Cabinet de Bonnier de la Mosson

Ce sont en réalité pas moins de neuf Cabinets qui sont décrits par le catalogue de la vente aux enchères de 1744 dressé par E.F. Gersaint.

 

Jean-Marc Nattier (French, 1685 – 1766 ), Joseph Bonnier de la Mosson, 1745, oil on canvas, Samuel H. Kress Collection

 

Le cabinet de Joseph Bonnier de La Mosson est « un des plus spectaculaires des cabinets scientifiques du XVIIIème siècle, dans lequel, en dépit de sa spécialisation, l’esprit du cabinet de curiosités reste bien vivace » (I. de Conihout, 1998). Le catalogue distingue neuf cabinets : un cabinet d’Anatomie, un cabinet de Chimie, un de Pharmacie, un de Drogues, un « cabinet de Phisique ou cabinet des Machines », « le cabinet du Tour et des Outils », et trois d’Histoire naturelle. Plus un herbier et une bibliothèque.

Le « Cabinet de Phisique ou Cabinet des Machines » possède une « machine d’optique » décrite au numéro 606 du catalogue, réalisée par l’opticien parisien Alexis Magny, qui « représente les divers changements qui arrivent dans un Opéra ; ces changements s’y opèrent au moyen d’un bouton que l’on tire à soi. A l’ouverture de cette Machine on aperçoit une Forêt, au travers de laquelle paroît une Campagne avec des Chasseurs, des Chevaux et autres Animaux ».

Le cabinet de Physique de Bonnier de La Mosson, par Jacques de Lajoue (1734)

Le cabinet de Physique de Bonnier de La Mosson, par Jacques de Lajoue (1734)

Une partie en est aujourd’hui restaurée : le deuxième cabinet, dit des animaux desséchés, est reconstitué dans la Bibliothèque du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris.

 

Vous pouvez lire ci-dessous l’Avertissement (p. i-xiii) rédigé par Gersaint, le rédacteur du catalogue de vente, et placé en tête du livre pour présenter le lieu (transcription exemplaire Gallica 1744), ainsi que la Table ou sommaire :

 

 

[i]

Avertissement

Il ne s’est point encore trouvé en France jusqu’à présent, un Cabinet qui ait autant merité l’attention du Public, que celui que nous exposons ici en vente. La varieté des objets qui en forment le fonds, la quantité des Morceaux de choix, la difficulté de pouvoir rassembler tant de raretés, demandoient un Amateur aussi ardent, et aussi riche que feu Monsieur Bonnier de la Mosson, pour pouvoir parvenir à l’exécution d’un projet aussi vaste, indépendamment du lieu que cela exigeoit, pour placer le tout avec ordre et avec avantage.

Cet Amas immense de diverses Curiosités est assez connu dans [ii] Paris, et même au-dehors, sans que l’on soit obligé d’en faire ici un Eloge, qui n’apprendroit rien de nouveau à ceux qui seraient dans le cas d’en devoir être instruits. M. de la Mosson a toujours procuré avec plaisir la vûë et l’examen de ce qu’il possedoit, tant à nos Curieux qu’aux Etrangers ; et c’étoit même l’obliger, que de venir s’amuser avec lui dans ses Cabinets. Il vouloit connoître tout ce qu’il achetoit, et il s’étoit fait un principe sûr et avantageux dans l’intention de parvenir facilement à la connoissance de tout ce qu’il recherchoit : c’est pourquoi il réfusoit souvent d’acquerir des suites toutes formées, afin de pouvoir se familiariser petit-à-petit avec ses Curiosités, en formant lui-même ces suites, morceaux à morceaux.

En effet, c’est le veritable chemin que doit suivre un Amateur, qui ne se contente pas seulement [iii] de joüir et de se récréer par la vûë de choses curieuses et agréables ; mais qui, voulant encore en tirer un avantage plus solide, cherche à se mettre en état de connoître leur nature, leurs differences, leurs especes, leurs proprietés et leurs usages. Il n’arrive que trop souvent qu’un Curieux, quand il se charge d’un Cabinet tout fait, ignore lui-même ce qu’il possede ; et qu’il parvient difficilement  ensuite à cette connoissance, à cause de l’Etude particuliere qu’il se trouve alors obligé d’en faire, s’il veut se la procurer ; ce qu’il regarde ordinairement comme un travail : au lieu que quand il n’acquiert que par dégrés, il acquiert en même tems et sans peine, la connoissance de ce qu’il choisit.

Comme M. de la Mosson trouvoit pas assez facilement à Paris à se procurer abondamment et avec choix les differentes par- [iv] ties qui faisoient l’objet de sa Curiosité, quoiqu’il allât souvent au devant de tout ce que le hazard pouvoit lui offrir, il fit exprês deux voyages en Hollande, pour satisfaire ses desirs plus promptement, et il y acquit tout ce qu’il put trouver de beau et de singulier. C’est ce qui l’a aidé à pousser ces Curiosités à un si haut point.

Je ne donnerai ici qu’une idée succincte et générale des differens Cabinets que ce total compose ; ce qui en même-tems exposera l’ordre que j’ai suivi dans ce Catalogue, et dans lequel je n’ai presque rien changé, celui qui y étoit établi s’étant trouvé três-satisfaisant. Cette methode deviendra plus commode pour ceux qui ne les ayant vûs que legerement, voudront en prendre une connoissance plus exacte. C’est ce qui m’a fait prendre le parti de laisser presque le tout dans le même état que l’ai trouvé.

[v] La disposition que feu M. de la Mosson avoit donné lui-même, et qui existera jusqu’à la vente, consiste en neuf Cabinets de plain-pied. Chacun de ces Cabinets est consacré à quelque genre particulier de ces differentes Curiosités, et aux choses qui y ont quelque rapport. Elles y sont arrangées dans un ordre capable de satisfaire également les yeux et l’esprit. En voici la distribution :

  1. Le Cabinet d’Anatomie.
  2. Le Cabinet de Chymie, ou le Laboratoire.
  3. Le Cabinet de Pharmacie, ou l’Apoticairerie.
  4. Le Cabinet des Drogues.
  5. Le Cabinet du Tour et des Outils propres à differens Arts.
  6. Le premier Cabinet d’Histoire naturelle, contenant les Animaux en Phiole dans une liqueur conservatrice, avec quelques Mineraux.
  7. Le deuxiéme Cabinet d’Hi- [vi]stoire naturelle, qui renferme les animaux desséchez, les Papillons et autres Insectes, les Plantes, les Mines, les Mineraux, etc.
  8. Le Cabinet de Phisique ou Cabinet des Machines avec plusieurs Pieces d’Artillerie, et nombre d’autres morceaux qui ont rapport aux Mathematiques.
  9. Le troisiéme Cabinet d’Histoire naturelle, contenant les Coquilles, l’Herbier, plusieurs Volumes d’Estampes qui la plûpart ont rapport aux Coquilles, et à d’autres parties de l’Histoire naturelle et de la Phisique. Ce Cabinet est aussi celui de la Bibliotheque.

Quoique chacun de ces Cabinets soit destiné en particulier à un seul genre, il s’y trouve cependant quelquefois plusieurs pieces qui n’y ont aucun rapport. Mais comme la plus grande partie de ce qu’ils renferment, leur en a fait donner la dénomination, [vii] je n’ai rien voulu déranger. J’avertirai seulement, à la tête de chaque Cabinet, des differentes Curiosités qui s’y rencontrent, ce qui se trouvera plus amplement détaillé dans les Numéros.

Ces Cabinets sont ornez par tout ce que l’Art a pû imaginer de mieux et de plus agréable. Le tout selon les attributs qui leur conviennent à chacun, suivant le genre des choses qu’il contient. Rien n’y a été épargné ; Propreté dans l’exécution du bois qui en forme les Armoires, ou Bureaux qui les renferment ; Sculpture recherchée et délicate ; Glaces ; Dessus de Portes : tout enfin concourt à faire un Ensemble qui étonne, et qui en même tems satisfait infiniment les yeux.

Ces Armoires seront venduës dans un jour particulier que l’on indiquera par des Affiches : méthode que l’on suivra pour les différentes choses dont la vente ne [viii] pourra pas être désunie. On peut se servir de ces Armoires et Bureaux pour differens usages, et il y en a une sur tout, qui peut faire une des plus belles Bibliotheques qui soient connuës dans Paris. On trouvera leurs descriptions à leur rang.

Outre toutes ces Curiosités répanduës dans les Cabinets dont nous avons fait mention ci-dessus, il y a à leur suite, dans ce Catalogue, plusieurs autres morceaux interessans, sous le titre de diverses Curiosités meublantes dispersées tant dans les Cabinets que dans les Appartemens, comme Figures et autres Ornemens de Bronzes dorez et non dorez, Bustes de Marbres et autres pieces de ce genre  Porcelaines montées et non montées ; Meubles curieux et de prix ; Pendules singulieres ; Bijoux, etc.

Je n’ai donc point cherché à entrer dans une connoissance exa-[ix]cte de la Nature ni de l’Historique de tous les Articles compris dans chaque numero ; outre que cette entreprise auroit été sûrement au-dessus de mes forces, il auroit aussi fallu un tems considerable, pour en pouvoir seulement donner une ébauche, par rapport à la varieté des matieres et à la quantité des morceaux. Cependant j’ai fait ensorte de rendre ce Catalogue autant interessant que je l’ai pû, eû égard au tems que l’on m’a prescrit pour le faire. Et comme il y a dans cette collection plusieurs choses dont j’ai eû occasion de parler dans les Catalogues précedens, qui ont paru en 1736. 1737. et 1744. on pourra alors y avoir recours.

Je me suis attaché en particulier, dans celui-ci, à bien établir l’existence de certaines Pieces curieuses que l’on y trouve, et sur-tout dans les Machines, à bien y fixer leurs usages, leurs proprietés, leurs [x] systêmes, et ce pourquoi elles ont été faites ; et aussi à donner le nom de leur Auteur, quand j’ai pû parvenir à en être éclairci.

J’ai crû en prenant cette route, pouvoir rendre de quelque utilité, pour l’avenir, ces sortes de Catalogues qui paroissent n’être faits que pour procurer une vente plus facile ; ce qui en effet dot en être le premier objet. Mais quoique le but que l’on s’y propose ordinairement ne soit que d’instruire le Curieux, pour qu’il puisse plus facilement se fixer sur ce qui lui fait plaisir : Néanmoins il en résulte un second avantage qui est, qu’en donnant une connoissance précise de l’existence de certains Morceaux que l’on ignoroit, cela peut aider par la suite, à reveiller les idées des Artistes et des Sçavans, qui peuvent en consequence abandonner ou réformer un projet déjà imaginé, et dont, sans ces Catalogues, ils n’au- [xi]roient eû aucune connoissance.

Outre cela, l’accueil favorable que les Curieux ont bien voulu faire à mon dernier Catalogue, et l’indulgence qu’ils veulent bien avoir pour les fautes qu’un Ouvrage de cette nature, toujours précipité, entraîne malgré soi avec lui, m’obligent, pour les satisfaire, à n’en point donner doresnavant, sans faire mes efforts, pour les rendre interessans, autant que la matière pourra l’exiger, et que le tems me le permettra, en les accompagnant de Notes qui insensiblement pourront se servir de suites les unes aux autres, et par là, diminuer en partie la séchersse et l’ennui qui accompagnent ordinairement la description des articles renfermez dans chaque Numero.

Je donnerai toute la facilité possible aux Curieux qui voudront examiner avec attention les morceaux sur lesquels ils pour-[xii]roient avoir les vûes, et cela, pendant les dix ou douze jours qui précedront la vente, sous la condition, cependant, que l’on voudra bien m’avertir auparavant du jour et de l’heure que l’on  choisira, et que j’aurai soin de notter, pour m’y conformer exactement, afin d’éviter par ce moyen la trop grande multitude ; ce qui autrement, seroit une confusion qui deviendroit à charge, tant à ceux qui ont dessein de voir les choses avec tranquillité qu’à moi-même, qui me trouverois alors hors d’état de les pouvoir satisfaire tous.

Cette vente est commencée depuis quelques jours pour les meubles et autres ustenciles de moindre consequence ; et dans les premiers jours du mois de Janvier prochain de l’année 1745. on exposera les Tableaux, Bijoux, Diamans, Bronzes, Porcelaines, Meubles précieux et autres Effets de ce genre. A l’égard [xiii] des differentes Curiosités comprises dans les neuf Cabinets dont nous avons parlé ci-dessus, la vente en sera fixée au premier Lundi de Carême, 8. du mois de Mars de la même année 17445. afin que les Etrangers puissent avoir le tems d’être instruits de ce que renferment ces Cabinets ; ce que l’on apprendra plus particulierement dans le tems, par les Affiches qui seront exposées. Toutes ces Curiosités seront mélangées dans le cours de cette vente, pour tâcher de satisfaire les differens goûts des Curieux qui pourront y venir : Il n’y a que les Volumes d’Estampes qui seront vendus dans un jour particulier que ‘on choisira, et dont on aura le soin d’avertir pareillement par des Affiches.

 

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TABLE

Des differens Cabinets et des divers genres de Curiosités contenuës dans ce Catalogue.

 

Cabinet d’Anatomie, Page 1

Cabinet de Chimie ou Laboratoire,  5

Cabinet de Pharmacie ou Apoticairerie, 11

Cabinet des Drogues, 17

Cabinet du Tour et des Outils propres à differens Arts et Métiers, 19

Cabinet des Animaux en Phioles, avec quelques Mineraux et quelques autres Animaux dessechez,  32

Cabinet des Insectes et autres Animaux dessechez, contenant aussi des Fossiles, des Mineraux, des Cristalisations, des Madrepores et autres Plantes marines, avec quelques Habillemens Indiens,  54

Cabinet de Mécanique et de Physique, renfermant differens Modeles de Machines, divers Instrumens propres à la Physique, à l’Astronomie et à la Géographie ; plusieurs pieces d’Optique ; une Machine Pneumatique avec les Pieces assortissantes ; Plusieurs beaux Morceaux d’Artillerie et autres belles Armes à feu ; des Plans en reliefs ; des Orgues, Clavecins et autres Instrumens de Musique de consequence ; des Globes et Spheres de divers systêmes et grandeurs ; des Modeles de Vaisseaux et de Galere ; des Pendules singulieres ; des Pierres d’Aiman naturelles et artificielles ; des Microscopes ; des Verres ardens ; des Telescopes et Lunettes d’approche, etc. 83

Cabinet des Coquilles, 173

Estampes et Recüeils sur l’Histoire Naturelle et autres Sciences, 203

Tableaux, 209

Bronzes et Bustes de Marbre, 220

Porcelaines montées et non-montées, 224

Meubles curieux et Bijoux, 229

 

Fin de la Table.

*

SOURCE: GERSAINT, E.F., Catalogue raisonné d’une collection considérable de diverses Curiosités en tous Genres, contenuës dans les Cabinets de feu Monsieur BONNIER DE LA MOSSON, Bailly et Capitaine des Chasses de la Varenne des Thuilleries et ancien Colonel du Regiment Dauphin, Paris, Jacques Barois et Pierre-Guillaume Simon, 1744.

Localisation :

– La Rochelle, Médiathèque : 14480 C.

– Paris, Bibliothèque des Arts décoratifs : V29.
– Amiens, Bibliothèque municipale : M 3274/2 fonds Masson.
– Angers, Bibliothèque municipale : 4416, Histoire 2.
– Chalons-en-Champagne, Bibliothèque municipale : AF 15382.
– Chambéry, Médiathèque : PER A 9548.
– Lyon, Bibliothèque municipale : 398118 CGA.
– Mâcon, Bibliothèque municipale : 6460, Havard.
– Montpellier, Médiathèque (deux exemplaires) : 42165 fonds ancien ; C729 fonds ancien.
– Nancy, Bibliothèque municipale : 302998, c.
– Nîmes, Bibliothèque Carré d’art : 4113 Théologie.
– Rouen, Bibliothèque municipale (trois exemplaires) : 12325 fonds Cas ; Mt p 4337 fonds Cas ; Mt p 1211 fonds Cas.
– Versailles, Bibliothèque municipale : Bourriau 171 VE2.