Cabinet de Davila, Don Pedro

Le cabinet "des curiosités de la nature et de l'art" de ce naturaliste péruvien est décrit dans un catalogue dressé pour la vente en 1767 par plusieurs contributeurs, en trois copieux volumes in-8°.

ROME DE L’ISLE : Catalogue systématique et raisonné des curiosités de la nature et de l’art, qui composent le Cabinet de M. Davila…, Paris, Briasson, 1767.

Catalogue en réalité rédigé par J.P. de Gua de Malves pour les coquilles marines, l’abbé Grimaud pour les bronzes et les médailles, Rémy pour les estampes, et Romé de L’Isle pour le reste. Les planches dépliantes, qui figurent aux volumes I et III, sont dues à Cl. Bresse et M. Reboul.

Nous donnons ici quelques extraits de la Préface du catalogue en question :

« Avant que de passer au détail des Substances qui composent notre Cabinet, nous croyons devoir exposer, en peu de mots, l’ordre que nous avons suivi dans leur distribution, et les raisons qui nous ont déterminés à en donner des descriptions plus circonstanciées que celles que l’on trouve ordinairement dans les ouvrages de ce genre. Vingt ans de soins et de recherches, ayant rendu notre collection une des plus complettes de l’Europe, sur-tout quant au Regne minéral et aux différens Corps que produit la mer, nous avons pensé que les Naturalistes nous sçauroient gré de la leur faire connoître dans un certain détail, avant qu’elle fût dispersée, et que les Curieux seroient bien-aises de se voir indiquer les morceaux rares que nous possédons, et qu’on chercheroit peut-être inutilement ailleurs.
[…]
La disposition méthodique des substances dans ce Catalogue, nous a paru le seul moyen de réunir le double avantage de la clarté et de la précision : car, en rangeant chaque Espéce dans son vrai Genre, en plaçant le genre dans sa Famille, et celle-ci dans sa Classe ; cette simple distribution bien ordonnée, non-seulement jette une grande lumiere sur les objets, mais même elle écarte ces répétitions qu’il est si difficile d’éviter dans un ouvrage de la nature de celui-ci.
[…]
Les Naturalistes s’accordent assez à diviser tous les êtres en trois grandes Classes, connues sous les noms de Regne animal, Regne végétal et Regne minéral. Cette division, quoiqu’incomplette, est suffisante pour notre objet, n’ayant à parler que des substances de ces trois Regnes.
Nous mettons à la tête du premier Regne (que nous diviserons en dix parties) les plus petits animaux connus, ou du moins leurs productions, pour nous élever par dégrès jusqu’à l’Homme. Les POLYPIERS ou habitations de Polypes forment, en conséquence, notre premiere Partie. Cette Classe, qui est une des plus complettes de notre Cabinet, comprend aussi les Eponges et les Alcyons, quoique nous ignorions encore à quels Genres d’Animaux on doit les rapporter. Ellis, Wallerius, Peyssonel, ont été nos guides pour la Partie systématique ; Séba et Gualtieri pour la description des Espéces. » [resp. La Haye 1756, trad. Olbach Paris 1753, trad d’un art. des Transac. phil. sur le corail, Londres 1756, Amsterdam 1734, Florentiae 1742]

Précisons que la « classe » dont il est question dans le passage de la Préface ci-dessus occupe les p. 1 à 70 du catalogue, soit 182 lots. La deuxième partie concerne les coquillages, la troisième les zoophytes, puis viennent les crustacées, les poissons, les amphibies, les insectes, les oiseaux, les quadrupedes, et l’homme ; Davila ajoute les bézoards et autres calculs, pour terminer le premier volume avec en onzième partie les végétaux. Le deuxième volume est consacré aux terres, pierres et minéraux. Pour finir :

« Les Curiosités de l’Art, dont il nous reste à parler, ne sont point étrangeres à un Cabinet d’Histoire Naturelle : on peut même dire qu’elles en font une branche essentielle, puisqu’il est peu de productions de la Nature, auxquelles les Arts ne puissent ajouter un nouveau lustre et un nouveau mérite. »
Davila distingue sept « classes » :
– habits, meubles, armes et ustensiles de divers peuples anciens et modernes – bijoux, vases d’agate, de jaspe, de cristal, d’albâtre et autres ouvrages curieux en coquilles, nacre et ivoire, avec quelques anciens laques et quelques porcelaines de la Chine et du Japon – modèles, instrumens de mathématique, de physique etc. – pierres gravées antiques et modernes – bronzes antiques, bustes, bas-reliefs et médailles – collection d’estampes et de peintures à gouaches, quelques tableaux et dessins originaux des maîtres des trois écoles, miniatures, peintures en émail – bibliothèque d’histoire naturelle (de 159 articles)

Nous ne résistons pas au plaisir de citer les lots qui correspondent, dans la cinquième partie du volume I, aux poissons (entre crochets, des références qui apparaissent dans la marge du texte) :

[p. 475] « Cinquieme partie. Poissons.

1. Un Chien de mer de cinq pieds de longueur, et un gros Poisson armé ou Porc-épic de mer*, desséchés et bourrés. [*Séba, tom.3. pl. 23. n° 1&2]
2. Deux Porc-épics de mer : le corps de l’un est rond comme un ballon, celui de l’autre est de forme ovoïde.
3. Trois gros Poissons desséchés ; sçavoir, un Diable de mer* ; l’Orbis à tête de liévre de Grew*, et un Porc-épic de mer. [*Jonst. tab.47 f. 4 & 5 / *Grew. Mus. p. 108 tab. 7]
4. Trois Poissons desséchés, l’un peu commun, est la petite Licorne de mer du Brésil* ; les deux autres sont deux variétés de Porc-marin, dont une de la Méditerranée*, et l’autre des Antilles, à grandes taches blanches sous le ventre. [*Ibid. p. 104 tab. 7 / *Salvian. Hist. aquatil. tab. 76, Grew. Mus. p. 113 tab. 7]
5. Vingt-deux autres Poissons desséchés : sçavoir, cinq variétés de Poissons-coffre, dont trois triangulaires et deux quadrangulaires ; deux petits Poissons-armés, l’un quadrangulaire, l’autre sphérique ; la Pastenaque nom[p. 476]mée l’Aigle ; deux Rémores ou Sucets ; une Hirondelle de mer ; deux variétés de Trompettes ; un Hippocampe ou petit Cheval marin ; un Serpent marin, un Humantin, un Rouget, un Malarmat, un Baliste Scolopax, un Rana piscatrix. Plus, une petite Raye, ajustée en forme de Basilic.
6. Quarante-quatre petits Poissons, les uns desséchés, les autres dans l’esprit-de-vin, tels que Poissons dorés de la Chine, Rémores, Scorpions-marins, Poissons-volans, plusieurs variétés de Balistes, etc. Plus, un Basilic factice.
7. Une Défense de Narwal, de près de sept pieds de longueur.
8. Un Membre de Baleine, de six pieds de longueur.
9. Une très-belle Défense de Poisson-scie, de quatre pieds quatre pouces de longueur, et une Vertébre de Baleine.
10. Une Gueule de Lamie ou grand Chien de mer ; une Tête de Dauphin, et deux Défenses, l’une de Scie, l’autre d’Espadon.
11. Les Machoires de six Poissons : sçavoir, celles de la Zygêne ou Marteau, celles du Requin, du Loup-marin, du Dauphin, de la Bécune, de l’Espadon avec sa Défense, et une Défense du Poisson Scie.
12. Sept parties osseuses de différens Poissons : sçavoir, une prétendue Main de Syrene, [p. 477]qui n’est autre qu’une nageoire de Baleine ; un os de la tête de la Baleine, nommé l’Os de l’ouie ; le Membre d’une Vache-marine : il est de nature osseuse, et long de dix-neuf pouces. Bartholin en fait grand cas pour certaines maladies, étant pris en poudre* ; la Queue de quelque long Poisson plat, qui paroît être du genre des Murênes, ayant trois pieds et demi de longueur ; une Vertébre de Baleine, une Tête de Dauphin, et une Machoire de Requin. [*Barthol. Hist. ana. Centur. II]
13. Trente autres parties détachées de différens poissons : sçavoir, des machoires de Raye, de jeunes Requins, de Dauphins, etc. des Dents de Cachalot, les Vertébres d’un autre poisson, des Ovaires de Rayes, des Fanons de Baleine, un lambeau de la peau de la grande Aiguille de mer, et divers Os de poissons, entr’autres un peu commun, que l’on croyoit autrefois provenir de la Rémore*. [*Mus. Worm. p. 270]
14. Le Palais d’une espéce de Raye de la Chine, composé d’osselets de diverses formes, les uns épineux, les autres granuleux, et contourné de maniere à représenter deux espéces de Buccins : ce morceau est rare et curieux. »

Dans la neuvième partie, lot 28 : « Un Tatou ou Armadille de Cayenne, de deux pieds trois pouces de long, et de l’espéce nommée Cachicame ou Tatou à neuf bandes ; et deux peaux, l’une d’Hermine, l’autre d’Ecureuil des Indes. [Buffon tom. 10 pl. 37, Séba tom. 1 pl. 29, f. 1 ]. Un Cachicame femelle, moins grand que le précédent, et parfaitement conservé dans l’esprit-de-vin. Plus, un Fœtus de Cachicame dans la même liqueur. »

Dans la dixième partie, « L’homme », lot 1 : « Le Squelette d’une tête humaine dans une boëte vitrée : cette tête est parfaitement conservée, et a toutes ses dents : elle a été coupée en différens sens, et montée avec des vis et charnieres d’argent, pour en faire la démonstration. On trouve dans la même boëte l’explication détaillée de ce qu’on doit observer dans l’interieur de la tête par les diverses coupes qu’on y a pratiquées. « 

La description du catalogue de vente du cabinet fait apparaître, au titre des artificialia, une rubrique « Curiosités de l’Art » alimentée par des bijoux, des instruments scientifiques, des pierres gravées, des médailles, des tableaux, des estampes et des livres, et des « Habits, Meubles, armes et ustenciles de divers peuples anciens et modernes » qui font apparaître des objets usuels de « Sauvages du Canada, Sauvages de l’Amerique, Indiens venant du pays des Amazones, Indiens du Pérou, Paraguay, Mexique ».
Davila après la vente de son cabinet monta une nouvelle collection qui, achetée par Charles III d’Espagne, sera à l’origine du Cabinet Royal d’Histoire Naturelle de Madrid, devenu aujourd’hui le Museum National d’Histoire Naturelle.

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SOURCE:

ROME DE L’ISLE, Jean-Baptiste : Catalogue systématique et raisonné des curiosités de la nature et de l’art, qui composent le Cabinet de M. Davila…, Paris, Briasson, 1767.

 

Localisation de l’ouvrage :

– Paris, Arsenal (deux exemplaires): 8.S.8676 (1,2 et 3) ; 8.S.8677 (1,2 et 3).
– Paris, Museum d’Histoire naturelle : FHNV.
– Paris, Institut : FFDA 8° DM360.
– Aix, Bibliothèque Mejanes : 8°4238, Impr 1500-1987.
– Angers, Bibliothèque municipale : 1705 sciences et arts.
– Besançon, Bibliothèque municipale : 233117, 233118, 233119.
– Chambéry, Bibliothèque municipale : : PER A 6631 Perpéchon.
– Cherbourg, Bibliothèque municipale : 1733-1 fonds ancien.
– Dijon, Bibliothèque municipale : D.15472 CGA.
– Grenoble, Bibliothèque municipale : F.5091, CGA.
– La Rochelle, Médiathèque (deux exemplaires) : 13042 C ; 579 CAT Museum d’Histoire naturelle.
Lyon, Bibliothèque municipale : 809439 CAG.
– Marseille, Bibliothèque municipale : 100942, 100943,100944.
– Nantes, Bibliothèque municipale : 13343 fonds ancien 2.
– Nîmes, Bibliothèque Carré d’Art : 4111 Théologie.
– Strasbourg, Université, Service commun de la documentation, Section sciences et techniques : Hillc.
– Toulouse, Bibliothèque d’Etude et du Patrimoine (trois exemplaires) : Fa 15507 (1 à 3) fonds ancien 2 ; FaC 863 fonds ancien 2 ; 134/D2398 fonds ancien 1.
– Troyes, Médiathèque : em.162 Millard.

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Cabinet également cité par Dezallier d’Argenville,

-dans Conchyliologie portative, publié à Paris, chez Regnard, 1757, p. 311 :

« Ce Cabinet est, suivant l’avis des Connoisseurs, le plus nombreux & le plus riche de tous ceux qui sont en Europe ».

-dans la 3e édition du même ouvrage, La Conchyliologie, ou histoire naturelle des coquilles de mer, édition posthume parue en 1780 (Paris, Guillaume de Bure), la remarque suivante montre l’intérêt que pouvait éveiller le catalogue de Davila, dont les ambitions savantes l’élèvent au rang de traité :

« lorsqu’on examinera avec attention la manière avec laquelle il est traité, l’ordre et la méthode qu’on y a suivis, on sera moins étonné de savoir que ce Catalogue […] peut être regardé comme l’ouvrage qui pourroit servir de guide et de regle pour parvenir à une méthode plus parfaite que toutes celles que nous avons eues jusqu’à présent » (t. 1, p. 846).