Blois, Château royal et jardins
Témoignages de Thomas Platter, voyageur bâlois de passage à Blois en 1599, et de John Evelyn, voyageur anglais, en 1644.
Témoignage de Thomas Platter (1599)
Dans le château de Blois, T. Platter évoque tout d’abord l’emplacement du cabinet royal. [p. 66]
Le roi se trouvait alors dans son cabinet. C’était l’époque où siégeaient les Etats généraux. Il a fait venir le duc auprès de lui. Pour ce faire, Guise devait traverser quatre portes. (…) Ils l’ont traîné jusqu’aux pieds du roi dans son cabinet, qui n’a que douze pieds de long et huit de large. (…) A proximité du cabinet du roi, vers l’extérieur du château, j’ai vu une cage à oiseaux verte, fort jolie. Une belle galerie s’étend elle aussi sur le rebord externe du palais, sous le toit, près du fameux cabinet.
Puis il voit une étrange sculpture dans le jardin de Blois, associant le travail du sculpteur et l’œuvre de la nature, et qu’il décrit comme une artificialia. [p. 68]
Là, j’ai aperçu une biche sculptée sur un socle. Cet animal est porteur sur son front d’authentiques cornes de biche, tirées d’un spécimen vivant. Mais la bête, pour le reste, est modelée en plâtre, sculptée grandeur nature, et parée de couleurs également naturelles. Cette œuvre d’art est ornée de l’inscription suivante, en vers français, que j’ai lue et recopiée.
Vous qui cherches du monde les merveilles,
Voyes sil est biche a moy pareille,
Et si nature que tout bastit et oeuvre
Ne fist en moy ung merveilleux chefdoeuvre,
Quand ie porte dessus semblable corps
Cette rameure de vingt et quatre cors,
Et qu’ainsi soit de Bade le marquis,
En faict de chasse tres sçavant et exquis
Si grosse queste dessus moy entreprins,
Que malgre moy en ses forests me print ;
Lors me voyant si sauvage et estrange,
A son amy le conte de Luange
Nommé Ernel ma rameure transmist
Avec lettres, dedans lesquelles mist
Son seing et seau et attestations
Des gentilhommes faisant probations
Ainsi que ceux qui à ma prinse furent
Que celles cornes dessus ma teste creurent.
Long temps apres le bon duc de Loraine,
Bien cognoissant la chose estre certaine,
Transmist mon chef, augmentant mon renom,
Au roys Loys douziesme de ce nom,
Qui ma faict mettre içi affin qu’on voye
Ceste merveille en passant par la voye.
Selon ce poème, écrit en vers français, le margrave de Bade a tué lors d’une partie de chasse en forêt ce gibier extraordinaire ; elle était couronnée de 24 ramures ; il a envoyé la tête et les bois de cerf à son ami le comte Ernel de Luange, avec la liste des chasseurs présents à cet exploit. Et puis, plus tard, le comte de Lorraine en a fait cadeau au roi Louis XII, et celui-ci, pour garder mémoire éternelle de la chose, l’a fait placer dans son jardin. On ne s’est pas borné à tracer des promenades et allées aussi belles que nombreuses en ce parc ; on y construit aussi une maison d’agrément tout à fait royale avec deux salles d’apparat et dix-huit chambres. On y installe une cuisine qui donnera sur le jardin des bêtes sauvages et de la faune, lui-même situé près du parc d’agrément, de sorte qu’on pourra chasser le gibier juste devant la cuisine !
Source : Le siècle des Platter. III, L’Europe de Thomas Platter : France, Angleterre, Pays-Bas, 1599-1600 , par Le Roy Ladurie, Emmanuel (éd. , trad. ) et Liechtenhan, Francine-Dominique (trad.) Paris, Fayard, 2006.
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Témoignage de John Evelyn (1644)
We arrived at Blois, in the evening. The town is hilly, uneven, and rugged, standing on the side of the Loire, having suburbs joined by a stately stone bridge, on which is a pyramid with an inscription. At the entrance of the castle is a stone statue of Louis XII. on horseback, as large as life, under a Gothic state ; and a little bellow are these words :
Hic ubi natus erat dexto Ludovicus Olympo,
Sumpsit honoratâ regia sceptra manu ;
Felix quæ tanti fulsit Lux nuncia Regis !
Gallica non alio principe digna fuit.
Under this is a very wide pair of gates, nailed full of wolves and wild-boars’ heads. Behind the castle the present Duke Gaston had begun a fair building, through which we walked into a large garden, esteemed for its furniture one of the fairest, especially for simples and exotics plants, in which he takes extraordinary delight. On the right hand is a long gallery full of ancient statues and inscriptions, both of marble and brass ; the length, 300 paces, divides the garden into higher and lower ground, having a very noble fountain. There is the portrait of a hart, taken in the forest by Louis XII., which has twenty-four antlers on its head. In the Collegiate Church of St. Saviour, we saw many sepulchres of the Earls of Blois.
(The diary of John Evelyn, Ed. William Bray, J.M. DENT et E.P DULTON, London-New York, 1905, Tome I, p. 70-71.)