Cabinet de Castellane, Madame de
Témoignage du voyageur bâlois Thomas Platter, de passage à Marseille.
Mme de Castellane possède à Marseille une superbe maison agrémentée d’un jardin et d’une serre, mais c’est surtout son autruche vivante qui attire l’attention de Platter et qui est observée (presque expérimentée) avec curiosité.
Lire aussi le rapport sur les animaux vivants observés chez l’aubergiste néerlandais Caspar, chez le duc de Guise, chez d’autres particuliers marseillais et dans les échoppes de la ville.
Après le casse-croute de midi nous avons fait la traversée du port en question, avec plusieurs Allemandes, pour nous rendre dans une superbe maison de plaisance où réside Mme de Castellane. Là nous avons visité un très beau jardin, gentiment assorti d’allées de promenade, et de jolies haies. Dans une grande salle ad hoc, j’ai vu également des arbres plantés dans de grands pots, tant orangers que citronniers. On nous a montré aussi la salle d’armes, un véritable arsenal, mais seulement de l’extérieur, car le jardinier qui nous servait de guide n’avait pas la clé. Nous avons de même visité les appartements, une magnifique série de pièces très joliment décorées et ornées de tapisseries. C’est là qu’est hébergée de temps à autre la maitresse du duc de Guise, qui lui-même est gouverneur de la province. Ensuite, au rez-de-chaussée, dans la cour, au moment où nous allions quitter cette demeure, nous avons pu voir une autruche bien vivante, dont je pouvais à peine atteindre le haut du crâne avec la main. Ses cuisses étaient aussi grosses que celles d’un veau ; et, du pied, elle pouvait renverser un jeune garçon. Nous lui donnâmes des clous de fer à cheval à manger : elle les déglutissait de haut en bas sans difficulté apparente. Le jardinier nous certifia fortement qu’elle avait avalé déjà dans le passé quantité de clous et de clefs, et que les uns et les autres n’étaient jamais ressortis de l’autre coté ; ce qui tendrait à prouver qu’elle avait dû les digérer ! De retour en ville, nous sommes allés à la recherche d’autres animaux exotiques.
Source : Le siècle des Platter. II, Le voyage de Thomas Platter : 1595-1599, par Le Roy Ladurie, Emmanuel (éd. , trad. ) et Liechtenhan , Francine-Dominique (trad.), Paris, Fayard, 2006, p. 244.