Cabinet de Tiraqueau, Michel

Description sommaire mais précieuse, pour son caractère très précoce (1566), du cabinet de curiosités de Michel Tiraqueau

Michel Tiraqueau succède à son père André comme Lieutenant du Sénéchal du Poitou en 1541 et meurt vers 1565. Le poème d’André de Rivaudeau situe son cabinet de curiosités à Bel-Ebat, lieu-dit de la ville de Fontenay-le-Comte. Le court passage (une quarantaine de vers) consacré à ce cabinet fontenaisien est encadré par l’évocation d’une bibliothèque de livres étrangers et, à l’autre extrémité, par la mention d’un recueil de dessins de végétaux. L’attention est immédiatement portée sur la collection de médailles, puis sur les vases d’albâtre et les statuettes : comme souvent chez les magistrats, le cabinet s’est probablement d’abord constitué à partir du fruit des investigations très humanistes de l' »antiquaire ».

 

HYMNE DE MARIE TIRAQUEAU DAMOISELLE DE LA ROUSSELIERE.

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Branche des Tiraqueaux, dont l’immortelle race
Florist par le vieillard qui premier s’est fait place
Par sa rare vertu sur la voute des Cieux
Plus haut que le Damons, entre les Demi-dieux,
Et par son premier filz qui tient hereditaire
Son esprit, et qui sied dans la Royale chaire
Depuis vint et cinq ans de Fontenay qui or’
A par luy son Saturne un autre siecle d’or,
Petite ville heureuse et de Dieu honoree
Qui a senti du Ciel la recheute d’Astræe
Par ce Juge tressaint, qui bouille d’une ardeur
Des arts comme son pere, et retient sa candeur,
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Sa justice, son poix, son egale balance,
Dont le droit à chascun tres-fidele il dispense.
N’ayant par si long temps, fait homme mal content
Ni à aucun porter le noir acoustrement :
Qui estend liberal jusqu’aux mains souffreteuses
Des doctes artizans, des mains religieuses.
Ne laissant un thesor, comme Euclion rouiller
En un coiffre moisi, ou il n’ose fouiller.
Ains departant ses biens à cent vefves chagrines,
Aux malades piteux, aux maisons orphelines,
Et faisant un recueil de force livres bons
Tirés de mille endroitz de la France et du fons
Des briz Ausoniens, des presses de Venise,
Et du païs soufflé par l’aleine de Bise,
Et d’un sainct Cabinet, à qui le grand Soleil
Qui voit tout et sçait tout, ne sçait rien de pareil
En la France aujourd’uy, mille medailles belles
Qui nous rendent au vif les faces immortelles
De tous ces peres vieux, et cent vases polis,
Estoffes d’Alabastre et d’ouvrage embellis,
Et des meilleurs pinceaux les plus dignes peintures
En nombre bien fort grand, et force pourtraitures
De bosse et de relief, et par l’art de Vulcain
Des statues de fonte en bronze et en airain.
Icy le burin dur, icy l’art qui emaille
Icy la Damasquine, un graveur, un qui taille,
Et cent autres ont part, d’une assiette d’yeux
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On voit de cent ouvriers les traitz laborieux.
D’autre part des poissons de la mer Lybienne
Se voyent naturelz, Ligustique et Thyrrene :
L’Hippocampe menu, le Palombe globeux,
Qui de la mer d’Ægypte a les rivages beux,
Les Lizardz du Bresil, et maint Barbare monstre,
Qu’aux doctes, comme luy, plus docte il nomme et monstre.
Que diray je les fruitz des arbres estrangers,
Raportés de si loing parmi mille dangers,
Le Poivre avec sa grape, et la Palme Idumee,
Et du Baume naif la liqueur renommee,
Des Baumes d’artifice ou des hommes la main
Pour imiter le vray, a travaillé en vain.
Je t’ay du Girofflier la plante peu cognue,
Dont les cloux sont cognus, de Judee venue,
Et le Sucre en sa canne, et (miracle non creu)
L’herbe qui rafraichist le sauvage recreu.
Je ne discourray point maint arbre, mainte plante,
Dont le More, le Juif, dont l’Orient se vente.
Je diray l’œuf d’Autrusche, et les habits sauvages
Composés dextrement de petis cartilages,
De racines, d’escore, et leurs velus chapeaux,
Leurs brayes, leurs tapis, et leurs panaches beaux,
Que tu as arrengés en ceste chambre ornee,
Ou tu tiens, Tiraqueau, le Perou et Guinee.
Je chanteray l’honneur du Bol Armenien,
Et les rares thesors du terroir Indien.
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Mais un autre dira le merveilleux ouvrage
Lequel tu as receu d’Apollon en partage.
Ce grand livre où tu fais à ton divin Ogard
Les faitz de la Nature imiter par son art.
Ou au plus pres du vif il te peint cinq cens plantes,
Que dans ton Bel-esbat nees tu luy presentes.
Bel-esbat, qui voudroit te louer dignement,
Il faudroit un poëme à part entierement,
Pour ta fertilité chanter presque divine,
Que les simples meilleurs tu as de medecine,
Et mille autres grans biens dont de commune voix
On te dict égaler les delices des Rois.
MARIE, ceux là sont ton ayeul et ton pere,
[…]

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SOURCE : C’est dans le Second Livre des  Oeuvres d’André de Rivaudeau Gentilhomme du bas-Poitou (Poitiers, Nicolas Logeroys, 1566) qu’on trouve l’Hymne de Marie Tiraqueau Damoiselle de La Rousseliere.

Localisation :

Paris, BnF (disponible sur gallica)