Jardin zoologique de Gand

Témoignage de Thomas Platter, voyageur bâlois de passage dans les provinces du Nord en 1600.

Thomas Platter, après sa visite à Bruxelles des jardins zoologiques, se rend à Gand où il voit une lionne, et les installations relatives à une ménagerie de fauves. On apprend à cette occasion quel est le salaire du garde-lion… et l’on comprend qu’il est résolument possible de contempler des animaux exotiques à la fin du XVIe siècle dans ces provinces du Nord.

Côté sud, à main droite, dans cette même cour, une maison se dresse : voici pas mal d’années, on y nourrissait en permanence des lions bel et bien vivants. On prétend même que certains d’entre eux se sont reproduits sur place, avec engendrement local de lionceaux. Nous avons inspecté en détail ce petit zoo. Il y avait là deux salles contiguës. On pouvait donc pousser les fauves d’une pièce à l’autre et faire place nette dans l’une d’entre elles : on avait disposé à cet effet une grille en bois, épaisse et solide, entre ces deux chambres ; on pouvait la faire coulisser : monter ou descendre selon le cas, comme la herse d’un château fort. Lors de notre venue, ne se trouvait là qu’une grande et vieille lionne. Elle faisait des bonds bizarres en direction de la viande qu’on avait accrochée au plafond, et nous eûmes droit à ce spectacle. Le gardien qui s’occupait de cette lionne nous dit que le fauve en question refusait la viande cuite dans on lui en offrait ; il nous dit aussi que cet animal avait très peur d’un coq vivant qui lui était présenté, au point qu’il en restait tout interloqué. Mais, au bout que quelque temps, il prit l’habitude d’attraper ce genre de volatile et de le dévorer. Cet homme reçoit chaque année cent francs de la ville à titre de salaire pour son office de garde-lions. Si l’un des fauves meurt, il est obligé d’en acheter un autre à ses frais. Mais il reçoit tellement de pourboires journaliers de la part des spectateurs et des voyageurs de passage que ça dépasse de beaucoup la valeur de sa charge.

Source : Le siècle des Platter. III, L’Europe de Thomas Platter : France, Angleterre, Pays-Bas, 1599-1600 , par Le Roy Ladurie, Emmanuel (éd. , trad. ) et Liechtenhan, Francine-Dominique (trad.) Paris, Fayard, 2006, p. 314.