Cabinet de la Reine à Windsor

Témoignage de Thomas Platter, Bâlois, en voyage en Angleterre en 1600. La visite de Windsor, après avoir montré un parc extraordinaire et différents appartements plus somptueux les uns que les autres, s’achève sur un « cagibi » qui contient lui-même un meuble…

… dans les tiroirs duquel on trouvera un boitier oblong dans lequel est conservé un bel oiseau de paradis, alors décrit avec force détails… T. Platter a effectivement observé de très près l’animal empaillé. Ailleurs dans le même meuble se trouve aussi une mémorable corne de licorne dont la taille remarquable et le nerf central sont dignes d’admiration. L’origine de l’objet est également précisée. Belle conclusion pour la visite de Windsor.

[dans la chambre où trône le lit immense d’Henri VIII, et de très belles tapisseries au mur : ]
Dans un cagibi (qui est contigu à cette chambre de la garde-robe où nous vîmes la tapisserie des lys), on nous a fait voir, en un cuveau, quantité de coussins royaux, précieusement travaillés, richement brodés de toutes les manières. Un extraordinaire travail d’aiguille ! Dans ce même meuble, en son étagère et tiroir inférieur, on nous a monté un boîtier oblong, dont fut extrait à notre intention un oiseau de paradis complet et empaillé. Son dos était jaune pâle ; ses flancs, marron, couleur de châtaigne. Les entours de son bec, fort crochu, étaient verts. L’oiseau faisait en longueur trois de mes empans, depuis le bec jusqu’à l’extrémité des plumes de la queue, et son plumage était ravissant, doux comme la soie. Le volatile en question était pourvu d’une paire de fines courroies, longues de quatre empans, avec lesquelles il pouvait s’accrocher aux arbres comme avec des griffes.
En ce même buffet dont je parlais à l’instant, et dans un autre tiroir d’icelui, en contrebas, on avait disposé une corne de licorne, absolument authentique, naturelle. Elle pesait vingt livres. En longueur, elle mesurait un empan de plus que ma propre stature ! Quant à son épaisseur, je pouvais à peine la tenir entre le pouce et l’index, c’est tout dire. Elle devait s’enfoncer de deux empans, me semble-t-il, dans la tête de l’animal qui l’avait originellement arborée sur son crâne. A cet endroit d’enfoncement, elle était creuse et la cavité contenait un nerf. Vue de l’extérieur, corne fort pointue, joliment tournée, spiralée ! Le roi Henri VIII, m’a-t-on dit, avait reçu d’Arabie cette merveille ; et il avait pour elle et pour sa grande valeur la plus haute appréciation.

Source : Le siècle des Platter. III, L’Europe de Thomas Platter : France, Angleterre, Pays-Bas, 1599-1600 , Le Roy Ladurie, Emmanuel (éd. , trad. ) et Liechtenhan, Francine-Dominique (trad.) Paris, Fayard, 2006, p. 421.