Château royal de Londres (White Hall)
Témoignage de Thomas Platter, voyageur bâlois de passage à Londres en 1600.
Thomas Platter, au cours de son voyage en Angleterre, s’arrête au château royal de White Hall à Londres, peu avant la visite de la Tour de Londres, qui aura lieu le 6 octobre. Néanmoins dans le récit, cette visite du 20 septembre est placée après celle de la Tour. Il imagine une étymologie pour le nom de White Hall. Le château royal se distingue par ses jardins, peuplés d’animaux divers, et par la variété des merveilles qu’il abrite, notamment dans la « chambre du trésor », appelée aussi « garde-robe » de la reine : objets d’art très rares, artefacts exotiques, curiosités naturelles, machines, instruments de musique…
Le 20 septembre, après le repas, j’ai fait le déplacement avec mes compagnons jusqu’au château royal de Londres. C’est l’endroit où la reine tient sa cour quand elle transporte sa résidence dans la capitale. Ce palais s’appelle Vuitehal [White Hall], ce qui veut dire en allemand weiten Saal, en anglais wide hall ou large salle. Ce château domine le pont qui traverse la Tamise, et il est attenant à de beaux jardins. Devant le château et proche de son entrée est située la place des tournois. (…) Près de la place en question s’étend le parc zoologique. Nous y vîmes de nombreux daims, dont beaucoup étaient blancs.
Par la suite, dans le château, la montée d’escalier nous amenés jusqu’à la première salle, en fait un appartement d’été. Le sol y était jonché de matelas, tressés de jonc. Aux murs, de beaux tableaux, des tapisseries. (…) [détail de qq peintures]
Dans ce joli château qui n’est point fortifié se trouve la chambre du trésor, on dit aussi la « garde-robe » de la reine. C’est là qu’elle conserve ses vêtements et ses bijoux, les uns et les autres ayant une valeur inestimable.
Outre d’autres curiosités bizarres, j’ai vu dans ce palais une énorme côte de baleine. Et de même un jardin très plaisant. Dans les appartements : des tapisseries à foison, superbes. On aurait dit des peintures.
En la longue salle, on avait accroché un portrait, artistement peint, et allongé par la perspective. J’en ai emporté à Bâle une reproduction gravée sur cuivre.
Nous avons visité aussi la bibliothèque de la reine, contenant quantité de livres qu’elle avait écrits en langue latine, de sa main et d’une écriture impeccable. Il faut dire que cette langue, elle la parle aussi bien que le français, l’italien et l’espagnol.
Et puis encore : sous mes regards, dans ces appartements, des orgues de chambre « positifs », fort jolis ; des épinettes dont Elisabeth savait jouer de façon exquise ; et des lits tellement mignons avec leurs arrangements. Et des montres, des horloges : des petites, des grandes, si nombreuses. Un vrai travail d’artiste ! Dans ce palais, en outre, s’offrait à mes yeux un lit indien, avec ses rideaux d’alcôve, indiens eux aussi ; plus une table indienne, d’après mes souvenirs.
De nombreux portraits aussi, peints d’après nature. Parmi eux, j’ai noté en particulier, portraiturés de la sorte, une jeune fille et des princes électeurs, vêtus à l’ancienne mode, réglementaire et authentique.
Et encore un tableau qui représentait d’après nature une cuisinière néerlandaise, et des fruits ; le tout de la façon la plus artistique.
Source : Le siècle des Platter. III, L’Europe de Thomas Platter : France, Angleterre, Pays-Bas, 1599-1600 , par Le Roy Ladurie, Emmanuel (éd. , trad. ) et Liechtenhan, Francine-Dominique (trad.) Paris, Fayard, 2006, p. 361-363.