Marseille, Curiosités zoologiques
Témoignage du voyageur bâlois Thomas Platter, de passage à Marseille.
Marseille, lieu d’exposition d’animaux exotiques.
Alors que Platter vient d’observer le comportement d’une autruche vivante chez Mme de Castellane, le singe du duc de Guise, et les fauves de l’aubergiste Caspar , alors qu’il a pu se rendre compte de la richesse des échoppes et du port de Marseille, véritable caverne d’Ali Baba pour l’amateur de curiosités, il poursuit ses investigations à travers la ville, et cite les spécimens qu’il rencontre, avec leurs habitudes et les histoires qui s’y rattachent. Il ne donne pas toujours le nom de leur propriétaire, mais insiste davantage sur l’impact sensoriel qu’il en retire en tant que visiteur. En 1597, Marseille apparaît comme une ville exotique, où le logement de tout un chacun peut réserver bien des surprises et même quelques dangers. T. Platter saisit l’opportunité de ces visites pour recueillir des piquants de porc-épic qu’il rapportera à Bâle pour augmenter sa propre collection.
De retour en ville, nous sommes allés à la recherche d’autres animaux exotiques.
Et tout d’abord nous avons vu, dans une cour, un léopard attaché à une chaine ; il était un peu plus grand qu’un veau, ayant la forme d’un chat, mais couvert de taches, effroyable et repoussant à regarder. En quelques semaines, il avait mordu à mort sept personnes, du temps où il était encore en liberté : il est très dangereux pour les hommes, et ceux-ci provoquent souvent sa colère. Il peut grimper aux arbres comme un chat. Dans une autre maison, nous avons vu un chat sauvage, de la taille d’un petit veau ; lui aussi faisait des sauts superbes.
Chez un aubergiste néerlandais, le dénommé Caspar, nous avons vu quatre jeunes lions ; ils avaient été importés peu auparavant. Mais, en présence de visiteurs qui leur étaient inconnus, ils constituaient toujours un péril.
Dans une autre maison, j’ai vu deux porcs-épics, dits encore cochons à piquants ou cochons de mer ; ils sont presque entièrement couverts d’épines longues et raides, faites d’os ou de corne, à la manière du hérisson. Si vous mettez le porc-épic en colère, il peut vous en décocher une, comme une flèche. J’ai emporté, comme souvenir, plusieurs plumes ou épines de ce genre. Dans la résidence du duc de Guise, j’ai vu un animal dans le genre d’un grand singe, mais de forme un peu différente ; il faisait des farces et attrapes, tout à fait étonnantes et désopilantes. Les gens de la maison l’appelaient Bertrand.
Source : Le siècle des Platter. II, Le voyage de Thomas Platter : 1595-1599 , par Le Roy Ladurie, Emmanuel (éd. , trad. ) et Liechtenhan, Francine-Dominique (trad.) Paris, Fayard, 2000, p. 244-245.