MERCURE DE FRANCE,
DÉDIÉ AU ROY.
JUIN 1727
SECOND VOLUME
A PARIS,
Chez :
LA VEUVE CAVELIER, au Palais.
GUILLAUME CAVELIER, fils, ruë S. Jacques, au Lys d’Or.
N. PISSOT, Quay de Conti, à la descente du Pont-Neuf, au coin de la ruë de Nevers, à la Croix d’Or.
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M.DCC.XXVII.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
[p. 1294]
Pour Dieu seul ton cœur est sensible,
Grignan, dans ce jour si terrible,
Qu’aurois-tu donc à redouter ?
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Voici une Lettre, ou plutôt une Dissertation très-circonstanciée & très instructive, qui nous est tombée entre les mains ; nous la publions avec confiance, persuadez du plaisir qu’elle fera aux Amateurs de tous les Beaux Arts & des belles productions de la Nature, aux Antiquaires & autres Curieux de belles choses. Celui qui l’a écrite joint à la pratique des beaux Arts & de la Peinture, une collection considerable de Tableaux, d’Estampes & de Desseins de grands Maîtres, avec un choix de Médailles, de Coquilles, & d’autres Curiositez dont il a formé un Cabinet qui est en réputation depuis long-tems. Nous l’avons parcouru plusieurs fois avec grand plaisir, & nous pouvons assurer que le Maître, qui a autant de politesse que de goût, sera toûjours charmé de le communiquer aux Connoisseurs, & particulierement aux Etrangers, envers lesquels il se croit engagé à cette reconnoissance pour lui avoir ouvert les plus beaux Cabinets de l’Europe.
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LETTRE sur le choix & l’arrangement d’un Cabinet curieux, écrite par M. Des-Allier d’Argenville, Secretaire du Roy en la Grande Chancellerie, à M. de Fougeroux, Tresorier-Payeur des Rentes de l’Hôtel de Ville.
Monsieur,
Il y a long-temps que vous me demandez mon sentiment sur le choix & l’arrangement d’un Cabinet de Tableaux, d’Estampes, de Desseins, de Livres, de Médailles & d’autres Curiositez : quoique vous soyez plus capable de décider sur ce sujet que tout autre, je ne puis cependant refuser à notre amitié ce que vous exigez d’elle en cette occasion. Ce sera à vous, Monsieur, d’en juger ? Connoisseur comme vous êtes & homme de bon goût, c’est à vos lumieres que je soumets ce Projet. Quoique chacun range son Cabinet à sa maniere & prétende qu’elle soit toûjours la meilleure, il est bien sûr cependant que c’est le bon goût qui doit en décider. J’ay lû, Monsieur, le peu que l’on a écrit (a) sur cette ma-
(a) L’Abbé de Marolles dans ses deux Catalogues.
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tiere, & j’ai remarqué soigneusement la maniere dont jusqu’ici les Curieux du meilleur goût en usoient ; c’est sur ces remarques que je me suis formé l’idée d’un Cabinet curieux, rempli de tout ce qui peut amuser un honnête homme, sans le jetter dans une dépense extraordinaire.
Vous sçavez, Monsieur, la relation que j’ay eûë autrefois avec Mrs de Montarcis, de Pilles, de Ganieres, Boucot, Logé, le Riche, Lottier, Clement, & le commerce que j’entretiens actuellement avec nos plus grands Curieux ; je ne vous parle point des principaux Cabinets (a) de l’Europe que mes voyages m’ont mis à portée de visiter. Ce sont là les sources où j’ay puisé la matiere de cette Lettre.
Les Tableaux seront d’abord le premier objet de notre Cabinet, quoiqu’on ne puisse là-dessus rien déterminer ; c’est aux facultez du Curieux & à des hazards très-rares que l’on doit la découverte des bons Tableaux, dont le nombre monte à de si grandes sommes, qu’il n’y a que les
(a) Le Comte dans son Cabinet d’Architecture, Peinture & Gravure.
De Pilles, dans son Abregé de la Vie des Peintres. Ces Cabinets sont citez au bas des pages.
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Princes ou gens d’une très grosse fortune qui y puissent aspirer. En fait de Cabinet, il faut opter, ou Tableaux, ou Estampes, ou Desseins, ou Médailles, ou Livres ; je dis pour en avoir en grand nombre ; cependant on pourroit avoir de tout, en se bornant dans chaque genre, mais il y a toûjours l’espece dominante, qui est celle qui suit le plus l’inclination du Curieux.
Un Particulier peut fort bien avoir un amas de bons Tableaux Flamans & François, mêlé de quelques Italiens. Je souhaiterais pour cet effet qu’il fût exempt de deux deffauts essentiels. Le premier, c’est d’avoir trop de prévention pour un pays plutôt que pour un autre : je veux parler, Monsieur, d’un certain venin Italien qui a saisi quelques-uns de nos Curieux, & qui leur fait mépriser les bonnes choses qui naissent chez eux & dans les autres pays. Tout ce qui ne vient point d’Italie, ne vaut rien selon eux : Tableaux, Estampes, Desseins, Musique, il n’importe. L’autre deffaut est de mêler la partialité dans son goût, en n’estimant & ne voulant avoir des Tableaux d’un seul Maître, qu’on éleve infiniment au-dessus des autres, aux dépens de la justice qui est duë à tant d’habiles gens.
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On peut dire en general, que les vrais Peintres sont les Flamans, & que s’ils avoient la partie du Dessein aussi accomplie que celle du Coloris, ils seroient les premiers Peintres de l’Univers. Les Italiens, excepté le Giorgion, le Titien, le Palme, Paul Veronese, Tintoret, le Correge, le Guerchin, le Dominiquain, le Parmesan, l’Albane & Lanfranc, sont ordinairement de faibles Coloristes. Michelange, Raphaël, Jules Romain, Polidor & les Caraches, n’ont eu que la correction, le beau génie, les grandes ordonnances & l’expression en partage ; c’est la distinction que tous les bons connoisseurs en font.
Tableaux.
Voici les Maîtres Flamans, à qui je voudrois donner entrée dans notre Cabinet. Albertdure, Holbeins, Lucas de Leïde, le Breugle, Porbus, Paul Bril, Adam Elseymer, Rothenamer, Rubens, Stenuk, Vandeik, Jaques Jordans, Diepenbec, Corneille, Polemburg, Braur, David Theniers, Fouquieres, Bamboche, Both, Herman Suanefeld, Rembran, Girardeau, Miris, Scalque, Netscher, Sneydre, Bartolomé, Jean Mielle, Wauvremans, Berghem, Van Ostade, Vendermeulen, Vandercabel, Vanderméer, Genoëls & Layresse.
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La France fourniroient des Tableaux de Voüet, Blanchart, Poussin, Valentin, Loir, Stella, le Sueur, Bourdon, Champagne, le Brun, Guaspre-Poussin, Mignart, Claude le Lorain, Corneille, la Fosse, Jouvenet, Boulogne, Cheron, Coypel, Santerre, Francisque, Forest, Baptiste, Fontenay, Parrossel, Boyer & Wateau. (a)
L’on pourroit y joindre quelques Tableaux Italiens des Maîtres suivans ; d’André del Sarte, Polidor de Caravage, Jacques Bassan, Mutian, Baroche, Michelange de Caravage, Guerchin, Molle, Francisque Bolognese, Andrea Sacchi, Pierre de Cortonne, Romanelli, Ciroferri, Salvator-Rose, Michelange des Batailles, Benedetto Castiglione, Léspagnolet ou Ribera, Lucas Jordans de Naples, Civoli, Feti, Cigniani, Bourguignon, Carlo-Marati, Sebastien Ricci & Solimene.
Je n’y admets point de Tableaux des premiers Maîtres, comme de Leonard de Vicini, Michelange, Raphaël, Giorgion, Titien, Parmesan, Paul Veronese, Tintoret, Correge, les Caraches, Guide, Dominiquain, Lanfranc & l’Albane, com-
(a) On n’a pas jugé à propos de nommer ici les bons Peintres vivans, de même que dans la suite on a obmis les Sculpteurs & les bons Graveurs du temps.
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me étant hors de la portée d’un Particulier, s’ils sont Originaux, & je ne fais pas grand cas des copies, quelques belles qu’elles soient.
Voilà, Monsieur, tout ce que nous dirons au sujet des Tableaux, dont je n’ai point dessein de donner ici la maniere d’en connoître le beau, l’originalité & le nom des Maîtres. Je suppose dans un Amateur cette connoissance toute acquise, & de plus un peu de pratique (a) dans cet Art. Quant aux Estampes & aux Desseins de grands Maîtres, qui font le principal objet de nos Cabinets, j’en parlerai plus amplement, m’ayant paru que c’étoit sur cet article précisément que vous souhaitiez que je m’étendisse, sans cependant entrer dans la maniere d’y devenir connoisseur.
Estampes.
Les Estampes ont un merite singulier : elles portent par tout, comme autant de Renommées, l’idée des bons Tableaux & Desseins des grands Maîtres, dont on seroit privé sans leur secours. Leur nom-
(a) De Piles prétend dans son Abregé de la vie des Peintres, que pour connoître le beau & l’originalité d’un Tableau, il faut un peu de pratique dans la Peinture. Le nom des Maîtres s’acquiert par une grande routine.
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bre, ainsi que des Graveurs, étant immense, on ne devroit s’attacher qu’à recueillir dix ou douze morceaux de chaque Maître, sur tout des Anciens dont la maniere de graver n’est pas celle qui plaît le plus à tout le monde, quoique (a) les contours en soient fort corrects. Ces morceaux qu’on suppose choisis entre les meilleurs & les plus estimez de chaque Maître, suffiroient pour en faire connoître la maniere. A l’égard des Maîtres modernes, dont la gravure est plus sçavante & plus agréable aux yeux, on pourroit recueillir une plus grande quantité de leurs morceaux, sans s’entêter de faire des (b) Oeuvres complettes de chaque Maître, ce qui oblige à rechercher les méchantes pieces comme les bonnes ; & ces méchantes pieces sont ordinairement les plus cheres, & celles qui donnent le plus de peine à trouver par leur rareté.
On pourroit faire des Recueils particuliers de chaque Maître, en ne mettant dans un même Volume que les plus belles pieces de ce Maître, sans y mêler rien des autres ; par exemple, un Volume des
(a) Raphaël faisoit lui-même le trait des Planches de Marc-Antoine, fameux Graveur contemporain.
(b) Terme usité parmi les Curieux.
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Caraches, un du Titien, un de Rubens, de Vandeik, de le Brun, de Callot, de la Belle, de le Clerc, & autres ; ce qui se soutiendroit mieux que de voir les bonnes pieces d’un Maître effacées par ce qu’il a fait de médiocre. Mais quoiqu’on pût se borner dans cette entreprise à ne faire des Recueils que des Maîtres les plus connus, & pour lesquels on a le plus d’inclination, cette idée ne laisseroit pas que de mener fort loin ; quelques belles même que soient les Estampes, il est ennuyeux dans un Volume, de n’en voir toûjours que de la même main, au lieu d’étant rempli de pieces de differents Maîtres qu’on suppose choisies, l’oeil en est plus satisfait & plus en état de juger de leur merite par le parellele qu’il peut faire des unes avec les autres.
Quoique ce soit la coûtume de la plûpart des (a) Curieux, de ranger les Estampes par Maîtres, ainsi que le font tous les Marchands, & de faire des Oeuvres séparées de chacun, prétendant par là être plus satisfaits en voyant le progrès d’un habile homme par la comparaison de ses premieres pieces avec les dernieres ; il paroît cependant qu’il y a plus de vanité de leur part que de science, & que c’est pour grossir les Volumes.
(a) Le Cabinet de M. le Premier.
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Ils perdent dans cet arrangement, l’ordre historique & chronologique, & confondent les matieres ensemble, je veux dire le Portrait avec l’Histoire & avec le Paysage, l’Histoire Sainte avec la Profane, le grotesque avec le sérieux ; ce qui ne satisfait pas le Curieux sçavant, qui veut, outre le plaisir de voir de belles Estampes, en pouvoir tirer quelqu’avantage.
Je m’attens bien, Monsieur, à voir beaucoup de gens, qui suivant l’ancien usage de faire des Oeuvres, s’opposeront à mon sentiment ; mais je vous prie de faire attention que vous m’avez fait l’honneur de me le demander, & que je ne prétens nullement y contraindre personne.
On ne peut gueres décider sur l’arrangement des Estampes ; car pour concilier tous les projets dont nous venons de parler, il faudroit voir une piece jusqu’à trois & quatre fois, & par differentes collections, les ranger dans plusieurs classes, en mettant premierement un Portrait dans l’Oeuvre du Peintre d’après lequel il est gravé. 2°. Dans l’Oeuvre du Graveur. 3°. Dans la suite Chronologique des Princes, Cardinaux, Evêques, dont fait partie la personne qui est gravée, & 4°. dans (sic) la suite des Rois, Papes, Cardinaux ou autres personnages re-
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marquables d’un tel pays ; distinctions, parmi les Estampes, qui satisfont beaucoup l’esprit, mais qui menent très-loin.
Comme cet ordre est infini & surpasse de beaucoup la portée d’un Particulier qui veut faire une certaine dépense pour contenter sa curiosité ; voici le plan qu’on s’est proposé, en s’écartant des (a) Catalogues immenses que l’Abbé de Maroles a donnez au Public, & du grand projet de Cabinet inseré dans le Livre du sieur le Comte, lesquels sont très-capables de dégouter les Curieux.
On mettroit premierement à part toutes les anciennes Estampes dont on feroit des Recueils séparez & mêlez de differens sujets.
A l’égard des modernes qui sont en plus grand nombre, on disposeroit par matieres tout ce qui regarde l’Histoire, la Sacrée à part, la Profane, la grotesque de même.
Les Portraits seroient rangez par conditions, & l’on n’y admettroit que ceux qui sont gravez par les grands Peintres ou par d’excellens Graveurs, ou enfin les personnes très-illustres les mieux gravées qu’on pourroit trouver ; surquoi il est bon de faire remarquer qu’un Cu-
(a) Son premier Catalogue va à 500 Volumes & le second à 237.
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rieux ne doit pas se picquer d’avoir tous les Portraits qui ont été gravez jusqu’à present, mais seulement les meilleurs de chaque Pays : different en cela d’un Historien exact, à qui il n’est pas permis de negliger le moindre trait d’Histoire.
On rangeroit les Paysages par Pays : ce qui met chaque Maître dans son rang, & vous répresente si bien le (a) Site naturel d’un Pays, que vous croyez encore y voyager.
Quant aux morceaux d’Architecture, Ornemens, Décorations de Théatre, Animaux, Chasses, Marines, de la Géographie, Topographie, des Habillemens des differentes Nations, des Pieces (b) noires & des Petits Maîtres modernes, on en fera des Volumes séparez, comme il sera expliqué dans la suite.
Ce sont donc trois ordres principaux que l’on se propose dans l’arrangement de ce Cabinet ; l’Histoire par matieres, le Portrait par Conditions, & le Paysage par Pays.
C’est de cette maniere, qu’en s’amusant à regarder des Estampes, on peut en tirer
(a) Terme de Peinture.
(b) On appelle Pieces noires, des Estampes qui n’étant point gravées à l’ordinaire, paroissent enfumées & comme lavées à l’encre de la Chine.
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quelque utilité : rien n’est plus capable d’imprimer facilement dans l’esprit, l’Histoire, la Fable, la Chronologie, la Géographie & une connoissance generale des Sciences & des Beaux-Arts ; cet ordre même suffit pour vous faire trouver sur le champ une piece que vous voulez voir sans le secours d’aucune Table : on pourroit encore y observer un ordre historique & chronologique, en mettant, par exemple, les Portraits des Empereurs ou des Papes, suivant le temps qu’ils ont vécu, & les morceaux d’Histoire, suivant l’époque de leur avenement ; mais à moins que l’ont en ait un grand nombre, cet ordre devient gênant & impossible dans plusieurs morceaux, sur tout dans les pieces allegoriques.
Il faudroit éviter dans ces Recueils, de faire ce que faisoient Mrs de Garnieres, Clement & Lottier, qui, plutôt en Historiens qu’en vrais connoisseurs, mettoient parmi de belles Estampes, les morceaux les plus communs jusqu’aux Almanachs. On voyoit dans leurs Recueils de Portraits, ceux de Larmessin & de Montcornet, mêlez avec les Portraits de Nanteüil & d’Edelink, ils ne se donnoient pas même la peine de s’informer si la personne qu’avoit gravé Larmessin ou Montcornet, n’étoit pas gravée par une
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meilleure main ; il suffisoit qu’ils l’eussent dans leurs Recueils, sans s’embarrasser du choix ; c’est ce que je leur ai souvent reproché. Eloignez de l’idée de tous ces Curieux, nous suivrons celle de notre Cabinet, qui, comme vous voyez, Monsieur, est bien différente ; elle embrasse tout au plus cinquante volumes d’Estampes & une quinzaine de volumes de desseins, qui étant remplis de morceaux choisis, satisferont plus que ces grands Recueils, où il faut feuilleter long-tems pour trouver du bon.
J’ai détaillé ici les noms des meilleurs Maîtres dans chaque genre, sur-tout ceux dont les ouvrages méritent le plus d’être recherchez.
On feroit trois portes-feuilles d’anciennes Estampes ; le premier, des (a) vieux Maîtres ; le second, des anciens Maîtres, & le troisième, de ceux qu’on appelle petits Maîtres. Les vieux Maîtres, comme André Manteigne, Alberdure, Lucas de
(a) Différence entre vieux Maîtres et anciens Maîtres ; on entend par vieux Maîtres les pieces gothiques faites en 1490 dans l’origine de la gravure ; au lieu que les anciens Maîtres sont ceux qui ont travaillé depuis le rétablissement de la bonne Gravure, comme Marc-Antoine, Augustin Venitien, &c. On appelle petits-Maîtres ceux qui n’ont travaillé qu’en petit.
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Leyde-Jean Holbeins (sic), Hans-Bresanc [,] K. Hans-Bosamer, Sebalde Béems, Cormet, Hopfer, &c. Les anciens Maîtres comme Leonard de Vinci, le Georgion, le Titien, Michel-Ange, Raphaël, Jules-Romain, Polidor de Caravage, Perin Delvaga, André Delsarte, le Pordenone, le Primatice ou S. Martin de Boulogne, Daniel de Volterre, le Parmesan, les Palmes, Frederic Zuccharo, le Mutian, les Bassans, Stradan, Spranger, Charles Vermander & Martin de Vos, gravez en partie par ces Peintres & par Marc-Antoine, Augustin Venitien, Sylvestre de Ravennes, Jules Bonasone ou Bolognese, Eneas Vicus, Suavius, Corneille Cort, Augustin Carache, François Villamene, Martin Rotta, Georges Mantuan, Diana Mantuana, Nicolas Beatricius, Dominique Custos, Caraglius, Simon Frisius, Leon Daven, Lucas Chiamberlanus, Virgilius solis, Cherubin Albert, Theodore Matham, Hierôme Cock, Lucas Kilian, & Crispin de Passe. Les petits Maîtres comme de Georges Pents, Hisbins, Henry Aldegraëf, Maître Etienne de Lône, Jacques de Geyn, Theodore de Brie, Thomas de Leu, Adrien Collaert, Adreas Adreaffi ou le petit Albert, le petit Bernard, & plusieurs autres.
Six portes feuilles de sujets concernant
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l’Histoire Sacrée, mêlez des meilleurs Maîtres qui ont suivi les Anciens ; comme de Paul Veronese, Tintoret, Baroche, le Correge, Joseph Pin, les Caraches, le Guerchin, l’Albane, le Môle, le Guide, le Dominiquain, Lanfranc, Andrea Sacchi, Pietre de Cortone, Romanelli, Cyroferri, le Calabrois, Cavedone, Schedone, Ribera ou Léspagnolet, Salvator Rosa, Benedette Castiglione, Lucas Jordans de Naples, le Feti, Civoli, Cigniani, Carlomarati, Sebastien Ricci, Solimene de Naples, Otto Venius, Rothenamer, Rubens, Vandeik, A. Bloemart, Diepenbek, Van-Tulden, Corneille Chut, Erasme Quellinus, Jacques Jordans de Flandres, Layress, Voüet, Blanchart, Poussin, Bourdon, le Valentin, Loir, Champagne, Bertolet, Stella, la Hyre, le Sueur, le Brun, Mignart, Cotelle, Cheron, les Corneilles, les Coypels, les Boulognes, Jouvenet, & la Fosse, gravez en partie par ces Maîtres, & et par Corneille & Frederic, Bloemart, Henry Goltius, les Gallé, les Wirix, Bolsevert, Paul Pontius, Witdouc, Hollart, Perrier, Spierre, Natalis, Chapron, Carlo-Caesius, Wosterman, Sarendam, Suyderhof, Swanenburg, Coëlemans, le Fèvre de Venise, Jean Raphael, Juste, & Gilles Sadeler, Pierre
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Lombart, Jean Pesne, Pietro-Santi-Bartoli, Muller, les de Iode, Jean Couvay, Charles David, l’Alleman, Tempeste, Greuter, Melan, Hainzelman, Louvemont, Vouillement, Chatillon, Baudet, Michel-Lasne, Farjat, Rousselet, Claudine Stella, Chauveau, les Poilly, les Audran, l’Enfant, Daret, Dorigny, Boulanger, Regnesson, Edelink, Vermeulen, Pitau, Roullet, Masson, Valet, Natalis & Château.
Six autres porte-feuilles de Sujets touchant l’Histoire profane, composez de tous les Maîtres ci-dessus nommez, tant des morceaux gravez de leur main, que de ceux qu’on a gravez d’après eux.
Deux volumes de pieces noires gravées d’après Kneller, T. Murrey Saleman, Scalque, Closterman, Dahll, H. Vorest, Maès, David Teniers, Van-Ostade, Girardau, Miris, Coypel, Gillot, Netscher, Santerre, Vau-Haesten, A. de Gerder, gravées la plupart par Smith, Botteling, W. Faithorne, Schenk, Golle, Van-Bruge, Zeigler, Rugendas, Sarrabat, Collemans, Picart, Bernard, Vaillant, & G. Whithe.
Deux volumes de Grotesques, Bacchanales, Bambochades, Carmesses, Pastorales, de différents Maîtres ; comme Polidor de Caravage, Michel-Ange de
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Caravage, Annibal Carrache, Michel-Ange des Batailles, Manfredi, Pietre-Teste, Pasquolino de Venise, Martin Hemskerk, Breugle, David & Abraham Teniers, Braure, Guillaume Baur, Pierre de Lâart dit Bamboche, Jean Mielle, Girardau, Miris, Berghem, P. Boot, Wauvreman, Scalque, Rembran, Van-Vlief, Livens, Van Velde, Van-Ostade, Netscher, Bega, Van-Affen, C. du Sart, Theodore, Layresse, Poussin, Valentin Freminet, Brebiette, la Fage, Stella, le Nain, Gillot, Wateau, gravez en partie par ces Peintres et par Augustin Carrache, Vilamene, Chapron, Perrier, Bloëmart, Goltius, Melchior Kuffel, Bolsevert, Vosterman, Saërendam, Danchers, les Vischer, Romain de Hogue, Botteling, Schenk, Pietro-Sancti, C. Caelius, Hollar, Ertinger, & le Pôtre.
Dix volumes de Portraits rangez par conditions, deux de gens d’Eglise, deux de gens d’Epée, deux de gens de Robbe, deux pour les Sciences, un pour les Arts, & le dixième concernant les Femmes Illustres, gravez d’après differents Maîtres, comme le Giorgion, le Titien, le Tintoret, le Padoüan, Holbeins, Rubens, Vandeik, Porbus, Rembran, Juste, Ferdinand, A. Vanderveff, Mirevelt, Kneller, Lelii, le Fèvre, Janet, Petitot,
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Santerre, Jouvenet, gravez par les Sadeler, les Vischer, les Bloëmart, Vosterman, Delphius, Muller, Suanenburg, Suiderhof, Crispin de Pas, Souteman, Sandrat, Boteling, Goltius, G. Valch, J. Burghart, J. Tourneyser, P. Lombart, Lucas, Wolf, & Barthelemy Kilian, Thomas de Leu, Matham, Sarendam, Hollar, Van-dalen, Bolsuert, Pierre de Jode, Paul Pontius, Corneille, Philippe & Theodore Galle, Spiere, Van-Gunft, Michel-l’Asne, Masson, Nanteuil, Rousselet, Grignon, Melan, l’Enfant, Morin, Poully, Pitaut, Edelink, Vermeulen, Vanscupen, & les Audrans, &c.
Quatre Portes feuilles remplis de petits morceaux sur toutes sortes de matieres, qu’on colleroit en compartiment sur chaque feüille, en laissant des marges & espaces agréables aux yeux, & le plus que l’on pourroit en forme de cul-de-lampe, c’est-à-dire, les plus grandes au haut de la page, qui se termineroit par une ou plusieurs petites. C’est où l’on ramasseroit ce qu’ont fait de meilleur, (a) Rembran, Hollart, Wirix, Galle, Callot, la Belle, le Clerc, les Audrans, Chauveau, les le Pôtres, Roullet, Bosse, & Gillot.
(a) On les peut appeler petits Maîtres modernes.
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Six volumes de Paysages, rangez par pays, deux volumes d’Italie, deux de Flandre, Hollande, Allemagne, & deux de France, d’après le Giorgion, le Titien, les Dosses, le Mutian, les Bassans, les Caraches, Campagnole, Francesco-Grimaldi Bolognese, Ludovico Pozzo, le Guerchin, le Mole, Salvator-Roza, Vanude Romain, Crescentius, Francisque de Neve, les Breugles, les Paul Pril, Adam Elseimer, Corneille Polemburd, Monpre, Herman Suanevelt, Roland Savery, Fouquier, P. Stephani, Hans-Bol, Rubens, Abraham Bloëmart, D. Teniers, Van-Aken, Jean Wildens, Meyeringh, Vanderhorst, Van-Velde, Hondius, les Boot, Corneille Vieringen, Louis Van-Artois, Verscure, Vandercabel, Roland Rogman, le Poussin, Guaspre du Guet, Bourdon, la Hire, Claude Lorain, Franciscque Milet, Genoels Docus, Guillerot, Collandon, Forest, gravez en partie par ces Peintres & par Goltius, Jean Valdor, du Perac, Frederic Scalberge, Londerseël, les Sadeler, Hondius, Nicolas de Bruyn, Dominique Barrieres, Melchior Kussel, Morin, Waterlo, Mauperché, Pieter-Nolpe, du Jardin, les Vischers, Danchers, Nieullan, Goyrand, de Ligny, Cochin, le Pôtre, Moyse Foüard, Goudt, Pesne
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Hierôme Cock, Collignon, Châtillon, Bonnart, Baudouin, Rousseau, Macé, Corneille, Isaac Major, Jean Piscator, Simon Frisius, Merian, Schenk, Prou, Perelle, & Sylvestre.
Un Porte-feuille de Décorations de Theatre, Perspectives, Ballets, Carousels, Entrées, Tournois, Triomphes, Catafalques, & autres Fêtes publiques, de Torelli, Canta Gallina, Jules Parigi, Bibiena, Stenuix, Pieter-noëfs, Rousseau, Philippes Juvara, Berrain, & Tessin Suedois, gravez par la Belle, Callot, Chauveau, le Pôtre, Collignon, Marot, Dolivart, & Scotin.
Un volume de Batailles, Marches d’armée, Chasses & Animaux d’après Stradan, Tempeste, Guillaume Baure, Bourgignon Jesuite, Rubens, Bamboche, les Boot, Sneydre, Kerinx, Wauvreman, Berghem, Pooter, Stroope, Vandermeër le jeune, du Jardin, Flamen, Vanboucle, Boulle, David Vinc-Boons, Vandez-Heche, Rugendas, Vandermeulen, & Parozel, gravez en partie par ces Peintres & par les Collaërt, les Galle, les Wischer, Soutman, W. Peeur, Melchior Kussel, Hollart, Baudouin, & Cochin.
Un volume d’Architecture, Ornemens, Fleurs, Fruits, Vases, Tapis, Parterres, Fontaines, d’après Jean d’U-
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diné [,] Perin Del-Vaga, Mario de Fiori, le Maltois, le Breugle, Daniel Segers Jesuite, Sneydre, Mignon, Baptiste, le Moine, la Fleur, Brebiette, Testelin, Charmeton, Cotelle, Marot, Berrin, la Belle, le Pôtre, Fontenay, Audran, le Blond, & Toro, gravez en partie par ces Maîtres & par Augustin Venitien, Eneas Vicus, Corneille Cort, Perrier, Scotin Daigremont, Dolivart, &c.
Un volume de Veües de Mer ou Marines, de Fabriques, & de Ruines, d’après Philippes Napolitain, Jacinte Lupressi, Borsoni, Breugle, Paul Pril, Guillaume Baur, Corneille Polemburg, Boot d’Italie, Herman d’Italie, Bartholomé, Séeman, Vandercabel, Vandermëer, Claude Lorain, Jean Asselin, Montagne, Vanbecq, & Puget, gravez en partie par ces Maîtres et par du Perac, les Sadeler, Bronchorst, Jerôme Cock, Baptiste Mercati, Hondius, Melchior, Kussel, Dominique Barrieres, Schenk, Goyran, Prou, Moyse Fouard, Perelle, Sylvestre & Flamen.
Quatre volumes concernant la Topographie des principales Villes du monde, tirez de Marius Mercator, Melchior, Merian, Hoffnagle, Châtillon, Tessin, Beaulieu ; les Délices de l’Europe, les Vûes de Suede, celles d’Allemagne, & d’Hollande par Schenk ; les Vûes d’Italie
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par Falda, Venturini, Specchi, Guillaume Baur, les Vûes de France par Perelle, Sylvestre, Marot, Cruyl, Prou, de Fer, & les Figures tirées de plusieurs Livres & Voyages.
Un Volume de Geographie composé des meilleurs Cartes de Sanson, de Duval, de Fer, de Lisle, & Beaulieu ; ces cinq volumes rappellent aux Voyageurs en un moment tous les pays qu’ils ont parcouru.
Trois volumes contenant les habillemens & modes des differentes Nations du monde ; le premier renfermeroit l’Europe ; le deuxième l’Asie ; le troisième l’Affrique & l’Amerique. On y trouveroit les Modes du Titien, les Charges du Carache, les Modes de S. Igny, de Bosse, de Callot, de Saint-Jean, d’Arnoult, celles de Picart, de Wateau, Giffart, Trouvain, les Suites de Vanderaà, le volume du Levant de le Haye, & quantité de Modes d’Angleterre, d’Hollande, d’Allemagne, d’Italie & de France, qui font parcourir toutes les Nations du monde sans sortir de son cabinet.
Desseins.
Les Desseins, Monsieur, ont quelque chose de superieur aux Estampes, quoique moins terminez ; ce sont les premieres idées d’un Peintre où l’on décou-
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vre tout le feu de l’imagination & l’esprit de sa touche. Cette curiosité demande beaucoup plus de sçavoir que les Estampes, puisqu’il s’agit de juger, ainsi que dans les Tableaux, de la bonté d’un dessein, de son originalité, & de connoître la maniere d’un Maître d’avec un autre, sa touche particuliere, qui est comme un caractere d’écriture singulier à un chacun, lequel fait reconnoître l’Auteur du dessein. Un beau Recueil de Desseins des meilleurs Maîtres est une vraie école de Peinture. (a) Comme on n’en possède pas un si grand nombre que d’Estampes, on les diviseroit seulement par matieres & par pays tout ensemble, en la maniere suivante.
Six volumes concernant l’Histoire en general, & la Figure, deux des meilleurs Maîtres d’Italie, deux volumes des meilleurs Maîtres François, & deux autres volumes sur la même matiere, des Maîtres Flamands, Hollandois, Allemands, & Anglois.
Six volumes de Paysages, Marines, Animaux, Grotesques & autres, partagez par pays, deux d’Italie, deux de Flandre, Hollande, Allemagne, & deux de France.
(a) Le Cabinet du Roy, le Cabinet du Grand Duc à Florence, le Cabinet de Sacredo à Venise, celui de Magnavaccha à Boulogne, celui de M. Crozat à Paris.
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Un volume de petits Desseins à la plume très-finis.
Un volume de Vûes, Esquisses, & Croquis faits d’après nature.
Un volume d’études de grands Maîtres, & de figures appellées Academies.
Un volume de desseins d’Architecture, Ornemens, Vases, Catafalques, Triomphes, Décorations de Theatre, Fontaines, Parterres, &c.
Livres.
Je vais passer plus legerement, Monsieur, sur les Livres, les Medailles, les Pierres gravées, les Mineraux, les Bronzes, & les Coquilles ; matiere qui demanderoit seule un volume.
Leur arrangement particulier est de disposer les Livres par matieres, les Médailles & les Pierres gravées par suites, & les Coquilles par familles ou par compartiments. Les Tableaux, les Bronzes, & les autres curiositez se rangent suivant la place que l’on a, & suivant le goût qui convient le mieux à la décoration du Cabinet.
Les Livres composent un genre de curiosité necessaire, mais immense, dont on fait des collections suivant le genre de litterature que l’ont choisit, ou bien suivant sa profession. En gerenal, il est bon
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qu’un homme d’esprit ait un peu de Livres sur chaque matiere. Plusieurs éditions de Bibles différentes, quelques Peres de l’Eglise, des Théologiens, des Commentateurs, Heresiarques, Casuites, des Livres de morale & de pieté, une suite d’Historiens, de Chronologues, de Philosophes, de Grammairiens, de Poëtes Grecs, Latins, Italiens, & François ; les Auteurs commentez ad usum Delphini & les variorum, ou les mêmes en petit, avec le Texte seul de l’édition des fameux Elzevir ; les mêmes Auteurs avec leur (sic) meilleurs Traducteurs. Une collection de Livres de Droit, de Medecine, d’Anatomie, Chirurgie, Pharmacie, Chimie, Botanique, Agriculture, des Livres de Physique, de Mathématique, de Geographie, d’Architecture, de Médailles, Blazon ; des Dictionaires, des Voyages, des Memoires, & les Vies des grands hommes, celles des Sçavans, leurs Oeuvres, le Recueil de leurs Lettres, les Livres de Theatre, les Poëtes modernes, quelques Recueils de Journaux, Republiques des Lettres, des Livres connus sous le nom de Miscellanea sur toutes sortes de matieres, peu d’Historiettes & de Romans, excepté celui de la Rose, l’Astrée, Dom Quichotte, Telemaque & la Princesse de Cléves, que le fa-
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meux (a) Evêque d’Avranches ne dédaignoit pas de lire quelquefois. Il faudroit avoir quelques Livres gotiques remplis de Mignature pour la singularité seulement.
Medailles.
Quant aux Medailles, vous sçavez, Monsieur, que c’est une belle curiosité, la premiere, en un sens, comme garante de l’Histoire ancienne, & qui a beaucoup servi à la transmettre jusqu’à nous. Cette étude mene un peu loin & coute infiniment, quand on veut avoir des suites complettes & des Medailles antiques bien conservées. (b) Un Otthon en grand Bronze, selon M. Patin, n’a pas de prix, un Pertinax, un Pescenius Niger. On prétend que (c) les Medailles étoient les vraies monnoyes des Anciens, hors les Medaillons qui étoient des présents que les Princes faisoient à leurs favoris. Les Antiques ont été frappées environ jusqu’au septième siecle. On les distingue en Grecques & en Latines ; les Grecques, qui sans contredit sont les plus anciennes
(a) Huet.
(b) Le Cabinet du Roy. Le Cabinet de M. le Duc du Maine. Celui de l’Empereur. Celui du Duc de Parme. Celui de Moscardy à Verone. La Biblioteque Barberine à Rome.
(c) Patin, Vaillant, Spon, Dumoulinet.
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& les plus parfaites pour le Coin, vont au plus à 400 [;] elles commencent sous Amintas Roy de Macedoine ; les Latines se distinguent en (a) Consulaires & en Imperiales, qui se divisent encore en haut & bas Empire ; le haut Empire commence à Cesar 44 ans avant Jesus-Christ, & finit vers l’an 260 de Jesus-Christ ; le bas Empire comprend près de 1200 ans, c’est-à-dire, jusqu’à la prise de Constantinople par Mahomet II en 1453 [ ;] :es belles Imperiales ne passent pas le Regne d’Heraclius, en 641, où les Arts s’avilirent entierement. Les Medailles Modernes se comptent environ depuis 300 ans. Il y a encore des Medailles Hebraïques, Gotiques & Puniques. On distingue trois sortes de suites de Médailles ; celle en or qui est la moins nombreuse & la moins rare, va à 1000 dans les Imperiales ; celle d’argent à 3000 & celle de bronze grand, moyen & petit à près de 7000 dans les seules Imperiales. On peut faire encore une suite de Papes depuis Martin V. jusqu’à présent avec les Cardinaux ; une de Medailles qui concernent l’Histoire de France & les autres Monarchies. Une suite de Monnoyes modernes de tous les pays ne
(a) Les Consulaires, suivant Patin, vont à 1037 dont 42 en or. Introd. pag. 84.
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laisseroit pas d’être curieuse, ainsi qu’une suite de jettons, qui vous met au fait de presque toutes les familles. Il se faut garantir des Medailles contrefaites ; les (a) Padouannes, les Parmesannes, les Carteronnes ou Hollandoises sont de ce nombre. On connoît les Antiques au poids, à l’épaisseur, à la couleur du métail, à la dureté du vernis, à la netteté du coin, à la fierté & à la tendresse de l’Antique, à la franchise des caracteres de la Legende ou de l’Exergue.
Pierres gravées.
Les Pierres gravées ont beaucoup de relation à l’Histoire ancienne, puisqu’à la matiere près, ce sont de secondes Medailles. Leur forme ordinaire est ovale ; cependant il y en a de rondes, de quarrées, & à pans ; on les distingue en pierres (b) annulaires & en pierres constellées ou Talismants, les unes sont opaques, les autres transparentes. Les plus belles sont orientales, & antiques pour la gravure ; neanmoins il y a de belles Têtes gravées par les modernes. Un peu de pratique vous fait découvrir aisément le caractere
(a) On garde les coins des Padouannes à la Biblioteque de Sainte Genevieve.
(b) Les Anciens mettoient les pierres annulaires aux doigts, & les constellées au bras & au col.
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de l’antique. On en trouve de gravées en creux & en relief sur des Agathes, Calcedoines, Lapis, Onix, Cornalines, Jades, Sardoines, Jaspes, Primes d’Emeraude, Serpentine, & Malachitte. (a) On peut aussi graver sur toutes les pierres précieuses, même sur le (b) diamant, comme je l’ai vû faire à Rome.
Pierres Précieuses.
Vous souvenez-vous, Monsieur, d’avoir vû ensemble dans un cabinet à Paris, (c) des tiroirs séparez en petites cellules remplies de toutes les pierres précieuses, orientales & occidentales, distinguées & opposées par leur espece ; le Diamant, le Saphir, l’Emeraude, Rubis, Turquoise, Topase, Grenat, Ametiste, Jacinte, Opale, Aigue-Marine, Chrysolite, Peridot, Vermeille & les perles.
Mineraux, Métaux, Petrifications, Croissances de mer, Bois rares.
D’autres tiroirs étoient remplis de Mineraux, Métaux, Petrifications, Croissances de mer, Cristal de Roche, Corail,
(a) Le Cabinet de M. Bourdaloue.
(b) On n’a nulle connoissance que les Anciens ayent gravé sur le Diamant qui ne leur servoit qu’à mettre en poudre pour graver les autres pierres.
(c) Le Cabinet de M. Vivant à Paris.
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rouge, blanc & noir ; Ambre des deux couleurs, Porphyre, Albâtre, Pierre ou Corne d’Ammon, Langue de Serpent, Marcassites, pierres de Croix, d’Aigle, d’Aiman, de Touche ou Parangon, Quinte-feuille, la pierre de Cœur, de Verolle, de Judée, de Bezoart, l’Etoilée, le Jaye, le bois de Corail, de Couleuvre, l’Hystericum, le Calambouc, & Laloës (a).
Ouvrages de Tours, Armures, Habillemens Etrangers, Animaux, Plantes & Fruits rares.
Nous y vîmes encore quantité de bijoux mis en œuvre, des Peintures en émail, ainsi que de très-beaux ouvrages de Tour & de Filigrame. Il ne faut pas oublier les différentes Armures, habillements, chaussures anciennes & étrangeres ; plusieurs oiseaux, poissons & animaux dessechez ; des plantes & des fruits rares ; des Livres sur des écorces d’arbre, sur des feüilles de Palmier, sur des joncs, la plupart roulez autour d’un bâton ; de l’Ecriture & du Papier de tous les Pays (b).
(a) Le Cabinet d’un Medecin à Pise. Celui de la Vigne Chigi à Rome. Celui de Geoffroy à Paris.
(b) Le Cabinet de Servier à Lyon.
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Coquilles
Voici, Monsieur, une curiosité toute des plus naturelles, ce sont les Coquilles (a), je vous avouerai que j’ai les yeux satisfaits quand je les jette sur un tiroir de coquilles bien émaillées : j’y admire plus qu’en toute autre chose l’Auteur de la nature ; Quelle varieté dans les couleurs ? Il semble que la nature s’y soit joüée de même que dans les formes différentes des coquilles ? On les distingue (b) en plusieurs classes ou familles, celle des Huitres, des Limaces, des Cornets, des Porcelaines, & autres. Voici celles à qui l’on a donné des noms. L’Amiral, le Vice-Amiral, l’Imperialle, le Nautille, la Concha Veneris, le Bouton ou Echinus Marinus, l’Escalier, la Thiare, la plume (sic), le Cloud, le Lepas, le Foudre, l’Hermite, la Brûlée, la Musique, le plein-Chant, la Gensive, la Quenotte, le Ruban, la Veuve, la Pie, le Tigre, la Cassandre, la Bouche d’or, celle d’argent, le Drap d’or, celui d’argent, la Peleure
(a) Le Cabinet du Roy, celui du Grand Duc de Toscane, celui d’un Bourguemestre à Amsterdam, celui de M. Seloanne Medecin à Londres, celui de M. Houdouard Medecin à Londres, celui de M. Sevin à Paris.
(b) Aldrovandus, Rumphius, Lisier, Bonnani, les dinstinguent diversement.
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d’Oignon, la Moresque, le Casque, le Turban, le Scorpion, la Grive, la Guinée ou la Speculation, le Dauphin, le Manteau Royal, la Tonne, le Cœur, le Cadran, l’Araignée, l’Epineuse, le Rouleau, la Becasse, le Porphyre, le Cilindre, le Sabot, le Leopart, l’Ecorchée, la Mere-Perle ou la Nacre, la Porcelaine, le Maron rôti, l’Olive, l’Herisson, l’Oeuf, l’Agatte, le Cornet, la Magellane, le Teton, l’Oreille d’Asne, le Coûteau, le Cloporte, l’Hebraïque, la Tanée, la Meûre, l’Oreille de Mer, la Chenille, la Trompe, le Nombril, la Collique, l’Eperon, la Lampe, la Vis sans fin, le Brocart, le Fuseau, l’Hirondelle, l’Argus, la Couronne d’Ethiopie, l’Oreille de Cochon, le Chou, la Tour de Babel, la Figue, & le Bois veiné.
Bronzes & Pieces antiques.
Les Bronzes servent beaucoup a l’embellissement des Cabinets ; il en faudroit avoir quelques Antiques bien conserve (sic), & de beaux Modernes bien reparez. Les Antiquaires ont souvent en Bronze tout ce qui concerne la belle antiquité, comme Dieux Penates, Lares, Priapes, Urnes, Vases, Lampes, Phioles, Lacrimatoires, Voeux, Tombeaux, Cineraires, Ossuaires, Inscriptions, Hieroglyphes. Ce qui
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servoit aux anciens Sacrifices des Egyptiens, Grecs, & Romains, comme Autel, Trépied, Hache, Patere, Cuillieres, Couteaux, & autres instrumens ; (a) des styles dont ils écrivoient ; l’Abacus avec lequel ils comptoient ; les Strigilles dont ils se servoient dans le bain ; leurs Clefs & Cadenats de Bronze ; les Plombeaux dont ils châtioient leurs Esclaves ; leurs Idoles, Sphinx, Cachets, Bagues magiques, Amulets, Talismans ; leurs Sistres & autres instrumens de Musique ; leurs mesures, comme le Conge, le Sextier, le Quartarius ; l’As, le Quadrasis, le Denier, le Quinaire, le Sesterce, le Sicle, le Talent, la Drachme & autres monnoyes ; le Semis, Triens, Quadrans, Sextans, & autres poids.
Droguier, Herbier, Momies, Embrions, Porcelaines, Cabinets de la Chine, Fayance émaillée, Tableaux de Pieces de rapport.
Je ne vous parlerai point, Monsieur, d’un Droguier, d’un Herbier, des Momies d’Egypte, des Embrions de tous âges
(a) La Gallerie du Pere Kircher à Rome. Le Cabinet du Cardinal Gualtieri à Rome. Celui de Setalli à Milan. Celui de Sainte Geneviéve à Paris. Celui de l’Abbé Fauvel à Paris.
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tant d’hommes que d’animaux ; des Boëtes où sont arrangez par compartiment des Mouches rares & des Papillons ; des Pagodes ; des ouvrages de terre, des Porcelaines de la Chine & du Japon ; de leurs Cabinets, Paravants, Boëtes, Cabarets, Coffrets, & autres pieces de bois verni ; ainsi que de quelques vases & plats de fayance émaillez d’après Raphael, tant en Italie qu’à Limoges ; des Tableaux de Pieces de rapport en pierres fines ou en bois rares, faits à Florence, qui trouveroient bien leur place parmi toutes les belles choses dont nous venons de parler. Il en seroit de même d’un amas de morceaux excellents de Sculpture, soit Figures, Bustes, Bas-reliefs, ou Modeles faits en Marbre, en Porphyre, en Granite, en Albâtre, en Bois, en Terre cuite, en Hyvoire, en Cire & en Buis (a) ; il y en a de la main de Michel-Ange, du Donatalle, Baccio Bandinelle, Lalgarde, Jean Bologna, Cavalier Bernin, Domenico Guidi, Zumbo, François Flamant dit le Quesnoy, Pilon, Goujon, Desjardins, les Marsi, Puget, Jaillot, Tubi, Sarrasin, le Gros, Girardon, Coysevox, & de quantité d’autres bons Sculpteurs tant Etrangers que François.
Un Physicien ou un Geometre demande-
(a) L’Ancien Cabinet de Girardon.
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roient encore à trouver ici tout ce qu’on peut souhaiter pour les forces mouvantes & l’Hydraulique ; des Figures de Geometrie, de Fortifications, & d’Architecture en relief ; des modeles en cuivre, de Mortiers, de Canons, Bombes & autres pieces d’artillerie (a) ; les différentes Expériences de l’équilibre des Corps, de la pesanteur de l’air, & des liqueurs ; de l’effet de la poudre à Canon ; des Instrumens (b) d’Astronomie, de Mathematiques & de Navigation, comme Astrolabes, Spheres, Globes, Lunettes d’approches, Telescopes, Boussoles, demi Cercle. On y joindroit tout ce qui est necessaire pour l’Optique, & les Expériences de Physique, le Miroir ardent, la Pierre d’Aimant, les Verres à Facette & de toutes sortes ; un Microscope universel avec toutes les Expériences qu’on peut faire pour la circulation du sang, & l’examen des liqueurs ; le Cylindre, le Cône, le Prisme avec leurs figures, plusieurs Chambres optiques, une Lanterne magique, une Machine Pneumatique, des Barometres, Termometres, Hygrometres, des Alambics, Creusets, Recipients, Scyphons,
(a) Le Cabinet de M. Dosembray. La Galerie du Pere Sebastien. Le Cabinet du General Marsilly à Boulogne.
(b) Le Cabinet de Bianchini à Rome.
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Tubes avec lesquels on pourra faire quelques Expériences de Chimie, touchant le vif-argent, les Phosphores, les Pierres de composition & autres.
En vérité, Monsieur, le sujet m’emporte trop loin, & au fourneau & à la fumée près d’un soufleur, notre Cabinet est devenu universel, & remplit une idée generale, telle qu’on n’en trouve nulle part ; il faut donc convenir qu’on doit opter en cette matiere ; la grande dépense y met assez de frein, joint à ce que l’inclination naturelle nous porte plus vers une science que vers une autre ; un Sçavant, par exemple, ne respire que les Livres, un (a) Antiquaire ne recherche que les Médailles, un Physicien que les Expériences, un Naturaliste que les productions de la Nature ; nous autres, Monsieur, qui panchons plus pour la Peinture, nous trouverons sûrement cette carriere assez grande pour nous arrêter long-temps. Je suis, Monsieur, &c.
(a) Patin à peine se peut résoudre à comparer les Médailles aux Livres & aux Tableaux. Introd. à l’Histoire des Médailles, pages 7 & 8.