Mots allemands signifiant respectivement « chambre des merveilles » et « chambre des arts », répandus par l’étude célèbre de Julius von Schlosser (Die Kunst- und Wunderkammern der Spätrenaissance, 1908). Suite à cet ouvrage, les mots désignent plus particulièrement les collections rassemblées à partir des années 1560-70 par les princes d’Europe centrale (maison des Habsbourg principalement). Toutes sortes de merveilles stupéfiantes s’y trouvent regroupées, qu’elles soient tirées de la nature ou des beaux arts. Il faut ajouter à ces deux termes le mot « Schatzkammer », qui désigne littéralement la Chambre du trésor, lieu réservé aux sceptres, couronnes et joyaux, manteaux d’apparat et autres attributs strictement princiers.
A priori, la Kunstkammer serait plutôt consacrée aux beautés artistiques, tandis que la Wunderkammer serait plus éclectique, mais les deux types de collection sont rarement exclusifs. Les princes y collectionnent des objets destinés à mettre en valeur le spectacle de leur puissance : prodiges, tableaux de famille, monstres, somptueux trésors d’orfèvrerie, jouets mécaniques, splendeurs régaliennes et autres somptuosités figurent dans ces « chambres » réservées au regard de quelques privilégiés. Contrairement au studiolo, lieu privé dont la conception est liée à l’étude et au savoir, elles préfigurent davantage les musées au sens où elles reposent, dans leur principe même, sur la volonté d’éblouir le visiteur par le spectacle de pièces remarquables mettant en valeur une sorte de fierté nationale.
L’empereur Rodolphe II s’illustre en ce domaine en tentant d’asseoir sa suprématie impériale par un triomphe sur tous les collectionneurs de son époque : le château du Hradcany à Prague abrite une splendide collection, qu’il agrémente d’une ménagerie exotique logée dans les fossés du palais : léopards et tigres vivants éblouissent et effraient des visiteurs médusés.
La fortune épistémologique de ces deux termes germaniques est variable : si certains chercheurs emploient ces mots pour désigner uniquement les collections limitées dans le temps (fin du XVIe siècle) et dans l’espace (Nord des Alpes) en suivant la typologie d’origine de J. von Schlosser, d’autres s’en servent librement pour toute collection rendue publique (comme A. Lugli, Naturalia et Mirabilia, p. 31), d’autres, comme A. Schnapper, leur préfèrent l’expression « cabinet de curiosités », considérant que « ‘Curiosités’ a un sens neutre et général, qui permet d’englober les deux sens de Kunst (art et artifice, habileté) en même temps que celui de merveilles » (Le géant, la licorne, la tulipe, n. 2, p. 9).
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