Alexandre Galand et Delphine Jacquot, Monstres et merveilles. Cabinets de curiosités à travers le temps, Paris, Seuil Jeunesse, 2018, 48 pages à rabats, 19,90 €.

Il faut recommander sans réserves le magnifique album publié au Seuil Jeunesse par Alexandre Galand et illustré par Delphine Jacquot, en signalant d’emblée que son grand format, son élégance et sa richesse séduiront largement au-delà du public des 8-15 ans auquel il est supposément destiné. Les cabinets de curiosités y sont mis à l’honneur grâce à une excellente illustratrice, Delphine Jacquot, qui sert merveilleusement le propos, efficacement et plaisamment synthétisé par le texte bien informé et passionné d’Alexandre Galand, Docteur en histoire, art et archéologie.

 

 

Les curieux de tous les âges y trouveront des découvertes à leur mesure et selon leur appétit picoreront ou dévoreront, sans compter les multiples surprises qui attendent également ceux qui croient déjà tout savoir. En particulier, le volume bien agencé propose un découpage en quatre grandes sections qui sont autant d’étapes d’un phénomène dont on reconnaît et la perpétuelle évolution au fil des siècles qui nous ont précédés, et les survivances actuelles, notamment dans l’art contemporain qui n’est pas oublié  :

I. « XVIe siècle : naissance »

II. « XVIIe et XVIIIe siècles : vers les sciences et les arts pour tous »

III. « XIXe et XXe siècles : panoramas du monde »

IV. « Aujourd’hui et demain : l’esprit des cabinets perdure »

 

 

Pour ouvrir chacune de ces sections, une vaste planche synoptique dépliante en trois volets restitue l’esprit des gravures frontispices qu’on trouvait à l’époque au début des catalogues pour donner une représentation, souvent idéalisée et retravaillée pour séduire, du cabinet de curiosités. Ainsi, l’art du « coup d’oeil », si important pour les visiteurs de toutes les époques lorsqu’ils pénètrent dans la pièce en question, est ici non seulement conservé mais aussi brillamment cultivé, y compris dans son aspect mensonger et recomposé, comme on le verra plus loin.

Le lecteur d’aujourd’hui, à son tour, est invité à se plonger dans ces planches pleines de couleurs et d’objets qui attirent son attention et provoquent sa curiosité. Curiosité ensuite comblée par les pages qui suivent la planche dépliante, car les objets y sont repris un à un pour être détaillés par un texte court et percutant, toujours informé aux meilleures sources, et aux plus récentes – on reconnaît en particulier nombre de développements puisés au catalogue La licorne et le bézoard. Une histoire des cabinets de curiosités, paru en 2013, cité dans la courte bibliographie finale.

 

Le lecteur, qui trouve ainsi à nourrir, attiser et satisfaire sa curiosité, apprend sans peine quantité d’anecdotes pittoresques au sujet des merveilles, des écorchés, des momies, des objets d’art et de science, des exotismes collectionnés.

Surprises heureuses en prime, les jeux disposés pour l’érudit : en contemplant les planches réalisées par Delphine Jacquot, chacun peut tenter de deviner comment elle les a composées, puisqu’elles consistent en un ingénieux patchwork de morceaux choisis tirés des gravures les plus connues. Toutes ces citations en forme d’hommage permettent de reconnaître dans ces illustrations ingénieuses les flèches d’Ole Worm, le canoé de Paul Contant, le crocodile de Ferrante Imperato, l’armoire vitrée de Bonnier de La Mosson, la coiffe de Moctezuma, Pedro Gonzales l’homme velu d’Ambras tenant contre lui la Carta marina d’Olaus Magnus, les tentures en perspective de Sir Ashton Lever, etc, en des vues syncrétiques, sortes de rêves de cabinets rassemblant Vienne avec Vérone, Naples avec Paris et Innsbrück. Pour celui qui aura tenté d’identifier chaque détail, toutes les réponses ou presque sont données en fin d’ouvrage. Le prodige arcimboldien de constituer de la sorte des « cabinets de cabinets de curiosités » est parfaitement réussi.

Dépliant et rassemblant ainsi intelligemment cette matière si riche et si merveilleuse, l’ouvrage est fidèle aux attentes des collectionneurs de l’Ancien Régime qui prétendaient réjouir tant l’oeil que l’esprit.