Cabinet de Colbert, Jean-Baptiste

Cité par Bonnaffé

1625-1683. Fondateur des Gobelins, de l’École de Rome, de la Chalcographie, du Cabinet des Estampes, de l’Académie des Inscriptions, organisateur de l’Académie de Peinture et de Sculpture, collectionneur de tableaux, de livres, de médailles, d’estampes, de marbres, de raretés de toute nature qu’il faisait rechercher en Allemagne, en Italie, en Orient pour le compte du Roi, le grand Colbert fut encore un amateur pour son propre compte.

Il habitait, rue des Petits-Champs, l’ancien hôtel bâti par Guillaume Bautru, et le remplit de meubles, de tableaux, de tapisseries magnifiques. La bibliothèque occupait deux étages : « La galerie où sont les livres imprimés est au rez-de-chaussée, avec des fenêtres d’un seul côté donnant sur un beau jardin ; c’est la plus jolie bibliothèque de Paris, elle est grande et supérieurement meublée… les manuscrits sont au premier, où ils occupent trois pièces. Ils forment 6,610 volumes ». La collection des médailles était placée dans la bibliothèque. Sauval, qui cite les principaux numismatistes de son temps, dit : « Je ne mets pas en ce rang Colbert, ministre d’État, parce qu’il ne fait que commencer à s’ériger en curieux ». Mais Colbert avait la passion de médailles et leur destinait la première place, « antiquis numismatibus primum inter cimelia locum deberi perspexit et dari jussit » (Patin). Il confia cette partie de la collection à l’abbé Bizot (v. ce nom) et mit à sa disposition des sommes considérables pour en faire un recueil de premier ordre. (V. Galland.)

Vers 1670, Colbert acheta de la famille de Gesvres la maison de Sceaux et chargea Claude Perrault, Le Brun Girardon et Le Nôtre d’en diriger les embellissements. Le Brun composa les décorations de la chapelle, du grand appartement et du grand escalier ; dans un des pavillons du potager, il peignit le plafond d’Aurore et Céphale. Les jardins furent dessinés par Le Nôtre, le potager planté par La Quintinie. Le Brun donna les dessins des perspectives peintes, de la cascade et des figures qui l’accompagnaient. Les bosquets et les parterres, dont la disposition rappelait les jardins de Versailles, étaient ornés de statues, parmi lesquelles on admirait l’Hercules gaulois commencé par Le Puget pour Nicolas Foucquet (actuellement au Louvre), une copie en marbre de l’Hercule Farnèse, une Diane et le Mercure venaient de la reine Christine. Le Mercure, donné par la reine à Servien et par le fils de Servien (M. de Sablé) Colbert, est aux Tuileries.

Indépendamment de ses deux résidences principales, à Paris et à Sceaux, Colbert avait encore des pied-à-terre à Saint-Germain, à Versailles et à Fontainebleau.

Voici, après l’inventaire après décès, les principaux articles qui font partie de la collection de l’amateur.

Tapisseries : Gobelins, tenture rehaussée d’or « repésentant des chasses et les mois de l’année, vulgairement appelée la belle chasse de l’hostel de Guise » ; Gobelins, copie de la tenture des Douze mois de la couronne ; Bruxelles, Histoire de Scipion ; fabrique ancienne du Louvre, le Pastor Fido ; Bruxelles, les Bestions ; Anvers, Histoire d’Esther ; Bruxelles, Histoire de Psyché ; Beauvais, Verdure aux armes de Colbert ; Gobelins, les Muses rehaussées d’or ; Angleterre, l’Histoire d’Absalon ; Bruxelles, Histoire de Gédéon, Histoire de Tobie, l’Enfant prodigue, Grotesques, etc.

Tapis, lits, meubles : Je signale dans ce chapitre le bureau de Colbert : « un grand bureau dont se servoit ledit defunt seigneur en son cabinet, avec ses casiers ou tablettes sur iceluy, le tout de bois de poirier noircy de placage de raport, représentant des fleurs et animaux, ledit bureau garny de plusieurs tiroirs devant et derrière, fermant à clef et couvert de drap noir, prisé ensemble la somme de 150 l. »

Tableaux : de Paul Véronèse, la Fraction du pain, une Vierge avec l’Enfant Jésus, saint André et d’autres figures ; de l’Albane, Saint Jean dans le désert ; de Pierre de Cortone, Jacob et Esaü ; du Mola, Saint Jérôme ; du Carrache, une Nativité ; de Le Brun, le Christ au jardin et un Ecce homo ; de Jules Romain, la Création du monde ; de Raphaël, une Vierge avec le Christ, saint Jean et sainte Élisabeth (Estimé 300 l., sans doute une copie) ; de Beaubrun, le portrait de la Reine ; de Nanteuil, le portrait du Roi, au pastel ; de Ph. de Champaigne, la Madeleine ; de Mignard, deux petits portraits du Roi à cheval ; de Léonard de Vinci, une École de filles où est la Vierge ; de Le Brun, le Christ en croix et la Vierge ; de Mignard, Apollon et Marsyas ; vingt-deux copies des Figures du vieux testament, d’après Raphaël, etc. La prisée des tableaux est faite par Charles Le Brun, écuyer, premier peintre du Roy et chancelier en son Académie Roïalle de peinture et sculpture.

Porcelaines et bronzes : Cabinets dont un « fasson de la Chine », un autre d’ « esmail de Cataloigne », etc.

Orfèvrerie et pierreries : Les articles sont prisés par Nicolas de Launay, marchand orfèvre ordinaire du Roi, demeurant aux Galleries du Louvre.

Château de Sceaux : Peintures de Feuquières, Le Maire, Blanchard, le Guerchin, un Saint Sébastien de Holbein, une copie de la Galatée de Raphaël, trente bustes de marbre, etc.

Médailles, bustes en bronze du Cardinal de Richelieu et du Cardinal Mazarin, collection d’instruments de mathématiques. L’inventaire est dressé par Claude du Molinet, Bibliothécaire de Sainte-Geneviève, et par l’abbé Pierre Bizot (v. ces deux noms).

Bibliothèque : Inventaire dressé par Pierre Aubouin, Arnoul Seneuze et Jacques Villery, libraires à Paris. M. Léop. Delisle a consacré, dans son Histoire du cabinet des manuscrits, une étude complète à la bibliothèque Colbertine, et nous en détachons les indications suivantes. En 1662, la bibliothèque était déjà renommée ; elle comprenait une partie des fonds de Le Laboureur, de Thou, Brienne, Fontenay-Mareuil, etc. Carcavy et Baluze, son successeur, bibliothécaires de Colbert, achetèrent successivement une partie du cabinet de Mathieu Molé et mille manuscrits de la collection de Thou. En même temps ils mettaient à contribution les dépôts de la province, soit pour des copies, soit pour des acquisitions. Jean de Doat, Président de la chambre des comptes de Navarre, d’Aguesseau, intendant du Languedoc, Foucault à Montauban, du Molinet en Touraine, Bourdon, trésorier à Montpellier, achètent pour Colbert tout ce qu’ils trouvent de précieux et font copier les documents historiques des archives. Les consuls de France dans le Levant reçoivent des instructions pour enlever tous les manuscrits qu’ils pourront découvrir. Enfin le duc de Mazarin, François Du Chène, Jean Ballesdens, les chanoines de la cathédrale de Metz donnent ou lèguent à Colbert des livres et des manuscrits précieux. La bibliothèque passait pour la troisième en Europe ; elle fut estimé, à sa mort, 54,858 livres, soit 41,844 livres pour les imprimés et 13,014 pour les manuscrits.

Nous retrouveront les collections de Colbert en parlant de son fils, le marquis de Seignelay.

$44, 119. – $63, II, 346. – $57. – $52, Le Brun. – Dussieux, Versailles, II, 245, note. – Inventaire de Colbert, Bibl. nat. – Mélanges de Colbert, 76-77. – $42, p. 439 et suiv. – $20, Colbert. – $6, II, 636.