Cabinet de De Chantelou, Paul Fréart
Cité par Bonnaffé
1609-1694. Secrétaire de Sublet des Noyers et du duc d’Enghien, conseiller et maître d’hôtel ordinaire du Roi, Chantelou était le troisième fils de Jean Fréart, sieur de Chantelou, grand prévôt du Maine. En 1640, il fut envoyé à Rome par Sublet des Noyers, avec son frère de Chambray, pour en ramener le Poussin ; il eut la gloire de réussir. C’est encore lui qui fut chargé par le Roi de recevoir le Bernin à Paris (1665) et de lui servir de guide. M. Lud. Lalanne publie dans la Gazette des Beaux-Arts le Journal de Chantelou, pendant tout le temps que dura sa mission auprès du Cavalier.
On connaît l’intimité du Poussin et de Chantelou. Celui-ci avait formé rue Saint-Thomas-du-Louvre et plus tard dans sa maison de Reuilly, près du Trône, un magnifique cabinet de peintures, où les oeuvres de son ami tenaient naturellement la plus grande place. – Portrait du Poussin (au Louvre, n° 44) ; la Manne dans le désert (n° 420) ; une Sainte Vierge ; Hercule emportant Déjanire, que le Poussin avait fait primitivement pour Stella ; le Ravissement de saint Paul, qu’il ne faut pas confondre avec celui du Louvre (v. Scarron) ; les Sept Sacrements ; la Samaritaine : une Fuite en Égypte peinte pour Mme de Montmort, qui devint dans la suite Mme de Chantelou ; enfin une petite Ariane en cire, modelée par le Poussin lui-même.
A ce beau recueil consacré à son ami Chantelou avait ajouté la Vision d’Ézéchiel de Raphaël, achetée à Bologne ; des cartons de tapisseries représentant l’Histoire d’Hercule, composés par Pirro Ligorio pour le cardinal d’Este ; des bustes antiques, entre autres celui d’un Ptolémée ; des copies exécutées à Rome par Mignard, Le Maire, Nocret, Errard, le sculpteur Thibault Poissant, etc.
Chantelou raconte lui-même, dans le Journal du Cavalier Bernin, la visite que lui fit ce dernier rue Saint-Thomas-du-Louvre, pendant son séjour à Paris, Dans l’antichambre, le Cavalier remarque le buste de Chantelou, une copie d’après le Dominiquin, et des peintures de Le Maire dont il approuve les architectures. La « petite salle » qui suit renferme les copies d’après Raphaël, Annibal Carrache, Jules Romain, etc., et le portrait du Poussin par lui-même. Dans la « petite chambre », on admire les copies du Poussin, « dont les originaux sont à Richelieu », Hercule et Déjanire, etc. Les Sept Sacrements excitent particulièrement l’enthousiasme du Cavalier ; ils sont protégés par un rideau ; on les apporte près de la fenêtre, on les découvre, et le Bernin, tantôt assis, tantôt à genoux, changeant de lunettes suivant le cas, dit son mot sur chaque peinture et Chantelou le recueille précieusement. Le soir encore, à la promenade des Tuileries, le Cavalier, parlant des travaux projetés du Louvre, s’interrompait tout à coup pour dire à Chantelou : « Non mi psso levar del pensamento questï suoi quadri, je ne puis ôter de ma pensée vos tableaux ».
Chantelou parle aussi plusieurs fois d’un Torse de Vénus moulé sur celle du château de Richelieu, qu’il fit voir au cavalier Bernin, lequel avait admiré l’original à Rome. A ce propos, Chantelou écrit : « J’ai dit à M. du Metz que je donnerais le corps de cette Vénus à l’Académie et quelques têtes que je ferais former (mouler) sur mes bustes. Il m’a répondu qu’il m’en serait bien obligé ».
Chantelou assiste au Banquet des Curieux sous le nom de Polémon, qui
N’aime, n’estime et ne révère
Que les ouvrages de Poussin.
Après sa mort, son neveu Roland, qui lui succéda dans sa charge de maître d’hôtel, « ayant présenté au Roy les tableaux de feu M. de Chantelou et ayant supplié S. M., au désir du testament du sieur de Chantelou, de les accepter à telles conditions qu’il plairoit à S. M. Elle luy a témoigné n’en vouloir point et luy a dit d’en disposer à sa volonté… Versailles, 11 août 1695. » Le Trésor était épuisé par la guerre, le Roi envoyait à la Monnaie son orfèvrerie ; ce n’était pas le moment d’acheter de la peinture.
Chantelou avait cédé la Manne à Nicolas Foucquet ; le Ravissement de saint Paul et la Vision d’Ézéchiel achetés par Launay, directeur de la Monnaie, passèrent dans le cabinet du Régent, avec les Sept Sacrements (achetés 120,000 livres), de là chez Laborde de Méréville, enfin en Angleterre. Le Portrait du Poussin fut acquis par le Musée en 1797, d’un marchand de tableaux nommé Lerouge, en échange d’une peinture de Van des Werff. Quant à la petite Ariane de cire, donnée par le neveu de Chantelou à Antoine Duchesne, aïeul du conservateur des Estampes, achetée à la vente de ce dernier (1855) par M. Gatteaux, cruellement endommagée par l’incendie lors de la Commune, elle est récemment entrée du Louvre avec le legs de M. Gatteaux.
$25, pass. – $30, IV, 341 ; XVI, 175 et 373 ; XXVI, 543, 537. – $37, au mot Chantelou. – $31, I, 357 ; 1713, I, 124. – $4, 2e série, II, 275. – $61, IV, 47. – $2 – $8 – $64 – H. Chardon, Les Frères Fréart, le Mans, 1867. – $47, III, 215. – $35 – Le surintendant Foucquet, Paris, 1882.