Table des matières
Paul Contant, apothicaire de Poitiers, est un amoureux de la nature et des curiosités. Né en 1562, il grandit auprès d’un père apothicaire qui commente Dioscoride. Des voyages italiens et alpins qu’il fait lors de sa jeunesse, le Poitevin rapporte des spécimens rares, et un goût toujours plus aiguisé pour l’inédit et les curiosités.
Il amasse progressivement quelques pièces de choix, et prépare bientôt un texte destiné à faire connaître au monde les merveilles de sa collection. Dans un premier temps, en 1600, il l’intitule Bouquet printanier, et le dédie à Julien Mauclerc, sieur du Ligneron, un Rochelais installé à Apremont sur Vie, en Bas-Poitou. Le titre de ce premier catalogue semble indiquer que cette première version n’était consacrée qu’aux végétaux du jardin de l’apothicaire, mais en réalité l’auteur y présente déjà une sélection d’objets et de curiosités zoologiques. Le catalogue que nous avons réédité1 dans ses versions ultérieures montre bien par son titre modifié, Le Jardin, et Cabinet poétique, que la collection n’est plus exclusivement botanique : les végétaux sont accompagnés d’autres curiosités naturelles, lointaines ou monstrueuses, ainsi que de quelques objets que nous appellerions aujourd’hui ethnographiques.
L’objet de cette étude est de tenter de reconstituer le plus fidèlement possible la réalité concrète d’un cabinet de collectionneur en Poitou au tournant des xvie et xviie siècles. Cette investigation a été menée en prenant Paul Contant comme exemple de référence. Les documents le concernant sont en effet relativement nombreux, et permettent de se représenter, même partiellement, la façon dont pouvaient circuler les curiosités et les curieux du Poitou de l’époque.
En ce qui concerne Contant, il a été possible de travailler sur différents supports : tout d’abord à partir des écrits que nous a laissés le collectionneur lui-même, à savoir, d’une part les différentes versions du Jardin, et Cabinet poétique (1609-1628), puis l’Exagoge mirabilium (liste en latin parue en 1628, qui classe les pièces de la collection en les rangeant sous différentes rubriques)2, les gravures qui accompagnent ces deux textes, enfin les Commentaires sur Dioscoride, parus en 1628, écrits en partie par le père, complétés et publiés par le fils, dans lesquels on trouve bon nombre de précisions sur les voyages et les aléas de la collection. Nous disposons également des documents fournis par les visiteurs de Contant, au premier rang desquels figure Abraham Gölnitz, qui, dans son journal de voyage, relate avec quelques détails intéressants son passage chez l’apothicaire3. Reste enfin un pamphlet qui paraît à Leyde en 1608, signé « Les Manes du seigneur du Ligneron », dans lequel s’exprime la colère de s’être vu préférer un autre dédicataire. En manière de revanche, le pamphlétaire dénonce certains abus de Contant (larcins, mensonges en tous genres). Calomnies ou vérités ? S’il est difficile de trancher, ces remarques, même dictées par le dépit, nous renseignent à leur manière sur les façons de procéder de l’apothicaire.
Pour les autres collectionneurs, la recherche ne fut pas des plus simples, tant les documents dont nous pourrions disposer sont rares. L’étude des autres curieux du Poitou a été réalisée à partir de leurs propres catalogues lorsqu’ils existent, ou de récits de visiteurs étrangers, voire en dernier recours à l’aide de recherches menées par les érudits du xixe siècle ; ces sources étant malheureusement lacunaires et le plus souvent invérifiables, elles seront mises à contribution avec la plus grande précaution.
Amonceler – Attirer
Paul Contant est représentatif des curieux de son époque en ceci qu’il se préoccupe en toute occasion de ramasser, de rassembler, afin d’exposer dans son cabinet de curiosités le « magazin du monde ». La collection se pense comme un microcosme, un abrégé de toutes les merveilles dont la nature est capable. Entre 1600 et 1628, l’apothicaire de Poitiers exerce à merveille son métier de curieux : du texte du Bouquet à celui de l’Exagoge, c’est-à-dire du premier au dernier état de la collection, celle-ci ne cesse de prendre de l’ampleur.
Réduite d’abord à un jardin, terrain originel à plus d’un titre de la collection d’un apothicaire protestant – refuge édénique et professionnel à la fois –, la collection est obligée, très vite, de se transporter en partie à l’étage de la maison du curieux. Si le groupe des objets resserrés dans cette pièce appelée « cabinet » compte 43 spécimens en 1609, en 1628 il y en aura plus de 4500, sans compter les quelque 3000 plantes exotiques conservées dans quinze herbiers secs. Il n’est même plus question du « jardin » à ce stade, puisque la collection s’intitule désormais Exagoge mirabilium naturae è Gazophyliacio Pauli Contanti Pictavensis Pharmacopaei, désignation que l’on peut traduire par « Résumé des merveilles de la nature figurant dans le Trésor de Paul Contant, Apothicaire de Poitiers ». Non seulement il s’agit à présent d’un « trésor », appellation qui brille de promesses mystérieuses à la manière des fameuses « chambres aux merveilles » de l’époque, mais encore la liste est donnée en latin, ce qui lui confère une apparence de sérieux et un vernis scientifique dont nous aurons à reparler. Nous sommes en tout cas bien loin du modeste jardin de simples des débuts. Le contenu, comme l’esprit, a changé.
Aux pièces naturelles, telles que fruits, graines, bois, écorces, fleurs, racines, gommes, désormais distinguées en rubriques raisonnées, viennent s’adjoindre des fossiles, des pierres ou minerais, et autres coquillages (objets tirés des profondeurs de la terre, ou de la mer). On trouve également plus d’une centaine d’animaux, ou de parties d’animaux, comme une mâchoire de baleine, une corne de licorne, quatre crocodiles, un pied d’élan, une dent d’éléphant, une dent d’hippopotame, un castor, un bec de toucan… Enfin, il faut parler des objets d’art, totalement passés sous silence dans les précédentes versions des inventaires de Contant, mais qui représentent tout de même une part non négligeable de son « trésor » de 1628, à savoir quelque 3500 statuettes de bronze, une centaine de flacons d’essences ou de parfums, et toutes sortes d’objets insolites et admirables, comme un astrolabe de mer, des miroirs concaves, des parures du Nouveau Monde faites de dents humaines, des papiers de Chine, du papyrus… On ne s’étonnera pas qu’après la mort de Contant, il ait fallu, aux dires de son petit-fils Raffou, employer à plein temps quatre déménageurs pendant sept jours pour débarrasser la pièce qui menaçait de s’effondrer.
Comparée à d’autres collections contemporaines du Poitou, celle de Contant affiche donc sa prédilection pour les curiosités de la nature, goût partagé entre autres par Samuel Veyrel, apothicaire de Saintes, par Raoul Collin à Fontenay-le-Comte, ou encore par son concitoyen Michel Tiraqueau, amateur de plantes lointaines. Notons en revanche que Paul Contant, nourri à la lecture de Dioscoride, ne montre aucun intérêt pour la numismatique : contrairement à bien des collectionneurs de son époque, il néglige les médailles.
Disposer
Reste à deviner comment les pièces de la collection se répartissaient et étaient données à voir lors de la visite. C’est un souci récurrent des collectionneurs que de se demander comment disposer, arranger, aménager. En premier lieu parce que ce problème recoupe celui, très épineux, du classement des objets, lesquels, étant des raretés, ont justement ceci de particulier qu’ils sont quasiment inclassables, étant parfois à mi-chemin entre deux catégories. En second lieu, dans la mesure où l’abondance est considérée comme une qualité, un problème matériel de place peut survenir, à mesure que la collection augmente4 : tout finit par crouler sous la profusion, comme le dit Pierre Trichet au sujet du célèbre cabinet de Samuel Veyrel :
N’y remarques tu pas des Conches admirables ?
Que la Nacre, et la Pourpre abondent sur les aix ?
Que tout y est exquis ? et que mesme les tables
Se courbent doucement sous un si noble faix ?
Que tous les cassetins et les boites sont pleines
De Buccines de mer, ou bien de Porcelaines ?5
Le cabinet de curiosités a horreur du vide. Étagères, tables, boîtes, cassettes, tiroirs, il n’est pas un espace qui ne soit débordant.
Ceci n’est pas sans rapport, du reste, avec l’effet qu’entend produire sur son visiteur le collectionneur. Une collection doit exhiber sa profusion autant que ses pièces uniques. Et il n’est sans doute pas si facile qu’on le croit d’éblouir l’œil et l’imagination : ce ne sont pas des ignorants6 qui visitent les cabinets de curiosité. Au contraire, le public le plus fréquent, et celui que recherche Contant, est un public d’amateurs avertis, collectionneurs eux-mêmes, voyageant à travers l’Europe et visitant de préférence les cabinets de curiosités. Autant dire qu’il s’agit d’un public de connaisseurs qui sans être blasés sont sans doute difficiles. Il faut donc déployer quelque ingéniosité pour les émerveiller. Or, contrairement à la tendance courante, Contant ne fait figurer dans son catalogue aucune gravure exposant une vue panoptique de la pièce. Si l’on souhaite deviner quelques éléments de disposition des merveilles de Contant, il faut donc se pencher sur d’autres éléments : les textes de son poème et de l’Exagoge, le témoignage d’Abraham Gölnitz, et les gravures.
De l’étude croisée de ces textes7, il ressort tout d’abord, dans le poème, que Contant commence par évoquer ses arbres les plus grands, susceptibles d’être vus de loin dès l’arrivée du voyageur à Poitiers, dans le but sans doute de souligner d’emblée le caractère spectaculaire de sa collection, dès l’abord du jardin – certains de ses arbres étant des spécimens rares dans la ville de Poitiers, l’auteur se vante d’être celui qui les expose dans la cité8. Si le jardin se voit de loin, l’arrivée dans le cabinet est également préparée avec soin selon cette même préoccupation : il faut frapper l’imagination, rien de tel donc qu’un gigantesque crocodile pour ouvrir le poème des curiosités zoologiques ; Gölnitz, quant à lui, reconstitue des rubriques, et son compte rendu n’aide pas beaucoup à se représenter la réelle disposition des objets dans la pièce. Cependant, il place au premier rang de sa liste des animaux terrestres le dragon de Contant – cet effrayant montage de taxidermiste était-il effectivement placé à l’entrée du cabinet ? – puis la chauve-souris géante, autre spécimen certainement impressionnant ; la liste des aquatiles commence par le serpent géant, suivi du rémora et du diable de mer. Les places de choix reviennent logiquement aux créatures de grande taille ou d’allure monstrueuse. Toutefois rien ne permet d’en déduire avec certitude la disposition spatiale choisie par Contant, puisque ce pourrait tout aussi bien être l’ordre que choisit Gölnitz pour reporter les objets dans son calepin, tout simplement parce que, ne citant pas tous les objets qu’il voit, le voyageur ne s’intéresse qu’aux pièces les plus rares, et place en tête de cette liste partielle celles qu’il a jugées les plus remarquables.
Pour deviner l’organisation matérielle de la collection, il nous reste les gravures fournies par Contant. L’une représente un bouquet, assemblage plus esthétique que réaliste, des plantes que l’apothicaire dit cultiver dans son petit jardin. D’autres représentent, gravés séparément sur les pages, les différents objets, animaux ou monstres de la collection, tous numérotés, comme les plantes du bouquet – ces numéros renvoyant aux entrées du texte, et à l’index final qui donne le nom de toutes les curiosités. Enfin, l’édition de 1628 ajoute une gravure figurant un meuble à tiroirs fermés, et dont les étagères contiennent les quinze herbiers secs.
La gravure des plantes montre, en majesté, les bulbes, série de fleurs disposée selon un arc central et splendide – les bulbes sont en effet ce qu’il y a de plus enviable et de plus rare en matière de fleurs : tulipes, narcisses, anémones, lis, sont les plus précieuses des plantes à collectionner à l’époque. Les grands arbres dont il a été question précédemment encadrent toutes les autres plantes, comme c’est le cas peut-être dans le jardin proprement dit9. Pour imaginer la disposition de son petit jardin, on peut regretter que Contant ne donne pas de l’endroit une vue générale, ainsi que le fera Jean Franeau en 161610. Toutefois, nous savons qu’il passe un moment exceptionnel dans le jardin de simples de Padoue11 : imite-t-il, de retour à Poitiers, le majestueux modèle italien, qui adopte un plan circulaire, et dont les murs sont garnis de niches et de statues ? Rien ne permet de l’affirmer, mais d’une part c’est une disposition qui semble avoir du succès, d’après la planche que donne Franeau de son « Cabinet des fleurs »12, d’autre part on sait que le jardin côtoie son officine, comme le jardin de Padoue comportait, à proximité, des salles destinées à préparer ou distiller les plantes médicinales, et d’autres espaces abritant une collection de naturalia : « Et dans ce petit théâtre », dit le guide catalogue de Padoue, « comme en un petit monde, on fera spectacle de toutes les merveilles de la nature »13. Ce spectacle total est bien l’objectif ambitieux affiché par Contant lorsqu’il propose un catalogue qu’il intitule Jardin, et Cabinet poétique, destiné à décrire les splendeurs et du jardin et du cabinet d’objets naturalisés.
Il faut compléter cette représentation des collections extérieures et intérieures de Contant en s’efforçant d’imaginer des efforts d’installation dans la pièce qui abrite les objets : les gravures, qui représentent avec tant d’exactitude les bêtes et monstres du cabinet, nous renseignent peut-être sur la mise en scène muséographique des objets. Le toucan et le caméléon naturalisés s’agrippent-ils sur leur branche sur l’étagère de Contant comme sur la gravure qui nous les montre ? Les techniques des taxidermistes de l’époque permettaient-elles réellement d’obtenir des résultats aussi fidèles à la nature ? Est-il permis de penser que ces animaux empaillés ont bel et bien existé tels quels dans le cabinet de l’apothicaire, même si certains éléments (peau, plumes…) ont subi une dégradation rapide ? La branche qui porte le caméléon ou l’îlot au sol irrégulier où repose l’iguane sont-ils, en somme, le fruit de l’imagination du graveur, le respect de simples conventions ou stéréotypes de la gravure d’histoire naturelle, ou la restitution scrupuleuse d’une véritable mise en scène des objets, au demeurant fort commune à l’époque, où les représentations des cabinets débordent d’animaux naturalisés avec leur milieu naturel ? S’agit-il enfin d’une mise en scène souhaitée, idéale et reconstituée comme l’est celle du bouquet ? Les animaux mis en situation ne font-ils partie que de l’histoire de la représentation des collections, sortes d’« images d’Épinal » du cabinet de curiosités ?14 Cette dernière possibilité n’est pas à négliger, puisqu’il est important pour Contant d’apparaître aux yeux du public comme un véritable collectionneur. Aussi livre-t-il soigneusement, en bon « publicitaire », certains éléments traditionnels de la représentation d’un cabinet. Nous n’écarterons aucune de ces hypothèses ici, considérant jusqu’à preuve du contraire qu’elles sont toutes partiellement vraies pour le cas qui nous occupe. En particulier nous ne souhaitons pas exclure l’idée que ces animaux naturalisés aient pu exister, sous la forme que montrent les gravures, dans le cabinet de Contant, du moins avant que le temps ne les dégrade.
Quant au meuble de 1628, il est tout à fait curieux dans la mesure où il cache au lieu de montrer. Certains collectionneurs exposent, en appendice de leur inventaire, le meuble qui contient leurs merveilles15. Mais ils fournissent également une légende permettant de savoir ce que contient ce meuble. Rien de tel chez Contant, qui n’a en l’occurrence nulle visée didactique ou rationalisante : les tiroirs n’ont pas d’étiquettes, les dos des herbiers indiquent un ordre alphabétique destiné à faire illusion – il n’est en effet pas aisé de constituer des herbiers autrement que chronologiquement – tandis que certains d’entre eux portent des noms d’espèces (« bulbes », « legumes ») uniquement destinés à mettre en valeur un pan de la collection : l’apothicaire a donc assez de bulbes pour en remplir tout un ouvrage ! se dit le lecteur médusé. Fonctionnant selon une logique pseudo-scientifique, ce meuble mérite d’être comparé aux vues panoptiques représentant communément les cabinets de l’époque, celui de Ferrante Imperato (1599), ceux de F. Calceolari (1622) ou d’O. Worm (1655), même s’il pose la question de la représentation a contrario, cachant au lieu d’exhiber, et que de ce fait son fonctionnement soit plutôt sur le mode de l’implicite : dévoilant peu – quelques spécimens alléchants flottent en marge –, la gravure laisse toute liberté au spectateur pour deviner, imaginer, et surtout désirer ouvrir le meuble. Cette stratégie est une mise en scène destinée à faire venir le curieux.
Ces soucis de mise en scène ne sont pas séparables, rappelons-le sans nous y arrêter, de la visite guidée, assurée par le collectionneur lui-même, lequel multiplie certainement avec enthousiasme les détails pittoresques ou érudits au sujet des objets exposés. C’est une pratique courante chez les collectionneurs de curiosités, précise Contant au sujet de Ferrante Imperato16, comme en témoigne Pierre Trichet pour Samuel Veyrel, sympathique guide de son propre musée :
Quel plaisir auras tu d’y voir l’œil de baleine,
L’hirondelle de mer, la coste d’Elephant,
La corne du Belzar, le Dragon, la Scorpene,
L’Alcion, la Langouste, et d’un poisson la dent
Enorme en sa grosseur, l’Herisson sans espine,
Le Chevalot marin, et l’Estoille marine ?
Je te repute heureux d’avoir trouvé la porte,
De VEYREL qui paroist entre les plus courtois,
Qui t’instruict volontiers sur la diverse sorte
Des Fruicts, des Mineraux, des Pierres et des Bois :
Je te repute heureux d’avoir faict tel rencontre,
Puis que mesme l’Autheur son Cabinet te monstre.17
Chaque objet vu est ainsi enrichi par le discours qui l’accompagne : qu’elle soit historique, légendaire, scientifique ou mythologique, la strate discursive est chargée de mettre en relief la singularité de l’objet. Son histoire dit son statut extraordinaire, tenant soit aux circonstances de sa découverte, soit à la légende, à l’histoire sainte, à une énigme rapportée par l’histoire naturelle. Le texte poétique de Contant transmet cet embellissement émotionnel et prodigieux, élevant des choses parfois assez communes au rang d’insignes singularités. Si les objets nous manquent, le discours qui les accompagne les fait surgir devant l’imagination du lecteur du xxie siècle.
Amitiés, rivalités
Comment accumuler un tel trésor ? Faut-il attendre que les merveilles viennent à soi, ou partir à la recherche des raretés à l’autre bout du monde ? Sans aller aux antipodes, il est possible de se procurer des objets lointains dès leur arrivée dans les ports français, avec les risques de falsification que cela comporte18. On peut aussi échanger avec d’autres amateurs, ou encore faire soi-même des recherches : herboriser – ce que fait Contant dans les Alpes – et être à l’affût, en voyage, de ce qui se fait de plus beau et de plus rare.
Mais que faut-il entendre exactement par le « rare » ? Le statut de la rareté dépend du degré d’ignorance du collectionneur, et fluctue selon les modes. Le rare n’est pas nécessairement le lointain, l’étranger, l’inédit, même si certains éléments des collections répondent à ces critères, tel le crocodile de Contant, vanté parce qu’il a délaissé le Nil lointain pour les bords du Clain, ou le canoë, qui tire son intérêt, comme le maracas, des remarques ethnographiques auxquelles il donne lieu concernant les mœurs des habitants du Nouveau Monde ; la tulipe, à son tour, est systématiquement associée à sa Turquie natale.
La collection florale et ses évolutions permettent de mesurer la manière dont les collectionneurs repoussent les limites géographiques de leurs investigations. Ce sont les fleurs à bulbe d’origine orientale qui prennent de la valeur à l’époque de Contant. L’apothicaire lui-même raconte très bien comment il s’est trouvé au tournant de cet engouement, et comment sa collection, qui d’abord glanait sans distinction toute fleur ou végétal, a pris une nouvelle inflexion après la découverte des « fleurs étrangères » importées des Indes, de Byzance, d’Espagne – lesquelles occuperont alors dans son poème, autant que dans le bouquet gravé (et à n’en pas douter dans le jardin proprement dit), une place centrale :
Car en mes jeunes ans nous n’avions cognoissance
Que des simples qui sont aujourd’huy par la France,
Sans estime et sans prix, et nous n’avions encor’
Les Coronnes en main, ny le riche thresor
Des Indes recouvré, et des Espaignes belles
Œilladé la beauté des plantes plus nouvelles.
Nous n’avions de Bizance encore descouvert
Les Tulipes sans fin, et le Simpliste expert
En ce temps n’avoit veu plante dont l’excellence
Meritast qu’on en fist estime par la France.19
Témoin privilégié de cette tendance, le Cabinet des fleurs de Jean Franeau n’expose que des espèces de ce type, et tire sa gloire de la variété qu’il possède au sein de chaque famille de bulbes : le jardin ne compte pas moins de 31 anémones, 8 hyacinthes, 10 narcisses, 50 tulipes… Il ne manque pas d’insister sur le fait qu’il délaisse toutes les autres fleurs, même belles, si elles sont trop connues ou trop communes : l’Élégie xxii qui leur est consacrée leur permet de pleurer leur disgrâce, sous le titre « Complainte et doléance des fleurs anciennes » :
[…] mais quoy helas nous sommes
Nous sommes mais helas repoussées des hommes,
L’on nous jecte dehors des Parterres fleuris,
Nostre vray domicil est nostre ancien pourpris.
Parmy tant de gayetez tant de beautez nouvelles,
N’aurons nous point de place ès Jardins avec elles ?20
Il n’est pas de collection digne de ce nom sans son parterre d’anémones ou de tulipes. À ce titre, Contant rend hommage à Charles de L’Écluse. Après avoir rapporté et acclimaté les bulbes en Europe, le botaniste de Leyde lui a fourni les précieuses anémones : et l’apothicaire de s’exclamer qu’il est louable d’avoir ainsi réussi à « multiplier le rare en abondance ». Cette remarque permet de mieux comprendre à quel point la rareté tient moins à l’unicité de l’objet qu’à sa nouveauté :
C’est ce grand de Lecluse, à qui nostre pouvoir21
A esté descouvert comme bien pouvez voir
En tant de ses labeurs ; dont la docte science
A faict que tout le monde en ait eu cognoissance
Car non content d’avoir de nous tout le plaisir
Qu’il pouvoit souhaitter d’un louable desir,
Premier nous fit parroistre aux Jardins des grands Princes,
Et despuis transporter en cent mille Provinces :
De sorte que chascun ores desire avoir,
Le bien tant seulement que de nous pouvoir voir.
Attendant qu’un Hymen d’une bonne semence
Face multiplier le rare en abondance.22
De toute évidence, pour Contant, cultiver le rare, c’est posséder certaines pièces, non pas tant parce qu’elles sont véritablement uniques, mais parce qu’elles sont à la mode, éphémères tendances, raretés d’un moment que tous les amateurs s’arrachent. C’est une manière pour lui d’entrer dans le cercle fermé des grands collectionneurs.
Cela n’est pas anodin, car il faut cultiver ses relations : sa collection doit beaucoup aux échanges ou dons consentis par d’autres curieux avec lesquels il est en contact. C’est pourquoi il leur rend hommage dans son poème, lorsqu’il évoque les pièces qu’ils lui ont offertes. Hors de France, il correspond, grâce à son ami le médecin Paschal Le Coq, avec l’illustre de L’Écluse, déjà cité, mais aussi avec Pierre Dugat, fondateur de l’Acadie et nommé lieutenant général de la Nouvelle France, qui fut peut-être son pourvoyeur en topinambours, enfin avec le « docte Anguillare », administrateur du jardin de Padoue, qui lui a permis de se servir en cueillant des plantes afin d’enrichir son herbier sec :
[…] nous donnant toute liberté de prendre et cueillir ce que nous voudrions de son magnifique jardin, pour en remplir les papiers qu’il voyoit dediez à cet usage, chose qu’il ne permettoit à tous : mais voyant la cognoissance que nous avions des plantes et le desir d’en sçavoir encores d’avantage, il nous permettoit d’en remplir des porte fueilles, dont j’ay encore les plantes en mes quinze herbiers, que j’ay avec beaucoup de soing et diligence, recueillis de divers endroicts, et qui paroissent et paroistront malgré mes envieux, comme un thresor d’inestimable prix et valeur. (Contant, Commentaires sur Dioscoride, chap. xxxix)
Plus proches géographiquement, « mon Robin », botaniste parisien, auteur d’un inventaire du jardin botanique du roi agrémenté de conseils pour cultiver les plantes selon les mois de l’année, lui a donné « tant de sortes de fleurs » ; Laurent Catelan, de Montpellier, lui offre son flamant rose. Ses confrères poitevins ou saintongeais ne sont pas oubliés dans le poème : Contant cite l’apothicaire de Saintes Samuel Veyrel « Qui sainctement poussé m’a d’un don gratuit / Donné tout ce qui plus de cher et rare luit / Dedans mon Cabinet, m’ayant (chose incroyable) / Faict des presans qui sont de prix inestimable23 : / Veyrel croy que ton nom, en memoire sera, / Et qu’à Xainctes tousjours ton renom florira » (op. cit., p. 107). Du Sin, Mouchaud, de Béziers, Georges, Superville, ou Moriceau sont tous des pharmaciens rochelais – le dernier lui aurait donné, entre autres « singularitez » exotiques, un crocodile : « Les singularitez que j’ay de Moriceau ; / Que l’on void aujourd’huy paroistre par merveilles / Dedans mon Cabinet plein de choses nouvelles ; / Que l’Inde, le Peru, que le Nil, que le Nord, / Ont jetté par faveur sur le bigarré bord / Du Clain profond ruisseau ; » (p. 169). Le sieur de Ligneron, grand collectionneur, a largement contribué à la constitution du trésor de Contant – c’est peut-être la raison pour laquelle il avait été choisi comme premier dédicataire. Hommage lui est rendu à la fin de l’inventaire (p. 235-237) :
Tu as tousjours vacqué de toute ta puissance
De chercher les thresors, qui dans l’Inde ont naissance,
Pour en ton Cabinet monstrer en un moment
Tout ce qui naist et meurt en ce bas element :
Dont ta grande bonté et ton amour loyale
M’a daigné departir d’une main liberale :
Entre autres les Tatoüs, et l’Uletif poisson,
Maints fruicts, maints animaux, maint rare Limaçon,
Et maints autres presens dont je te remercie
Que chers je garderay tout le temps de ma vie.
En somme, une collection se monte à l’aide d’une mosaïque de dons ou d’échanges gracieux. Paul Contant, accusé d’avoir déshabillé les collections des autres pour composer la sienne, se défend avec ardeur d’un tel travers. En revanche il explique qu’il ne s’interdit pas d’accepter les dons qui lui sont faits, laissant entendre qu’il doit nombre de ses splendeurs à des amis bienveillants :
[…] mais si quelque personne
Voyant mon Cabinet quelque present me donne
Pour enrichissement, beau Censeur voudrois-tu
Qu’un don fust refusé d’un Seigneur revestu
De bonne volonté ? Car l’un donne une chose
L’autre autant liberal, en soy mesme propose
Estant en sa maison sans regarder au prix
De m’envoyer l’oyseau dans les Moluques pris
L’autre un Dragon aislé, l’autre un fruit admirable,
L’autre un Serpent cresté, hydeux, espouvantable,
L’autre divers poissons, l’autre divers oyseaux
L’autre maints fruicts divers, l’autre des chers metaux,
L’autre un livre Cynois, l’autre diverses plantes,
Pour orner mon jardin de choses differentes.
Et bref à qui mieux mieux, et pour le trancher net
C’est à qui plus rendra riche mon Cabinet.24
Zone de passage décisive pour ces nombreux échanges, située entre La Rochelle et Poitiers, Fontenay-le-Comte est une ville qui entretient avec ses voisines des relations importantes. Poitiers attire les jeunes Fontenaisiens, puisque les formations en droit et en médecine de l’université y sont reconnues ; quant à La Rochelle, elle sert de refuge aux réformés de Fontenay chassés par les victoires du camp adverse pendant les guerres de religion. Cette florissante capitale du Bas-Poitou est un centre de circulation des biens et des beaux esprits, qui attire les curieux dès la seconde moitié du xvie siècle. Il n’est donc pas surprenant de trouver dans cette ville, bien avant les Contant, mais déjà de la même manière, des lignées de collectionneurs de père en fils, dont quelques exemples nous sont connus. Raoul Collin, d’après l’inventaire dressé après son décès en 154925, laisse à Sébastien (son fils, ou son neveu) deux coffres remplis d’herbes séchées et classées dans un certain ordre, ainsi que le peu de livres d’histoire naturelle qu’on possédait alors. Le même Sébastien Collin ouvrira une faïencerie à Fontenay quelques dizaines d’années plus tard avec un autre illustre collectionneur de la région, Bernard Palissy. Les frères Brisson possèdent semble-t-il une précieuse collection de livres, mais aussi d’objets d’arts et de curiosités. Grâce à Hubert Göltzius, antiquaire numismate de Vanloo, qui dit l’avoir visitée lors d’un voyage à Paris en 156126, on peut dire que la collection existe déjà lorsque Barnabé Brisson est encore jeune avocat parisien, avant de revenir exercer à Fontenay-le-Comte. Toutefois, la plus célèbre des collections familiales fontenaisiennes, initiée par un père puis continuée par un fils, est celle de Michel Tiraqueau27.
Michel possède, un inventaire versifié nous le dit28, de belles antiquités, des statues de bronze et d’airain, des vases, des monnaies, des tableaux, une bibliothèque considérable, enfin des naturalia et artificialia rapportées au prix de grands dangers : animaux (hippocampe, remore, lézard du Brésil, et « maint barbare monstre »…), baumes ou végétaux exotiques (poivre, clous de girofle, palme, sucre de canne, tabac), enfin d’autres objets curieux tels l’œuf d’autruche, de velus chapeaux, des panaches ou des habits de cartilage confectionnés par les sauvages, sont chantés en 1566, un an après sa mort par son petit-neveu André de Rivaudeau. En « cette chambre ornée » qu’est son cabinet, Tiraqueau « tient le Pérou et Guinée, les rares thrésors du terroir indien ». La collection compte aussi un herbier peint de 500 plantes. L’inventaire de la succession précise que la belle propriété disposait d’une serre chaude (« loge vitrée »). Comme son concitoyen François Mizière, docteur en médecine et possesseur d’un cabinet d’antiquités et d’histoire naturelle à Fontenay, Michel Tiraqueau connaît bien Bernard Palissy, puisque celui-ci lui rend visite au moins deux fois, en 1555 et 1560.
Un autre individu a des liens avec Palissy dans le cercle des collectionneurs ayant sans doute eu une importance pour Contant, il s’agit de Julien Mauclerc, seigneur du Ligneron, le premier dédicataire du Bouquet printanier, relégué par la suite au second rang au profit de Sully. Ce Rochelais est aussi en relation avec le Bas-Poitou, puisqu’il ouvre à Apremont sur Vie, sous François ii, une faïencerie de terre blanche imitant l’art des artisans italiens ; il est l’auteur d’un traité d’architecture qui paraît à La Rochelle en 1600, et dont Contant cite certains éléments dans son poème, notamment l’invention de la « simple mouvante, et double et triple roue »29. Cette flatterie n’empêchera pas Mauclerc, ou plutôt « les manes » de celui-ci, d’étaler au grand jour des rivalités bien réelles. Contant se voit non seulement accusé d’avoir pillé le cabinet de l’architecte pour « vestir » le sien, mais encore on lui reproche son ingratitude : l’apothicaire aurait fourni à Mauclerc, en échange, des bulbes très communs qu’il aurait fait passer pour hautement singuliers – pour masquer la supercherie, il en aurait cautérisé les racines. Le malheureux Mauclerc se serait alors retrouvé, en fait de mirifiques Lis de Perse, avec de vulgaires Molys ! Un certain nombre de turpitudes sont révélées par le pamphlet30, et elles font certainement partie aussi de la vie moins avouable d’une collection.
La plus piquante des mauvaises actions de Contant serait, à en croire le pamphlétaire de Leyde, d’avoir dérobé un caméléon à son confrère Mouchaud en prétextant qu’un oiseau s’en serait emparé alors qu’il l’avait posé sur un rebord de fenêtre pour qu’il sèche ; le pamphlet nous apprend aussi que l’avidité de Contant l’aurait incité à tenter de subtiliser une corne de rhinocéros et un pied d’élan appartenant à son ami Du Sin. Le collectionneur semble n’avoir aucun scrupule. Compléter sa collection est important, notamment en constituant des séries31.
Revenons à ce sujet au cas pratique du Lis de Perse évoqué plus haut comme l’une des pommes de discorde entre Contant et le sieur du Ligneron. Ce dernier affirme qu’en fait de Lis de Perse, Contant lui aurait offert des bulbes de Moly. Mais Contant possède-t-il seulement des Lis de Perse ? L’index le laisse croire, annonçant leur présence, sans leur donner cependant de numéro, ce qui est contraire à l’usage observé pour les autres éléments de la collection. Le texte, s’il place les Lis de Perse quasiment au centre de la série des plantes, reste néanmoins ambigu :
Je te revere donc ô des belles, la belle,
Qui pour nous venir voir, ta maison paternelle
As librement quitté, croy belle qu’au plus beau
Et lieu plus eminent de mon Jardin nouveau
Je te donneray place, et pres de la Coronne
Des à present je veux que place l’on te donne.32
L’apothicaire réserve à la plante une place de choix dans ses plates-bandes, mais la formulation au futur peut laisser supposer qu’il n’en possède pas encore. Si l’on examine attentivement le bouquet gravé, on trouve effectivement une plante qui n’a pas de numéro parmi les bulbes, et il se pourrait bien que ce soit le Lis de Perse, dépourvu de numéro dans le bouquet comme dans l’index. Pourtant, après consultation des différents herbiers de l’époque, il apparaît que la plante dessinée ici sans numéro au milieu des autres bulbes n’est pas un Lis de Perse. À vrai dire, les herbiers mentionnent rarement cette plante nouvelle, et lorsqu’ils le font ils ne sont pas tous d’accord sur son identification, encore moins sur sa nomenclature, nouveauté oblige. Charles de L’Écluse (Rariorum plantarum historia, 1601) appelle Lis de Perse une fleur à longue tige et à pétales ouverts en couronne que beaucoup, notamment de l’Obel33, et Contant à sa suite, appellent la Couronne impériale. De l’Obel, pour sa part, nomme Lis de Perse une fleur à longue tige mais à clochettes retombantes, plus proche de notre hyacinthe actuelle. Il ressort de ces observations que ni de L’Écluse, ni de L’Obel, n’appellent la plante de Contant Lis de Perse. En revanche, la fleur sans numéro du bouquet de Contant prend le nom de Hyacinthus poeticus chez de L’Obel (op. cit., p. 50), qui ajoute que c’est de L’Écluse qui la lui a fait découvrir. De L’Écluse la mentionne aussi, mais sans la classer comme son confrère avec les hyacinthes : on la trouvera dans sa flore parmi les iris, comme le fera après lui l’Herbier de Basilius Besler (1613)34. Cet Herbier présente l’avantage de montrer côte à côte les deux objets du litige : la fleur que Contant donne pour le Lis de Perse, appelée ici Iris Tuberosa, et le Lis de Perse, tel que le nomme de L’Obel, que Contant ne possède absolument pas.
De ces observations croisées ressortent trois hypothèses. La première consiste à supposer que Contant nous ment, parce qu’il souhaite faire croire qu’il possède un Lis de Perse, fleur rarissime dans les herbiers, et qu’on connaît encore relativement mal à l’époque – il est dès lors difficile d’aller vérifier l’authenticité du spécimen –, ce qui lui confère indéniablement un statut de curiosité. Ou alors Contant ne ment pas, mais de bonne foi – et comme il n’en sait évidemment pas plus que les botanistes les plus avertis sur cette fleur – il pense avoir un Lis de Perse, alors qu’il s’en est fait remettre un faux : un iris, au mieux une hyacinthe. Enfin, il est possible de supposer que, faisant fi des deux versions savantes contradictoires, l’apothicaire propose ici avec audace sa propre nomenclature – en présentant sa propre version du « Lis de Perse » – comme une sorte de défi scientifique, prise de position qui lui permet de se poser comme savant plus encore que comme collectionneur.
Les faux existent donc en botanique autant qu’en art, en une époque où le cours du Lis et celui de la Tulipe sont élevés et disputés. Mais autant que les faux, et corollaires de ceux-ci, existent encore toutes sortes d’incertitudes : les spécimens inédits représentent les mystères et les curiosités de la nature que les botanistes s’efforcent d’élucider dès le xvie siècle. Cette constatation peut s’appliquer à tous les artefacts, comme le dragon et certains monstres. Voilà qui illustre l’un des paradoxes inhérents à la constitution d’une collection, tributaire en effet des zones d’ombre de la science, de la vantardise des uns et des autres, des filouteries, de la volonté de jeter de la poudre aux yeux du visiteur.
Pour conclure, il faut rappeler que la collection de Contant, peut-être initiée par son père, est représentative à plus d’un titre des collections poitevines : la collection est familiale, nourrie par des voyages, appuyée sur des réseaux qui dépassent les frontières françaises, mais qui sont aussi avant tout solidement ancrés dans une vaste zone géographique qui comprend le Poitou, le Bas-Poitou, l’Aunis et la Saintonge, avec comme point névralgique le port de La Rochelle, grâce auquel sont acheminés les produits les plus lointains.
Y a-t-il des objets caractéristiques dans ces collections de la région poitevine ? Il n’est pas de réponse pour le moment à cette question qui demanderait un examen comparatif des inventaires, lesquels au demeurant ne sont pas toujours fiables ni complets… Contentons-nous de souligner que la plupart des collections rencontrées ne sont pas prioritairement composées d’objets d’art, et s’intéressent de très près à l’histoire naturelle. Contant est encore sur ce point un exemple significatif, à la fois animé d’un esprit scientifique et capable de certaines compromissions, il est victime comme d’autres de contrefaçons, et sacrifie sans peine sa déontologie au goût et aux plaisirs du sensationnel.