Cabinet de De Brienne (comte), Louis-Henry de Loménie

Cité par Bonnaffé

1636-1698. Un des curieux les plus distingués du XVIIe siècle ; à Paris, quai de la Reine Marguerite (des Tatins, Malaquais). J’ai raconté jadis ses aventures, ses voyages, ses fonctions auprès de Mazarin qui en fit son secrétaire intime, sa liaison avec le Roi qui le nomma secrétaire d’État ; comment il perdit tout à coup sa place, se réfugia pendant sept ans à l’Oratoire, et finit par se faire interdire par sa famille qui le fit enfermer pendant dix-huit ans à Saint-Lazare et le laissa mourir, oublié, dans une abbaye de province.

Au milieu de ces bouleversements, l’amateur reste fidèle et convaincu, c’est un curieux de race. Il adore les peintures et les livres, les estampes et les médailles. Sa bibliothèque lui avait coûté 80,000 livres ; il en dépense autant pour ses estampes et ses tableaux. « La suite de ses médailles étoit la plus recherchée qu’on ait jamais vue, en moyen bronze ou en empereurs romains ; on y comptoit jusqu’à 200 colonies » (Sauv.). « Les provinces estrangères luy fournirent avec ardeur ce qu’elles possédoient de rare. L’Italie et la Grèce s’épuisèrent pour concourir à sa noble curiosité, et les libéralitez de ce seigneur en ont achevé la perfection, soit qu’on s’arreste à la beauté de chaque pièce, ou qu’on en considère la rareté » (Pat.). La meilleure partie de ses médailles venait du cabinet de Bagarris (v. ce nom).

La collection de peintures était nombreuse et d’un excellent choix : « On me dit que vous avez les plus beaux tableaux qu’il y ait en France, lui dit un jour Louis XIV. – J’en ai quelques-uns, Sire, mais ils sont tous à votre humble service. – Je te remercie, Brienne, je ne voudrois pas t’en priver ». De Brienne a composé lui-même le catalogue de sa galerie, en prose et en vers latins ; il est imprimé sous le titre suivant : Ludovicus Henricus Lomenius Briennoe comes, Regi à consiliis et epistolis, de Pinacothecâ suâ, 1662. Le lecteur trouvera le catalogue in extenso dans la notice que j’ai publiée en 1873 ; je me borne à donner ici la liste des tableaux qui sont au Louvre : De Raphaël, la Sainte Vierge, l’Enfant Jésus, Élisabeth et saint Jean (n° 378 du Louvre) ; de Lanfranc, la Séparation de saint Pierre et de saint Paul (n° 228) ; du Poussin, Moïse sauvé des eaux et Moïse foulant aux pieds la couronne de Pharaon (n° 417 et 418 ?) ; de Paul Véronèse, la Sainte Vierge et l’Enfant Jésus, avec sainte Catherine et saint George (n° 100) ; de Holbein, le portrait d’Érasme (peut-être celui du Louvre, n° 208) ; de Annibal Carrache, Saint Jean-Baptiste au désert et la Fuite en Égypte (n°s 139 et 154) ; du Corrège, le Mariage de sainte Catherine (probablement une réplique du tableau du Louvre) ; du Dominiquin, un Lac (n° 501) ; du Guerchin, Saint Jérôme réveillé par l’ange (n° 53) ; de Jules Romain, Vénus, Vulcain et l’Amour (n° 296) ; du Caravage, Mercure conduit Psyché devant Jupiter (n° 96) ; de Claude Lorrain, le Siège de la Rochelle et le Pas de Suze (n°s 233 et 234) ; de Van Dyck, le Christ pleuré par la Sainte Vierge (n° 138) ; du Gobbo, Latone (n° 87). Le Petit Pont d’Annibal Carrache, donné plus tard par le duc de Mazarin à de Brienne, ne figure pas dans son catalogue. (Ce tableau se trouve aujourd’hui au palais de Fontainebleau.)

La galerie de Brienne, acquise par divers amateurs, entre autres par Jabach et par Richelieu (v. ces deux noms), passa de leurs mains dans celles du roi. Quant aux médailles, elles furent achetées par son ami Ch. Patin : « Illustrissimus Briennae comes Lomenius praecipuâ ex horum numismatum contemplatione afficiebatur ut… refertissimum congesserit cimeliarchium. Cui tamen innocuae voluptati, cum caeteris vitae deliciis, vale dixit, et illud in meas manus tradi meique juris esse voluit. Et quamvis ejus pretium hominis privati sortem excederet, desiderio tamen gemmis istis splendidissimis eruditissimisque potundi temperare non valui ». (Pat.)

« C’étoit un honnête homme et très sçavant, il amoit mon fils Charles au dernier point et l’envoyoit quérir tous les jours, il lui fait une belle préface à ses Familiae Romanae ». (Guy Pat.)

De Brienne parle, dans son catalogue, d’une peinture de Le Brun, la Fille de Jephté, que l’artiste avait commencé pour lui. V. Tonat.

Catalogue de Brienne annoté, Paris, Aubry, 1873. – Ludovicus Henricus Lomenius… de pinacothecâ suâ, Lutetiae parisiorum, 1854. – $9$25, I, 252. – $57, p. 123 ; édition française, 1665, p. 181. – $63, II, 131, 235, 346. – $33, 455.