"Et toi, dont le regard attriste mes esprits..." C'est en alexandrins que le pharmacien poitevin Paul Contant chante son cabinet de curiosités, sans cesse enrichi entre 1600 et 1628. Il ne faudra pas moins de quatre déménageurs pendant sept jours pour déménager tous les objets après la mort du collectionneur.

 

Paul Contant, pharmacien à Poitiers, fait allusion à quelques objets d’un début de collection dès son Bouquet printanier de 1600. Ce premier poème essentiellement consacré à son jardin de végétaux spectaculaires ou rares est repris une dizaine d’années plus tard et considérablement étoffé pour donner au public un avant-goût plus substantiel de la visite du cabinet de curiosités à laquelle le pharmacien le conviait.

On trouvera sur ce site le poème de 1609, Le Jardin, et Cabinet poetique, avec, grâce à la générosité de la Médiathèque de Poitiers, les gravures qui l’accompagnent et auxquelles il se réfère par un système de numérotation qui réapparaît dans le corps même du texte, mais aussi la liste latine tardive (1628) et probablement exhaustive de la collection sous le titre d’ Exagoge mirabilium…, et d’autres documents concernant directement le capharnaüm de l’apothicaire poitevin.
Le cabinet occupait l’étage de la maison de Contant, sise à l’angle des actuelles rues Arsène Orillard et de la Cathédrale.

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Pour en savoir plus : Paul Contant, Le Jardin, et cabinet poétique, édition critique et notes de Myriam Marrache-Gouraud et Pierre Martin, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, « Textes rares », 2004.

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Cité par Bonnaffé : 1572( ?)-1632. Fils de Jacques et, comme lui, apothicaire à Poitiers, entreprit plusieurs voyages en France, en Allemagne, en Italie, visita les cabinets curieux et organisa dans sa ville natale un jardin botanique avec un cabinet d’histoire naturelle. Il en composa le catalogue sous le titre de : Jardin et cabinet poétique avec figures, Poitiers, 1608.

Zinzerling parle de ce livre : « Addidit ipse de eâ (pinacothecà) librum versibus gallicis, figuris æri incisis ornatum. »

Borel mentionne « M. Constant, à Poitiers, maître apotiquaire, curieux de plantes et serpens ».

Gölnitz donne quelques indications de plus sur l’amateur de la collection : « Ædes Pauli Constanti, pharmacopœi, viri humani, promtæ frontis et voluntatis, privatos intravimus, visuri (quod et nobis concessum) ejus gazophylacium quod libro, quem et XVI solidis Gall. emimus, versibus gallicis inscripsit, æneisque figuris exornavit. » Suit une assez longue description des curiosités naturelles et surnaturelles ; les curiosités artificielles comprennent des armes, des instruments et des costumes de sauvages, un miroir montrant d’un côté le portrait du roi Henri IV et de l’autre la figure d’un chat, etc.

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Un témoignage de 1606

Jean Hiernard, professeur à la faculté d’Histoire de l’université de Poitiers, a l’amabilité de nous communiquer un extrait du Raisbuch  (Livre des voyages) de Hans Georg Ernstinger, Tyrolien natif d’Innsbruck, fils d’un conseiller impérial. Le manuscrit d’Ernstinger, publié en 1877 à Stuttgart par Philipp Alexander Ferdinand Walther (Bibliothek des Litterarischen Vereins in Stuttgart, t. 135), est resté inexploité. C’est dans la relation du 41ème voyage qu’Ernstinger raconte son court séjour à Poitiers, les 9 et 10 juillet 1606, et sa visite au cabinet de Paul Contant, que l’on reconnaîtra dans le « monsieur Condan » du texte allemand.

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Après la mort du collectionneur…

Un document daté de 1708 dit que les objets de la collection ont été dispersés : et peut-être l’ont-ils été dès que Pierre de Raffou a pu entrer en possession de son héritage. Ce document du tout début du XVIIIème siècle est un récit de voyage manuscrit, conservé à la Médiathèque de La Rochelle, de la main du Rochelais Elie Richard. Racontant son passage par Poitiers pour un voyage vers les contrées du Nord, Elie Richard fils regrette en ces termes que la ville universitaire ne puisse plus offrir au voyageur qui y prend auberge, le temps d’une étape, la visite du cabinet de curiosités de Paul Contant : « On voyait autrefois à Poitiers un joli cabinet de Curiosités naturelles chez Mr Content [sic] fameux Apothiquaire, mais je le crois entierement dispersé ; il n’y a plus que Made la Presidente de Rases, qui en a un de tableaux, de bijoux et de raretés artificielles. » (Relation de voyages, faits en France, en Flandre, en Hollande, et en Allemagne. Par E[lie] R[ichard], A[vocat au Parlement], 1708: Médiathèque de La Rochelle, ms 5, p. 14).