont des objets d’art parfaitement exceptionnels, mais note aussi la présence, on le voit à la fin du texte, de diverses curiosités naturelles.

S’y dresse également une Sainte Chapelle : le duc Jean de Berry, frère du roi Charles V, l’a fondée. Elle a été dédiée au Saint Sauveur. Elle ressemble, de par sa forme, à la Sainte-Chapelle de Paris, et l’on y voit la sépulture des ducs de Berry et celle de la reine Jeanne, épouse [répudiée] du roi Louis XII.
Cette chapelle est une ancienne église. On m’y a présenté, ainsi qu’à d’autres Allemands, de très précieux ornements sacrés. Le duc de Joyeuse les a inspectés, dans le temps, lors d’une visite. D’après ce qu’on m’a indiqué, il a déclaré qu’entre Rome et Bourges il n’avait rien vu d’aussi splendide, en fait de trésors ecclésiastiques ! Tout d’abord, je me souviens d’un hanap taillé dans une grosse pierre précieuse verte comme l’émeraude, serti d’or et travaillé avec le plus grand art. On a envoyé cette coupe précieuse à Rome et ailleurs pour la faire estimer. Mais, d’après ce que les gens nous ont dit, il n’a pas été possible de trouver un maître orfèvre qui soit capable de procéder à cette estimation, ni qui puisse déterminer dans quelle substance précieuse avait été sculpté ce pichet. Il était pourvu d’un pied ornemental et il pouvait contenir environ un quart de mesure bâloise ou Baselmass [soit 35.5 cl, n. d. t]. Cette œuvre d’art passait ici, nous disait-on, pour un trésor incroyable.
On nous a montré aussi une grande croix. De tous côtés, elle était garnie de très grosses pierres précieuses et de belles perles, chacune de la taille d’une noisette. Et puis, sur cette croix, des rubis, des turquoises énormes, et encore des émeraudes, des saphirs, etc. Une valeur inimaginable, cette croix !
Nous vîmes aussi la grande couronne d’or du duc de Berry, sculptée en or massif, pur, lourd… Les vêtements de messe, chasubles et ornements d’église enfilés par les prêtres étaient différents presque à chaque jour de fête, avec des images et historiettes brodées sur soie, velours et satin ; ces broderies étant elles-mêmes de soie, d’or et d’argent, très artistement et précieusement exécutées. Et puis, par là-dessus, comme toujours, une avalanche de pierres précieuses parmi lesquelles quantités de perles orientales du plus haut prix. Le tout étant appliqué de telle manière, en forme d’ornementation, que ma plume se refuse à la description ! Il y en avait tellement, une si grande quantité, que nous pensions que ça ne finirait jamais.
Ces objets hautement décoratifs et bien d’autres du même genre étaient conservés dans une crypte, enfermés à clé, cadenassés dans des caisses ; mais tous nous furent montrés, du plus petit au plus magnifique.
Ensuite, nous avons observé un lustre en bronze, pendu à la voûte, au centre de l’église ; ça m’a rappelé celui de la cathédrale de Metz. On pouvait le munir de trois centaines de cierges. Nous avons vu aussi, dans ce sanctuaire, une sculpture sur bois qui représentait un très grand cerf, à l’image d’un animal du même genre qui fut capturé dans le royaume de France, à ce qu’on dit ; c’est le fondateur de la chapelle qui a installé ici la statue de cette bête. Non loin de là étaient suspendus de gigantesques ossements.

Source : Le siècle des Platter. III, L’Europe de Thomas Platter : France, Angleterre, Pays-Bas, 1599-1600 , par Le Roy Ladurie, Emmanuel (éd. , trad. ) et Liechtenhan, Francine-Dominique (trad.) Paris, Fayard, 2006, p. 84.

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A son tour, lorsqu’il y passe en 1644, John Evelyn juge bon de faire un compte-rendu de sa visite dans la Sainte Chapelle de Bourges.

St. Stephen’s church is the cathedral, well-built à la Gothique, full of sepulchres without-side, with the representation of the final Judgment over one of the ports. Here they show the chapel of Claude de la Chastre, a famous soldier, who had served six kings of France in their wars. St. Chapelle is built much like that at Paris, full of relics, and containing the bones of one Briat, a giant of fifteen cubits high. It was erected by John Duke of Berry, and there is showed the coronet of the dukedom. The great tower is a Pharos for defence of the town, very strong, in thickness eighteen feet, fortified with graffs and works ; there is a garrison in it, and a strange engine for throwing great stones, and the iron cage where Louis, Duke of Orleans, was kept by Charles VIII.

(The diary of John Evelyn, Ed. William Bray, J.M. DENT et E.P DULTON, London-New York, 1905, Tome I, p.76-77.)