- « Donner sens au monde des objets », Conférence de Myriam Marrache-Gouraud, Musée de l’Abbaye Sainte Croix, musée d’art moderne et contemporain (Les Sables d’Olonne) : le 27 janvier 2022, 18h30. Entrée libre ; captation vidéo disponible jusqu’au 28 février 2022.
- Cette conférence est donnée en relation avec l’exposition CURIOSITÉS, à voir jusqu’au 6 mars 2022, exposition qui montre notamment les « boîtes » d’Henri Guitton, inspirées par Joseph Cornell. Une exposition d’une magnifique poésie, à ne manquer sous aucun prétexte. Henri Guitton y expose en effet Naturalia et Artificialia avec mystère et sensibilité, donnant à voir tantôt la « relique » du poisson, tantôt vraies et fausses perles et subtils trésors, tutoyant les variations du galet, conservant la goutte d’eau. L’ensemble invite à s’interroger sur la mesure du mémorable, autant que sur la puissance d’émerveillement conférée par le texte parfois inclus dans la composition.
Au sujet des Boîtes d’Henri Guitton :
Henri Guitton, enseignant et amateur de pêche installé aux Sables d’Olonne, semble a priori bien loin de l’histoire de l’art. Et pourtant, il y a dans les boîtes – près de deux cents – qu’il réalise à partir du mitan des années 1980 – un peu de la magie de l’art auquel l’homme, infiniment discret, rend, dans son œuvre, un déférent hommage. Ses boîtes cultivent l’ambivalence et peuvent susciter chez celui qui les regarde l’étrange impression de ne pas savoir sur quel pied danser. Sont-elles à prendre au pied de la lettre ou à aborder par un biais détourné ? Quelles aventures, réelles ou inventées, nous content-elles ? Ses oeuvres, Henri Guitton les imagine à partir des menus trésors que son épouse Lucette, en collectionneuse attentive, ne cesse de glâner autour d’elle. Ce sont les souvenirs d’une vie, les notes d’un journal qui puise sa matière dans le réel et s’émerveille de l’ordinaire. Henri Guitton admire l’oeuvre de Cornell et son sens du mystère. Il en retient, pour l’élaboration de ses propres boîtes, le goût de la rencontre poétique, judicieusement provoquée, des deux obsessions qui sans cesse reviennent le taquiner : la pêche d’une part, qu’il pratique exclusivement en rivières et en eau claire, l’art de l’autre, de préférence moderne, mais aussi roman ou populaire.
Dans ces boîtes, naturalia et artificialia se mélangent pour témoigner d’un même souvenir, renvoyer à un même site. Ces objets combinés, reliques ou prélèvements, fixés sur des tablettes, enfermés dans des flacons, dissimulés dans des tiroirs, contiennent en germe mille petites histoires. Peintre de genre, Henri Guitton se souvient d’une séance de pêche au bord de la Sèvre nantaise ou de la Vienne. Portraitiste, il évoque le caractère d’un proche ou le génie d’un grand homme. Paysagiste, il sonde toutes les caractéristiques d’un territoire. Le tout par la grâce de menus objets qui en portent l’essence tout en composant autant de natures mortes aux accents de vanité. Dans une seule petite boîte d’Henri Guitton, il y a des mondes engloutis. Reliquaires d’un instant perdu ? Ex-voto saluant un bonheur vécu ? Tendres souvenirs de vacances? Quelques éclats de vie en tout cas, fragiles et poétiques, qui renvoient le spectateur à sa propre mémoire.
[argumentaire du musée]