Cabinet de l’Abbaye de Saint-Antoine, dit des Antonins
Ce cabinet de curiosités dauphinois a été légué au Cabinet d’histoire naturelle de Grenoble en 1777.
Le Cabinet d’histoire naturelle de Grenoble, ancêtre du Muséum actuel, a été créé en 1773. Un premier historique mentionne tous les cabinets d’où il était issu : un cabinet dauphinois –celui des Antonins-, et deux cabinets grenoblois –celui du négociant grenoblois Raby l’Américain et celui du père Ducros, premier garde du Cabinet d’histoire naturelle de Grenoble. Une caractéristique commune permet de rattacher ces trois cabinets aux cabinets de curiosités du début du XVIIIe siècle : l’hétérogénéité de leurs collections. Les curieux qui les avaient rassemblées avaient en effet réuni autour d’eux des minéraux, des fossiles, des instruments de chimie et d’astronomie, des costumes étrangers, des animaux, des coquilles, des bronzes, des monnaies, des droguiers et des momies. Des trois cabinets, le cabinet des Antonins était le plus ancien. Légué au Cabinet d’histoire naturelle de Grenoble en 1777 afin d’en constituer les premières collections, il avait été rassemblé en Dauphiné à l’abbaye de Saint-Antoine entre 1752 et 1761.
Au sujet des naturalia et des exotica contenues dans le cabinet de curiosités des Antonins, l’article de Joëlle ROCHAS, intitulé « Liste des suspensions de Grenoble », cité ci-dessous, donne de précieux renseignements quant aux éléments qui le composaient, qu’ils aient été, ou non, mis au pilon. Cet article est précédemment paru dans le catalogue d’exposition L’Europe des Merveilles au temps de la Curiosité, Musée de Saint-Antoine-l’Abbaye, Grenoble, Conseil Général de l’Isère, 2013, p. 86-87.
L’historienne de l’art italienne Adalgisa Lugli donne une interprétation magique aux spécimens d’histoire naturelle suspendus à la voûte des cabinets de curiosités, comme on peut en voir encore dans certaines églises italiennes[1]. En 1836 à Grenoble, de nombreux spécimens étaient encore suspendus à la voûte du cabinet d’histoire naturelle alors installé dans l’église de l’ancien Collège des Jésuites, actuel Lycée Stendhal.
Considérés par les conservateurs de l’époque comme des objets d’art et pas tout à fait comme des spécimens d’histoire naturelle, en raison de leur apparence bizarre, sous prétexte qu’ils étaient parfois abîmés ou tout simplement parce qu’ils étaient inclassables dans la nomenclature propre à un cabinet d’histoire naturelle, ces spécimens furent tout simplement mis au pilon. Les conservateurs ne conservèrent que les naturalia auxquels ils firent encore subir deux tris : le premier selon leur état de conservation, le second selon leur aspect. Les naturalia qui, par leur sculpture ou leur montage s’apparentaient à des exotica, étaient immédiatement éliminées sous prétexte de leur mauvais état.
Ces pièces appartenaient selon toute vraisemblance et pour la plupart à l’ancien cabinet de curiosités des Antonins.
Nous donnons ainsi deux listes : celle des objets d’histoire naturelle mis au pilon en 1836 et celle des objets qui se fondirent à cette époque dans les futures collections du Muséum d’histoire naturelle de Grenoble. Ces listes viennent compléter l’inventaire en cours d’élaboration des collections scientifiques, artistiques, ethnologiques et archéologiques contenues dans le Cabinet de curiosités des Antonins. Elles se rajoutent à la collection conchyliologique antoniane que nous évaluons à plus de mille coquilles, au médaillier riche de 5.400 monnaies et médailles, aux instruments scientifiques, aux livres, aux momies et aux bronzes que contenait le cabinet de l’Ordre.
- Spécimens mis au pilon : « un tatou à 9 bandes, un guépard, une masse d’huître, plusieurs masses de madrépores, un crocodile, la moitié du fruit appelé calebasse, un œuf d’autruche, une portion de la peau du serpent boa, un coquillage bivalve de grande dimension, une portion d’os fossile (humérus), trois poissons épineux (des diodons), un poisson volant (exocet volant), un poisson épineux et un autre au corps très allongé, une peau mal bourrée d’une énorme couleuvre d’Amérique ? [sic] d’une vingtaine de pieds de longueur, un grand coquillage bivalve, un serpent à sonnette, deux œufs d’autruche à la surface desquels on a gravé des feuilles – des arbustes, une coquille d’un coquillage bivalve, deux cornes d’un ruminant étranger, une peau en mauvais état d’un poisson voisin de la sole, une carapace de tortue franche, deux mâchoires de requin avec leurs dents, un chien de mer (poisson squale), un autre plus petit à museau plus allongé, un autre aussi grand portant deux petits sur sa nageoire, un poisson marin, dont je [le conservateur de l’époque] ne connais pas l’espèce, un poisson chien de mer, un iguane ? [sic], deux peaux de zèbres non montées et simplement étendues, un phoque ».
- Spécimens d’histoire naturelle intégrés dans les collections du Cabinet d’histoire naturelle de Grenoble en 1836 : « une masse de coraux et de madrépores, 3 ou 4 grandes feuilles marines, 2 autres feuilles marines, une belle masse de madrépores, deux masses de coquilles (habitation du veau marin), trois autres masses de coquillages habitation de veau marin, une jolie masse d’huître, une belle masse de madrépore, une vingtaine de jolis échantillons de madrépores et millipores, une quinzaine d’autres beaux échantillons de madrépores et millipores, un os fossile (portion d’une vertèbre énorme d’animal fossile gigantesque), deux belles mâchoires de squale requin avec leurs dents, un fruit du cocotier (cocos nucifera), un autre fruit du cocotier avec la peau externe coupée et enlevée d’un côté, pour faire voir la noix, un fruit du cocotier (dit à grosses fesses vulgairement), deux autres fruits de cocotier ordinaire avec la peau externe, l’arme du poisson squale scie, deux armes du poisson syphios espadon, une autre arme du rhinocéros à deux cornes, le corps caverneux desséché d’une verge de baleine, deux cornes de buffle ? [sic], deux œufs d’autruche, un crocodile, deux caïmans (crocodiles), un os fossile (portion d’un fémur trouvé à Mercurol. Mammifère gigantesque) ».
[1] Adalgisa LUGLI, Naturalia et Mirabilia, les cabinets de curiosités en Europe, Paris, Biro, 1998.
Bibliographie complémentaire :
Les collections des Antonins sont régulièrement valorisées par des expositions (dir. G. Mocellin) qui donnent lieu à des catalogues :
D’ombre et de lumière. Trésors sacrés, trésors profanes, Catalogue d’exposition du Musée de Saint-Antoine l’Abbaye, Grenoble, 2011.
Entre Flandres et Italie. Princes collectionneurs, Catalogue d’exposition du Musée de Saint-Antoine l’Abbaye, Grenoble, 2012.
L’Europe des merveilles au temps de la curiosité, Catalogue d’exposition du Musée de Saint-Antoine l’Abbaye, Grenoble, 2013. Voir, au sujet de cette exposition, notre rubrique « Evénements ».
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