Le Trésor des Médicis, Exposition à Paris au musée Maillol du 29 septembre 2010 au 31 janvier 2011. PROLONGEE JUSQU’AU 13 FEVRIER

Musée Maillol – Fondation Dina Vierny
59-61, rue de Grenelle 75007 Paris
Tél : 01 42 22 59 58 / Fax : 01 42 84 14 44
Métro : Rue du Bac
Bus : n° 63, 68, 69, 83, 84www.museemaillol.com

L’exposition est ouverte tous les jours de 10h30 à 19h (sauf les 25 décembre et 1er janvier).

Nocturne le vendredi jusqu’à 21h30.
Tarifs : 11 euros ; tarif réduit : 9 euros ; gratuit pour les moins de 11 ans.
Catalogue : Trésor des Médicis, Catalogue d’exposition, dir. Maria Sframeli, Paris, Skira-Flammarion, 2010, 288 p., 40 euros.

Cette très belle exposition présente de nombreux objets d’art et d’apparat ayant appartenu aux Médicis : un « trésor » amassé au fil de plusieurs siècles, correspondant au goût érudit des différents ducs, et qui a entretenu l’image prestigieuse et l’influence européenne de la grande famille florentine. Le musée Maillol accueille ces objets pour une exposition dont la qualité des éclairages et la précision des cartels sont exemplaires. La mise en espace, sobre et néanmoins colorée, d’assez belle facture, délimite des secteurs malheureusement un peu étroits qui deviennent vite encombrés en cas d’affluence ; on regrettera à cet égard que les parcours soient parfois tortueux pour parvenir à contempler chaque œuvre. Mais peut-être est-ce que les notions mêmes de trésors et de chambres aux merveilles demeurent incompatibles avec l’idée de foule, aussi les visiteurs doivent-ils en quelque sorte mériter leur coup d’œil…

Pour le sujet qui nous occupe, on signalera en particulier deux espaces dans l’exposition, la pièce consacrée aux curiosités exotiques et la reconstitution d’un cabinet de mathématiques. On recommandera également de consulter l’excellent catalogue, non seulement pour ses qualités de « beau livre », mais aussi parce qu’on peut y lire des articles très bien informés et des notices fort riches concernant les objets ; on y trouvera en outre une abondante bibliographie, p. 262-268 : nous renverrons systématiquement à cet ouvrage grâce à l’abréviation «cat.».

Brève histoire des lieux et des collectionneurs

C’est Côme l’Ancien (1389-1464) qui le premier commence à collectionner des œuvres remarquables. Son fils Pierre (1416-1469) prend sa suite en faisant notamment exécuter au milieu du XVe siècle des montures pour vases par les meilleurs orfèvres. A l’époque, le trésor, composé principalement de petits objets précieux et de manuscrits enluminés, est conservé dans le Scrittoio, petite pièce située au premier étage du Palazzo Medici, à l’angle de la via Larga. Laurent le Magnifique (1449-1492), collectionneur éclairé, le remplit à son tour de nouvelles acquisitions. Quelques décennies plus tard, Côme Ier (1519-1574), grand promoteur des arts et des sciences, enrichit la collection et la fait transférer au Palazzo della Signoria, dans le « cabinet de Calliope », une petite pièce située au second étage, dédiée aux Muses. Le grand duc François Ier de Médicis (1541-1587) eut à son tour l’idée d’installer le trésor dans un Studiolo au sein, cette fois, du Palazzo Vecchio. Il voulut que la nature et l’art soient les thèmes dominants du programme iconographique qu’il confia à Vincent Borghini. Pour réaliser cette allégorie de la Nature, destinée à frapper le visiteur, l’architecte imagina de figurer les quatre éléments, les quatre humeurs, les quatre tempéraments ; il choisit en particulier de placer huit divinités antiques en bronze, toutes associées aux quatre tempéraments, symbolisant les règnes sur les trésors de la terre (métaux, cristaux, perles et pierres précieuses) dont un Apollon de Jean de Bologne et une déesse Opi1 (cat. p. 129-130).

« Chambre aux merveilles », Curiosités exotiques

Côme Ier (1519-1574), le père, avait déjà ouvert la collection aux objets exotiques très lointains, ayant recueilli notamment un manteau de plumes d’ibis rouge à taches noires d’un chef Tupi du Brésil, qu’on lui avait offert en cadeau. Les grandes découvertes de la Renaissance, apportant de nouvelles merveilles, n’ont fait qu’aiguiser son intérêt pour les curiosités lointaines. Nous recommandons, pour la magnificence et la qualité de ces objets, d’aller contempler tous ceux qui sont regroupés dans la même pièce que ce manteau de plumes de grande taille (125×170) et en bon état de conservation (Museo d’Historia Naturale de Florence, département d’Ethnographie et Anthropologie ; cat. p. 145). Tous ces objets sont des artificialia, c’est-à-dire qu’ils ont été exécutés de la main de l’homme. Certains matériaux sont très précieux, comme ces lapis-lazuli massifs, ces ors, ces émeraudes, tandis que d’autres, coquillages ou nacres, sont des produits de la nature. Mais tous ont en commun d’avoir été travaillés par une technique humaine, par une ingéniosité d’origine exotique ou européenne. Comme le voulait le goût princier de l’époque, les naturalia comme le coquillage des Indes voyagent en Flandres ou dans le centre de l’Italie pour se parer d’orfèvrerie, pour y être sculptés, retravaillés par différents artisans d’art. Il importe, inlassablement, de chercher à faire de ces objets naturels déjà exceptionnels des merveilles, des trésors, des curiosités.

La « Chambre aux merveilles », petite pièce dérobée du Palazzo Vecchio, avait effectivement pour vocation d’abriter des « objets rares et précieux à la fois par leur valeur en argent et par l’art de leurs créateurs»2 (cat., p. 112).

Qu’on en juge par l’inventaire qui suit. J’y ai fait la liste des objets qui se trouvent rassemblés, avec la cape de plumes d’ara déjà évoquée, dans cet espace de l’exposition consacré à l’exotisme (je précise la localisation actuelle des objets dans les musées florentins ; le lecteur qui souhaite plus de précisions pourra se reporter aux pages du catalogue que j’indique après l’abréviation « cat. »).

    • Un masque anthropomorphe mexicain de jade taillé et dont les dents sont peintes, de culture Teothihuacan (Palazzo Pitti, Museo dei Argenti ; cat. p. 144).
    • Des coquillages de nacre de l’Océan Indien montés, pour l’un des objets, en verseuse, pour l’autre en salière :
    • La verseuse est composée de deux nautiles montés face à face sur une orfèvrerie en vermeil originaire des Flandres (XVIe s., Palazzo Pitti ; cat. p. 139).

    • La salière est constituée d’un nautile monté sur un socle en argent fondu ciselé et doré, orné d’une tête de lion, travail d’Italie centrale, 1550-60 (Museo d’Historia Naturale de Florence, section Zoologie, « La Specola » ; cat. p. 140).
    • Deux petites coupes de nacre d’Inde et d’argent des Flandres (avant 1579, Museo d’Historia Naturale, section Zoologie, « La Specola » ; cat. p. 141-142).
    • Un collier Taïno des Antilles, composé de 70 coquillages, au centre du collier un coquillage représente une tête de mort (XVIe s., Museo d’Historia Naturale de Florence, département d’Ethnographie et Anthropologie ; cat. p. 147).
    • Autre objet Taïno originaire de Saint-Domingue, un plateau ovale en bois et coquillages (1ère moitié du XVIe s., Museo d’Historia Naturale de Florence, département d’Ethnographie et Anthropologie ; cat. p. 146).
    • Une corne de rappel d’Afrique centrale, ivoire et cuivre sculpté aux armes des Médicis de Tolède. Il s’agit d’un cadeau de mariage. (1ère moitié du XVIe s., Museo d’Historia Naturale de Florence, département d’Ethnographie et Anthropologie ; cat. p. 148).
    • Trois cuillères en ivoire du Bénin, sur l’un des manches est sculpté un petit oiseau, qu’Eléonore de Tolède, épouse de Côme, conservait dans un coffret de nacre (Museo d’Historia Naturale de Florence, département d’Ethnographie et Anthropologie; cat. p. 149).
    • Un pendentif représentant une sirène (origine flamande) en or, diamant, rubis et perles (Palazzo Pitti, Museo dei Argenti ; cat. p. 138).
    • Un vase de lapis-lazuli en forme de navire, dessiné par Bernardo Buontalenti, rehaussé d’or, émaux et bronze doré, orné d’une tête de fou sur l’anse ; manufacture florentine et Hans Domes (1579, Palazzo Pitti, Museo dei Argenti ; cat. p. 134).
    • Une coupe en forme de triton avec anse, en lapis-lazuli (1575-1589, Palazzo Pitti, Museo dei Argenti ; cat. p. 136).
    • Un vase en forme de dragon, atelier de Saracchi (diapre des grisons, or, émaux, perles et rubis, 2e moitié du XVIe s., Palazzo Pitti, Museo dei Argenti ; cat. p. 133).
    • Une coupe d’émeraude, atelier de Gasparo Miseroni (1550-1575, Palazzo Pitti, Museo dei Argenti ; cat. p. 131).
    • Une coupe en cristal de roche aux armes des Médicis, atelier de Gasparo Miseroni, milieu du XVIe s., (Palazzo Pitti, Museo dei Argenti ; ; cat. p. 171).
    • Une fiasque en cristal de roche, or, émaux, argent doré, à six faces, manufacture milanaise (2e moitié du XVIe s., Palazzo Pitti, Museo dei Argenti ; cat. p. 135).
    • Une aiguière de lapis-lazuli, or, émaux, bronze doré, ornée d’une tête d’oiseau blanc, manufacture florentine et Hans Dormes (Palazzo Pitti, Museo dei Argenti ; cat. p. 132).

Cabinet des mathématiques
Dans cette reconstitution, sont regroupés les objets suivants :

Des instruments de guerre ayant été utilisés lors de la victoire contre Sienne en 1555.

Des instruments mathématiques :

    • Un astrolabe du XIIIe s., de manufacture islamique (Museo Galileo ; cat. p. 203).
    • Un cadran solaire de cuivre et d’ébène de manufacture italienne, 1ère moitié du XVIIe s. (Museo Galileo ; cat. p. 202).
    • Une horloge solaire en forme de tasse, fabriquée en Italie, fin XVIIe s. (Museo Galileo ; cat. p. 200).
    • Une horloge solaire avec une boussole en diptyque, en ivoire, manufacture allemande ou française, XVIIe s. (Museo Galileo; cat. p. 201).
    • Une horloge nocturne en cuivre doré, de manufacture française, montrant les visages du soleil et de la lune, début XVIIe s. (Museo Galileo ; cat. p. 204).
    • Une horloge solaire polyédrique en bois peint, attribuée à Buonsignori, XVIIe s. (Museo Galileo ; cat. p. 205).
    • Un jovilabe de Galilée en laiton, venant d’u atelier florentin, XVIIe s. (Museo Galileo ; cat. p. 206).

Pour les domaines de l’astrologie, l’alchimie, l’anatomie :

    • Gaetano Giulio Zumbo, âme au purgatoire et âme damnée, bustes de cire polychrome présentés dans de petites boîtes d’ébène, 1691-95 (Palazzo Pitti, Museo dei Argenti ; cat. p. 209). J’ai vu les mêmes modèles dans la collection de l’Ambrosiana à Milan.
    • Gaetano Giulio Zumbo, tête anatomique en cire polychrome appliquée sur crâne humain, montrant une demie cervelle, des poils de barbe, et différents niveaux d’écorché (peau, veines, muscles…). Cette tête a des poils de barbe (Museo d’Historia Naturale, section Zoologie, « La Specola » ; cat. p. 208).
    • Giovan Battista Foggini, L’écorché, statuette de bronze (Florence, Museo del Bargello ; cat. p. 207).

J’ai remarqué aussi, plus loin dans la visite, des objets en ivoire tourné, dont l’un a attiré mon attention par son pied à axe dévié : c’est une coupe avec couvercle, ce dernier étant relié à la coupe par une chaine dont les maillons sont aussi en ivoire ; objet réalisé par Johann Eisenberg, 1626 (Palazzo Pitti, Museo dei Argenti ; cat. p. 215).

Les autres espaces de l’exposition réservent la surprise des marqueteries de toutes sortes (cat. p. 182-192), d’un splendide et monumental « cabinet » en ébène incrusté et marqueté de compositions en pierres dures (cat. p. 184), ou encore de l’art des jardins, où l’apparat s’associe à la science (cat. p. 150, 152, 178), comme le montrent les relations entre les Médicis et des savants spécialistes d’histoire naturelle comme Ulysse Aldrovandi.

Notes de bas de page numériques

1 Les aventures détaillées de la collection Médicis sont à lire dans l’article de Maria Sframeli, « Les ‘écrins’ du trésor. Parcours d’une collection à travers les lieux de pouvoir des Médicis » (cat. p. 25-33).
2 Pour plus de détails, on se reportera à l’article de Francesco Morena (« Les collections d’exotiques », cat. p. 61-63).