Les cabinets de curiosités privés ne manquaient pas à Brest à la fin du XVIIIe siècle. Même si les sources sont lacunaires et difficiles à rassembler, on imagine aisément à quel point la présence du port et des navires revenant des îles lointaines permettent aux particuliers de s’approvisionner en plantes, coquillages, oiseaux de Cayenne notamment, mais aussi en artefacts exotiques. Il est vraisemblable que ces collections aient pu être entreprises dès le XVIIe siècle. On trouve dans le voyage de J. Cambry (1794-1795) la mention des collections de Sartory, de l’abbé Béchennec, de Guillemard et de Desplans, entre autres, mentionnées pour la plupart par le blog de Jean-Pierre Cordier, et par ailleurs répertoriées et saisies intégralement — ou en passe de l’être ces prochaines semaines… — sur notre site, (rubrique « Nouveaux cabinets » en page d’accueil ou simplement « Cabinets », recherche possible par nom de collectionneur ou par lieu).
Au-delà des collections privées que chacun pourra consulter dans la rubrique qui leur est consacrée, et après elles, est venue la création du Cabinet d’Histoire naturelle de Brest, issu en partie des saisies révolutionnaires dans lesdites collections privées. Nous souhaitons ici retracer le devenir de cette institution au XIXe siècle principalement, puis au XXe siècle, et nous renvoyons, pour une approche plus détaillée, au blog cité ci-dessus — le présent article, qui y puise tous ses matériaux, se voulant une simple introduction synthétique, qui tiendra lieu d’invitation à la lecture du blog en question.
Chronologiquement, la ville de Brest s’est d’abord dotée d’un Jardin de simples dès 1694, qui devient le Jardin botanique de la Marine en 1771, adjacent à l’Hôpital maritime, et où l’on étudie, en tentant de les acclimater, les plantes rapportées des voyages, et dont les vertus médicinales intéressent la thérapeutique.
Ensuite, contigu au Jardin, vient le Cabinet d’Histoire naturelle de Brest, apparu à la Révolution, créé sous la Terreur an II (1793-1794) par un arrêté de Bréard : « Qu’un Cabinet d’histoire naturelle, destiné à l’instruction publique, serait fondé au Jardin botanique de la Marine, à l’aide de tous les objets provenant des maisons d’émigrés et du dépôt de coquilles et de minerais qui se trouvait dans un magasin de la maison où se tenait l’administration du district » (Armand Du Chatellier, Brest et le Finistère sous la Terreur, p. 29). Cette injonction révolutionnaire indique que tout objet de collection était préempté, et que la collection du Cabinet d’histoire naturelle abritait sans doute certes des animaux, des insectes, des minéraux et des plantes, mais encore toutes sortes d’artefacts venus du monde entier, ainsi que, sans doute, des monnaies et autres objets d’art.
Durant tout le XIXe siècle, le Cabinet d’Histoire naturelle de Brest est administré par différents membres (chirurgiens, pharmaciens… ) du personnel médical de l’hôpital, et la collection ne cesse de s’enrichir. Au fond d’origine, prélevé sur les collections des aristocrates brestois exilés, viennent s’adjoindre au XIXe siècle tous les objets que les chirurgiens de marine, les scientifiques embarqués, ou les marins eux-mêmes ramenaient des voyages d’exploration et d’expédition hydrographiques. Les collections du Musée étaient donc en grande partie composée d’exotica. Une partie des collections était envoyée au Muséum de Paris, avec lequel le Jardin et le Cabinet d’Histoire naturelle de Brest étaient en relation permanente. Pour les noms des navires et des capitaines, voir l’article cité (« 4. origines des collections ») du blog de Jean-Pierre Cordier.
Pendant la Seconde guerre mondiale, l’hôpital est occupé par les Allemands qui y construisent un blockhaus. Mais le contenu du musée n’ayant pu être mis à l’abri, il est entièrement détruit par les bombardements américains du 12 août au 18 septembre 1944. Seul un petit nombre d’objets polynésiens et dahoméens, qui n’étaient pas exposés, mais conservés dans des malles sont retrouvés intacts dans le mess des officiers. Certains d’entre eux ont été exposés en 1993 pour l’exposition Brest, Tahiti, Chine, le musée imaginaire de Victor Ségalen à l’abbaye de Daoulas.
En relation :
- Cabinet de Guillemard, Louis-Nicolas
Louis-Nicolas Guillemard : né à Rouen, ce secrétaire de l’intendance de la marine à Brest est aussi poète, et a traduit de l’anglais la tragédie en V actes d’Addisson Caton d’Utique. On lui attribue aussi l’Odyssée ultramontaine (1791), le Dervis et le Loup (1795) et Epître d’un père à son fils prisonnier en Angleterre (1802).
- Cabinet de Rochon
Le dénommé Rochon semble avoir un cabinet à Paris, dont nous n’avons pas encore trouvé la trace, et conserve néanmoins quelques objets remarquables à Brest, comme le montre ce témoignage de Jacques Cambry.
- Cabinet de Riou-Kerhalet
Jean-François Riou-Kerhalet est un riche négociant et armateur de Brest.
- Cabinet de Bechennec (Abbé)
L’abbé Bechennec (1726-1805), naturaliste, est responsable du dépôt de bibliothèque de Brest.
- Cabinet de Gusman de Kindelan, Ferdinand
Le colonel Ferdinand Gusman de Kindelan décéda à Brest en 1837, à l’âge de 45 ans. Ce baron espagnol fils d’un général allié à Napoléon avait épousé en 1823 la fille d’un riche négociant et armateur de Brest, Jean-François Riou-Kerhalet. Sa belle chapelle funéraire est visible au cimetière Saint-Martin de Brest.
- Cabinet de Sartory, Ange-Michel
Le Cabinet d’histoire naturelle de M. Sartory est mentionné par Jacques Cambry, Voyage dans le Finistère ou Etat de ce département en 1794 et 1795, Volume 2 page 140.
- Cabinet de Desplans
- Brest, Cabinet d’Histoire naturelle (1794-1868)
Faisant suite à la création d’un Jardin botanique, le Cabinet d’Histoire naturelle de Brest connaît une histoire mouvementée aux XVIIIe et XIXe siècles.