Croutelle, près de Poitiers, est célèbre à la Renaissance pour l’habileté de ses tourneurs : la confection d’objets miniatures en buis tourné et en ivoire est attestée dès le XVème siècle. Contant dans les Commentaires sur Dioscoride qu’il publie en 1628 s’émerveille d’un jeu de quilles qui, complet de ses neuf quilles, de sa boule et de sa « pirouette », y compris la boîte qui les contient, ne pèse pas plus lourd qu’un grain de blé : « ils fabriquent industrieusement des jeux de quille, avec la boule, faits d’yvoire qui ne poisent les neuf quilles, la piroüette, et la boëte qu’un grain de froment, chose incroyable qui ne le verroit ».
Blaise de Vigenere, dans son Traicté des Chiffres, mentionne un de ces artisans de Croutelle dans une courte liste d’ouvrages qui supposent une acuité particulière de la vue : le prologue de l’Apocalypse écrit par Spannochio, gentilhomme de Sienne, sur une lettre de vélin pas plus grande que l’ongle du petit doigt, d’autres lettres minuscules d’un peintre anglais écrites non pas avec une plume de corbeau, sur la rigidité de laquelle l’artiste peut miser, mais avec un pinceau en poils de queue d’écureuil, des diligences en verre à quatre roues et à trois chevaux qui, cocher compris, et fouet brandi, tiennent sous l’aile d’une mouche, une puce vivante enchaînée à une chaîne d’or de cinquante maillons par un orfèvre d’origine hollandaise à Moulins, et plus récemment les réalisations « d’un certain Tourneur de Croutelles, presque incroyables. Entre autres un Jeu de quilles avec la pirouëtte, dans une boëte garnie de son couvercle, le tout d’yvoire excellemment élabouré, qui ne pesoient pas ensemble trois grains ». (Texte emprunté aux Keimelia litteraria du Rochelais Paul Colomiès (Opera, 1709), chapitre XXXIII : « Variorum Opera oculorum aciem pene fugentiae », p. 306-307)
On pourra voir quelques objets, et on lira d’autres textes si l’on va consulter la page consacrée à ce qu’on appelait « les finesses de Croutelle » [document pdf].