Cabinet de Boulle, André-Charles
Cité par Bonnaffé
1642-1732. Le plus illustre de la dynastie des Boulle. « Il passa, dit Mariette, dans tous les tems et chez toutes les nations pour le premier homme de sa profession. Ses meubles, enrichis de bronzes magnifiques et d’ingénieux ornemens en marqueterie, sont d’un goût exquis et la mode ne leur fait rien perdre de leur prix. Cet artiste joignoit au bon goût, la solidité ; ses beaux meubles sont aussi entiers après cent ans de service, qu’ils l’étoient lorsqu’ils sont sortis de ses mains. Les fils qu’il a laissés n’ont été que les signes de leur père. Cet homme qui a travaillé prodigieusement, et pendant le cours d’une longue vie, qui a servi des rois et des hommes riches, est pourtant mort assez mal dans ses affaires. C’est qu’on ne faisoit aucune vente d’estampes, de desseins, etc., où il ne fût et où il n’achetât souvent sans avoir de quoy payer ; il falloit emprunter, presque toujours à gros intérêt. Une nouvelle vente arrivoit, nouvelle occasion pour accourir aux expédiens. Le cabinet devenoit nombreux et les dettes encore davantage et, pendant ce tems-là, le travail languissoit. C’étoit une manie dont il ne fut pas possible de le guérir. Malheureusement pou luy, le feu prit dans l’atelier où il conservoit toutes curiosités, qui pouvoient devenir à la fin une ressource ».
Boulle était logé aux galeries du Louvre qu’il occupait depuis 1672. L’incendie éclata, le 30 août 1720, dans ses chantiers sur la place du Louvre. Suivant un « État de la perte et du domage » présenté par la famille, la valeur des dessins, estampes et médailles incendiés s’élevait à environ 235,000 livres. Dans le nombre figurent : un admirable recueil de dessins originaux des plus fameux maîtres de toutes les écoles, estimé 60,000 livres, « qu’on avoit voulu troquer au sieur Boulle pour une terre et une métairie de vingt mille écuz » ; – près de 10,000 médailles ; – le célèbre manuscrit de Rubens, décrit par Roger de Piles ; – les ballets de La Belle ; – 100 portraits de Van Dyck, « où toutes les épreuves étoient retouchées de la main de cet habile peintre » ; des pierres gravées, des terres cuites, des portraits de cire colorée par Varin ; – une suite de dessins des maîtres français, estimée 16,980 liv. ; – une superbe collection d’estampes, estimée 73,420 livres, etc.
Tel était le cabinet de Boulle, magnifique ensemble de documents recueillis avec amour par un des plus grands artistes du siècle, et qu’il appelait lui-même la Source délicieuse. « L’incendie fit de grands ravages ; on ne put presque rien sauver en comparaison de ce qui périt, et cependant ce qui fut soustrait étoit prodigieux. On en fit une vente publique (mars 1732), qui dura longtemps et où furent exposés les tristes restes d’une des plus belles collections qui aient été faites. » V. Bourdaloue.
$1, I, 167. – $4, IV, 321 et suiv. – Cabinet de l’amateur, par Eug. Piot, IV, 32. – Chennevières, Peint. prov., III, 225.