Cabinet de Chevalier, Nicolas (1712)

Second cabinet de Nicolas Chevalier, situé à Utrecht (1712).

Cet ouvrage, dont on lira ci-dessous le long titre complet, correspond au deuxième cabinet de curiosités de Nicolas Chevalier, qui a quitté Amsterdam pour s’établir à Utrecht, de 1703 à 1713. Il y a eu plusieurs éditions de cette nouvelle description, au gré de changements de dédicataires, peut-être mécènes, peut-être clients potentiels. Cette description en forme de visite guidée est suivie d’un Catalogue de 878 articles que l’on trouvera en mode image dans notre Galerie, et d’une série de planches gravées que le texte ci-dessous mentionne, et que l’on consultera de façon suivie sous forme d’album directement dans la Galerie d’images. Ces planches sont aussi assorties d’un « Indice » descriptif en trois langues, également consultable dans la Galerie. Nicolas Chevalier a enfin joint aux gravures les images d’une collection de monnaies qu’il possède en double exemplaire et qu’il propose à la vente.

 

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Recherche curieuse d’antiquités,Venuës d’Italie, de la Grece, d’Egypte, et trouvées à Nimegue, à Santen, au Château de Wiltenburg proche d’Utrecht, dans le Château de Britten proche de Leyde, et à Tongres.Contenant.Plusieurs Bas-reliefs, Statues de marbre et de Bronze ;Inscriptions Antiques, Couloirs, Talismans, Lampes, Cuillers, Cuillers Lachrymales, Phioles Lachrymales, Urnes, Stiles pour écrire, Bracelets, Romaines, Bagues, Cachets, Couteau appellée Secespita, Phiole appellée Guttus, Medailles antiques et modernes, Poids des Indes, Figures Chinoises, en un très grand nombre d’Animaux et de Mineraux, drogs curieus quatre Volumes de Plantes des Indes, d’Oeufs de plus de cent sortes d’Animaux, et autres curiosites de differentes especes, que l’on voit dans la Chambre de Raretez de la Ville d’Utrecht sur le nouveau Canal dans l’Amonitie-huys, proche de l’Ecole Latine, avec sa Description : Le tout mis en ordre par Nicolas Chevalier suivant l’Octroi que lui en ont fait nos Seigneurs les Etats de la Province d’Utrecht et le venérable Magistrat de cette Ville.Enrichie d’un grand nombreDe Figures en Taille douce.Par Nicolas Chevalier. A Utrecht,Chès Nicolas Chevalier, Marchand Libraire et Medailliste, où l’on trouve toutes sortes de Medailles modernes à vendre. Anno 1712.

A Son Excellence

Jean Gomes da Silva,

Comte de Tarouca

Seigneur des villes de Ratouca, de Lalim, de Lazarim, de Penalva, de Gulfar, et de leurs dependances, etc. Commandeur de Villa Cova, du Conseil de Sa Majesté le Roi de Portugal, Mestre de Camp General de ses armées et son ministre plenipotentiaire au Congrés de Paix à Utrecht.

Monseigneur,

Je prens ici la liberté de presenter à Vôtre Excellentce mes Recherches d’Antiquitez, enrichies de figures, et accompagnées du Catalogue des pieces contenues dans ma Galerie d’Antiquitez. Cet ouvrage n’est pas encore dans toute sa perfection ; j’ai dessein d’y joindre un second volume ; Mais comme cela demande bien du tems et de la dépence je n’ai pas cru devoir attendre davantage à persenter à Votre Excellence cette premiere partie.

Le favorable accueuil, Manseigneur, dont il vous a plu m’honorer, semble m’avoir ouvert le chemin auprès de Votre Excellence pour lui presenter ce petit ouvrage ; et ce qui m’y a encore le plus enhardi, c’est la connoissance que j’ai avec le Public du plaisir et du goût que Votre Excellence trouve dans la Litterature et dans les beaux arts. C’est une espece de succession et d’heritage, Monseigneur dans vôtre Illustre Maison, dont vous soûtenez si dignement l’éclat en toutes manieres, puisqu’au manîment délicat et difficile des Negociations publiques vous joignez des Lumieres vives qui se répandent sur l’étude des sciences qui peuvent avoir le plus de rapport avec une Naissance aussi Illustre qu’est la vôtre. Je suis avec un très profond respect,

Monseigneur,

de Votre Excellence,

Le très humble, et très obéissant serviteur,

Nicolas Chevalier.

Préface.

Nous ne voyons guere de personnes, qui n’aient des inclinations particulieres pour quelque science. Les uns s’adonnant aux instrumens, les autres a la musique, et ainsi des autres sciences. Il est certrin que la connoissance de ces sciences et des arts, a été, presque de tout tems l’objet de la curiosité des plus beaux Esprits. Il ne s’est aussi guere passé de siecles, que les savans n’aient fait un ramas de Medailles Antiques et Modernes, et d’antiquites, et d’autres curiosites, et qu’ils n’ayent cherché aussi les Productions de la nature, faisant de ces recherches leurs occupations et leur delices les plus cheres. Aussi faut il avouër que ces occupations et particulierement celle des Medailles, ont quelque chose de bien plus noble, que celles des autres siences. Par les Medailles, outre la vie les moeurs, et les actions des plus grands hommes, dont elles nous font un portrait beaucoup plus vifes plus naturel que celui qui l’Histoire nous en peut donner, elles nous decouvrent encore plusieurs circonstances, que l’Histoire se sauroit mettre ou jour, ou du moins faire voir a fond. On ne connoit jamais, bien les choses par la Description qu’on en fait, que par une image sensible laquelle étant exposée à nos yeux, nous donne le moyen de considerer ces mêmes choses telles qu’elles sont au naturel, et c’est l’avantage que les Medailles, ont par dessus l’Histoire, quoique l’Histoire en soit le corps, par ce que les Medailles sont les preuves de toutes les Histoire. Il est vrai que l’Histoire nous est utile pour servir de commentaire, pour expliquer le sens des Medailles et des Inscription mysterieuses qui se mettent sur les Medailles, ce qui oblige la pluspart des curieux à joindre à leur Cabinet une Biblioteque.

Ne voyons nous pas, par ce qui regarde les productions de la nature que l’ont ne peut nier que toutes les Descriptions que l’ont en fait tent fidelles quelles soient ne nous en donnent jamais une si par faite connoissance, que la vûe, et l’examen qu’on en fait soi même, un object qui frape les sens fait une bien plus forte impression sur les Esprits que la simple lecteure. On void dans ce même object presque d’un coup d’oeil, tout ce qui ne peut être renfermé que dans des volumes entiers ; et cette vue donne des Idées beaucoup plus sensibles qu’un discours étendu, qui le plus souvent pour être d’un stile, ou trop diffus ou trop languissant, ne fait qu’une peinture imparfaite des choses, et n’en laisse, apres tout, dans l’Esprit du Lecteur, qu’une image ou fort confuse, ou fort legere cela joint, à mon inclination et à m’a passion dominante m’a obligé de faire une recherche d’Antiquites et de tout ce que produit la nature, sans epargnier ni m’a penne ni mes soins pour la perfection du dessin que je me suis proposé pour l’étabissement de la Chambre de raretéz, que je viens d’établir esperant avec le tems de la rendre plus curieuse afin de satisfaire les curieux qui viennent la visiter.

Avant que de finir ce discours je crois qu’il est à propos de faire une petite dissertation sur une Medaille frappée au sujet de l’etablissement de cette Chambre.

D’un côté de la Medaille, on voit un Saturne, ou le temps, qui detruit des monumens Antiques des Statues et des Inscriptions avec sa faux Autour on lit cette Inscription.

CUNCTA MIHI CEDUNT,

qui veut dire

Tout cede pour moy

dans l’Exergue

ERIGENTE ET DIRIGENTE NICOLAO CHEVALIERO ;

qui veut dire

Erigée et dirigée par Nicolas Chevalier.

[gravure de l’avers et du revers de la médaille]

REVERS.

Vous voyes un Curieux qui creuse dans des Ruines avec une bêche, et qui y trouve des Statues des Inscriptions, des urnes remplies de Medailles ; que la diligence recoit qu’elle donne ensuite à garder à la Minerve d’Utrecht la quelle nous fait entendre nos Seigneurs les Etats et le venerable Magistrat, par l’empressement quils ont d’orner leurs ville, dans toutes les occasions qui s’en presentent, comme ils viennent de le faire paroites par la permission de l’établissement de cette Chambre, et en ne cherchent que le bien et l’avancement de leurs sitoiens, ce qui nous est fort bien representé pas les urnes d’abondances qui est ou dessous de leurs armes, les quelles répandent avec influence toutes sortes de fuits. Au tour on lit cette autre Inscription

DILIGENTIA VICTRIX TEMPORIS

qui veut dire

La diligence victorieuse du tems.

dans l’Exergue

EX AUCT : ORDD : ET CIV TRAII.

KAL MAI CI ЭI Э CCVII.

Qui veut dire.

Par l’ordre des Etats et du venerable Magistrats d’Utrecht

le premier de May 1708.

Description de la Chambre de Raretez de la ville d’Utrecht.

Cette Chambre est un vaisseau demi ovale, long de vingt-quatre pas, et large de seize. La face, où sont les fenêtres, qui donnent sur le Canal, est exposée au Nord, et l’autre face au Sud. Le bout, qui est ovale, est à l’Orient, et l’autre à l’Occident. Elle a trois grandes croisées.

Vous trouvez sur la porte de la Chambre, avant que d’entrer, ces mots Latins, OCULIS SIT LICENTIA, PAX MANIBUS, qui font comprendre que les yeux ont toute permission, mais qu’il faut du repos pour les mains.

En entrant par la porte, qui est placée environ au milieu de la cloison, opposée à trois Alcoves, vous avez à main gauche une petite Bibliotheque, laquelle consiste en neuf planches, qui contiennent tous livres choisis, sur-tout les Ouvrages des celebres Auteurs, anciens et modernes, qui ont traité des Medailles antiques et modernes, des Metaux, et d’autres matieres curieuses, et des Manuscrits. De la Bibliotheque vous venez à une des croisées, qui est ornée sur les deux côtez de Barometres, de Thermometres, de Medailles, et de plusieurs petites Galanteries de verre, comme de Microscopes, d’un Globe ardent, d’un Instrument Mechanique et Physique pour montrer la difference de la pesanteur des liqueurs, de Metaux, et plusieurs autres de differentes sortes.

Dans une Caisse vitrée posée devant cette fenêtre vous voyez plusieurs Manuscrits Chinois et Japonois, écrits sur des écorces d’arbre ; la mesure de la vraye Croix venuë de Jerusalem ; un Calendrier Arabe, écrit sur du parchemin, de dix pieds de long, et très rare ; un autre, qui est un des premiers Almanachs qui s’est fait depuis que les Bataves sont devenus Chrêtiens du temps de Willebrod ; un autre contenant un Rouleau de quelques prieres Turques, et plusieurs Rouleaux et Livres de figures Chinoises ; une Fleche antique, que l’on peut voir dans la planche 35. figure 22 ; et plusieurs autres Curiositez, que l’on pourra trouver dans le Catalogue de ce que contient la Chambre. Entre cette fenêtre et l’autre on void plusieurs armes Indiennes propres pour les expeditions de terre, avec d’autres Instrumens servans à un canot du detroit Davis, et plusieurs armes à feu, et massuës, comme on verra dans la planche 18. figure 89. Sur l’autre croisée au milieu pend la figure du Tombeau de Mahomet, soûtenu par une pierre d’Aimant, comme on nous l’a voulu faire accroire, avec des Lampes. Sur les deux côtez il y a quatre colonnes de Medailles, des Tableaux de paille, d’autres écrits à la main, des Papiers coupez, des Peintures de miniature, et à l’huile, de très bon Maîtres. Entre l’autre croisée vous trouvez un Pupitre, qui est attaché au mur. Au dessus

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il y a six planches, sur lesquelles on a placé plusieurs figures, (comme on le pourra voir dans la planche 28. figure 155. 158. et 160.) des Pierres avec des Inscriptions, (comme on verra dans la planche 6. fig. 1. planche 7. fig. 8. et toutes les figures, qui sont dessus, planche 12. fig. 45. et 47.) des Urnes, des Lampes curieuses, et d’autres choses  de cette nature.

De là vous venez à la derniere croisée, où l’on void sur chaque côté deux colonnes de Medailles et de Tableaux. Entre cette croisée et le premier Alcove vous voyez un petit Cabinet vitré, attaché au mur, dans lequel on void six belles Pyramides d’yvoire, d’un travail fort delicat, et autres ouvrages de cette nature ; deux Oeufs, qui sont ferrez chacun de deux fers de cheval. Sur le Cabinet se voyent plusieurs figures. Au dessous pendent trois Miroirs des Indes, comme ils sont gravez dans la planche 31. figure 193. 194. et I95. avec des caracteres ; et plus bas il y a deux figures, posées chacune sur un piedestal. La premiere est un Sphinx. Les Egyptiens l’ont dépeint comme un Monstre, moité femme, et moitié lion, ou oiseau (comme celui-ci nous est réprésenté) qui habitoit dans les deserts et dans les rochers ; ces peuples poussoient si loin leur superstition, qu’ils prétendoient que cet Sphinx arrêtoit tous les passans pour leur proposer des énigmes, (tel que celui-ci, Quel animal c’étoit, qui marchoit à quatre pieds au matin, à deux à midi, et à trois au soir, entendant par-là l’homme en ses trois âges) et qui mettoit en pieces ceux qui ne pouvoient deviner son énigme. Quelques uns plus spirituels ont dit, que par cet Sphinx, partie femme, et partie oiseau, les Egyptiens designoient l’ame de l’homme, à laquelle ils donnoient une face humaine, parce que Dieu a fait l’homme, et qui ne peut être mieux comparé qu’au feu toûjours agissant, comme on lui void sur la tête une flamme.

La seconde figure est la Deesse Isis, qui nous est réprésentée allaitant son fils Horus, ou le jeune Harpocrate, à cause de ses grandes oreilles. Cette Deesse étoit en si grande veneration parmi les Egyptiens, qu’elle passoit pour la mere de toutes les choses sublunaires, qu’elle contenoit en soi les principes de toutes les generations, et fournissoit les alimens aux êtres créez. Elle étoit depeinte pour cette raison avec plusieurs mammelles, telle que nous l’avons, et que nous vous la donnerons dans son ordre et place.

Ensuite vous venez au premier Alcove du Cabinet. Sur vôtre gauche vous trouvez la figure du Dieu Osiris, sur un piedestal. Il étoit un des principaux Dieux de l’Egypte. L’on prétend que c’est le même qu’Apis, ou Serapis, qui a fait beaucoup de bien aux Egyptiens. Il s’en trouve très grand nombre de terre cuite, telle qu’est celle-ci. Ils sont fort communs,

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et on les trouve d’ordinaire dans les corps des Mumies, qu’ils remplissoient de leurs Idoles, pour les préserver des insultes des Demons, et de la corruption. Les Hieroglyphiques, qui y sont d’ordinaire réprésentez dessus, contiennent des éloges, qu’ils donnoient à ce Dieu, et qu’ils lui addressoient. Ils portoient d’ordinaire des fouëts dans les mains, pour signifier, qu’Osiris étoit le Soleil, auquel on donne des fouëts pour conduire ses chevaux. A l’autre côté se void la figure d’une Vestale, avec son pot, où elle gardoit le feu, qui étoit consacré ; si elle avoit le malheur de le laisser éteindre, on la faisoit mourir. Au milieu vous avez un Cabinet, sur lequel on doit faire peindre, quand il est fermé, les sciences et les arts qui s’occupent à la fabrique des Medailles et des autres monumens, sur lesquels on grave les actions des hommes illustres, pour en conserver la memoire. Cela nous est réprésenté en forme d’une Medaille, autour de laquelle on lit ces paroles,

SINGULARIS IN SINGULIS,

IN OMNIBUS UNICUS,

Ce qui signifie en François, Seul dans chaque chose, et unique en tout. Sur le piedestal on lit cette autre Inscription,

REPOSITORIUM NUMISMATUM AC INSTRUMENTUM AD EA SIGNANDA

PERTINENTIUM,

Ce qui signifie en François, Cabinet qui renferme des Medailles et les instrumens dont on se sert pour leur fabrique. Sur le Cabinet se void le Buste du Roi Guillaume III. et de la Reine Marie ; au milieu une croupe de marbre de l’enlevement des Sabines, comme on la peut voir dans la planche 19. figure 94. Quand ce Cabinet est ouvert,on y void peint un Balancier et un Mouton pour frapper les Medailles. Sur l’un des côtéz des portes paroit à droite la fable de cet homme qui faisoit tous les jours des prieres et des sacrifices à son Idole, dans l’esperance d’en recevoir du secours, et qui se fâchant enfin de n’en rien obtenir, la brisa avec un levier, et y trouva un thresor, qui le recompensa du culte qu’il avoit rendu inutilement à son Dieu de bois. Sur l’autre côté paroit l’Histoire, à qui l’on présente des Medailles, des Vases, des Urnes, et d’autres Pieces antiques, dont on a fait la decouverte. Ce Cabinet renferme les coins à frapper les Medailles, avec quelques tiroirs de Medailles modernes, et l’Histoire Metallique de Louïs XIV. Entre ce Cabinet et le grand Alcove, vous voyez sur un piedestal le Buste de Diane, à côté une Urne très belle appellée Phaleces, où les anciens Romains mettoient leurs huiles, comme on pourra la voir dans la planche 13. Au dessus se void une Horloge, qui marche sur une planche, qui va en penchant ; quand elle est en bas, on n’a qu’à la remettre en haut.

De là vous venez au grand Cabinet , qui est placé dans une Alcove. Il est peint en grisaille pour l’expedition de la delivrance de l’Angleterre. Il est separé en sept Parties, dont les quatre plus grandes, qui forment les quatre coins, contiennent l’Histoire Metallique de Hollande. Sur les deux côtéz sont des Medailles antiques, de bronze et d’argent. Dans le milieu il y a une espece de petit Cabinet, qui renferme l’Histoire Metallique du Roi Guillaume III. et de la Reine Anne. Au dessous dans le piedestal il y a deux tiroirs contenans quelques coquilles curieuses ; et plus bas, dans une cartouche, se lit cette Inscription,

INVEN. EXSTRUX. ORN.

NICOLAUS CHEVALIER

OLYMPIAD. D. CXVII. ANNI

AB URB. COND. M. M. CCCC. XXXXIII.

SAL. D. DC. XCI.

Sur le Cabinet se void un Atlas, qui a à ses deux côtez Democrite et Heraclite, l’un pleurant les folies

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du monde, et l’autre s’en riant. Democrite étoit fils du puissant Hegesistrate, homme si riche, qu’il donna à manger avec une magnificence surprenante à Xerxès et à toute son armée. Ce Philosophe courut le monde pour apprendre les Sciences, et étant de retour en son pays il se retira dans un jardin, afin de s’appliquer à la Connoissance des secrets de la Nature, et pour n’en être point detourné il se rendit aveugle, se brûlant les yeux en regardant fixement dans un bassin d’airain enflammé. Il mourut âgé de 109. ans. Nous lisons néanmoins dans L’Apologetique de Tertullien, que ce grand Naturaliste se fit perdre la vûe pour ne plus voir de femmes, parce qu’il les aimoit trop.

Au dessus du Cabinet, dans le fonds de l’Alcove, se voyent dans un cercle les douze Empereurs Romains en buste, et dessous chaque buste leurs Medailles, et dans le milieu des dits bustes se void une Sphere, et dans le milieu des six bustes un Globe terrestre et celeste. Dessus l’Alcove se void Hercule vainquant le geant Cacus. Sur les deux côtez se voyent deux Pyramides de verre très belles, à trois faces, qui sont un Barometre et un Thermometre. Sur une des colonnes de l’Alcove, à gauche, se void un Gladiateur. Il y en avoit de plusieurs sortes. Les uns étoient condamnez à combatre au milieu de l’arene, qui étoit faite exprès, où le peuple pouvoit voir les combats : d’autres étoient précipitez dans des lieux, où ils rencontroient plusieurs bêtes feroces, qui les mettoient en pieces, ou ils étoient engloutis par des feux, qui les consumoient. Ceux-là étoient appellez Gladiatores pegmatis, à cause qu’ils combattoient in pegmate, seu constructo tabulato. A ces sortes de spectacles il perissoit fort souvent beaucoup de peuple, à cause que la grande quantité de gens faisoit rompre l’Amphitheatre, sur lequel ils étoient placez.

Sur l’autre colonne se void Hercule, qui surmonte Briances Mauritain. Au dessous sur les colonnes se voyent plusieurs Medailles curieuses. Devant on void la figure de Pallas sur un piedestal, et à l’autre la figure de Mars. Au dessus de l’Alcove il y a trois planches, qui forment un cercle, sur lequel se voyent plusieurs figures, une Lanterne magique, des Cornes de rhinoceros, des Vases, le Buste de Guillaume I., un Tympanum Chinois, et plusieurs Bustes, et Fontaines. Au dessous l’on void le Portrait de leurs Altesses Serenissimes l’Electeur Palatin, et Madame l’Electrice, dont ils m’ont honoré, et au milieu un autre beau Tableau d’un très bon Maître.

A côté de l’Alcove il y a encore une Urne pareille à celle que nous vous avons expliqué ci-dessus. Ensuite vous avez le Buste de Venus Greque. De là vous venez au troisieme Alcove. A côté gauche vous voyez la figure d’Harpocrate, posée sur un piedestal. Cette figure est assès singuliere, à cause qu’elle ne nous est point réprésentée comme un enfant à l’ordinaire, mais comme un homme fait. Elle a au côté droit une grande oreille, en forme d’une corne, qui lui tombe jusque sur les épaules. Elle porte sur la tête une mitre à l’antique. Elle a les doigts sur la bouche, pour marque du silence, qu’on doit garder, après avoir reçû les secrets par une grande oreille, c’est-à-dire, avec attention, comme dit fort bien Ovide,

Quique premit vocem, digitoque silentia suadet.

A l’autre côté vous avez un autre Harpocrate, qui étoit le même que Horus parmi les Egyptiens. Il étoit reconnu pour le Dieu du silence, en signe dequoi il avoit les doigts sur la bouche. Ces peuples ont dit une infinité de choses mysterieuses de ce Dieu. Le celebre Monsieur Cuper, Deputé aux Etats Generaux, en a fait, il y a quelques années, un Livre entier. Ce sçavant homme croid que cet Harpocrate, ou Horus, étoit fils d’Isis et d’Osiris, et qu’il étoit pris pour le Soleil levant. Sur le Cabinet vous voyez le Buste de

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Britannicus, de marbre blanc, avec deux Urnes sur ses deux côtez. Un peu plus bas vous voyez deux autres figures de Cybele, ou d’Isis. Cybele est connuë parmi les Romains, et Isis parmi les Egyptiens. Nous vous en avons dit quelque chose ci-dessus sur celle qui allaite son fils Horus, qui étoit pris pour le Soleil levant, à cause de la flamme, qui paroit sur la tête de sa mere, et l’herbe Lotus, qui croit dans le Nil. Elle a au milieu une grosse tête, comme un pavot. Ces deux-ci sont d’une autre forme ; elles ont une couronne de tours sur la tête, avec un grand voile, qui leur pend sur les épaules. Deux Sphinx, qui étoient le symbole de la prudence, tiennent un feston, qui lui embrasse la gorge, sur laquelle elle a un Cancer. Dessous ces festons vous y voyez une vingtaine de mammelles, qui nous denotent, qu’elle étoit la Deesse de la Terre et du Ciel. Dessous ces mammelles se voyent cinq Bas-reliefs. Le premier nous la fait voir avec plusieurs animaux, à qui elle tend les bras, et à ses pieds sont deux Lions, qui nous marquent ses amours furieuses, qu’elle avoit pour Atys. Dans le second on void un Cerf, un Boeuf, et une Biche, qui se reposent à l’ombre d’un chêne, qui est ordinairement consacré à Jupiter. Le troisieme est un sacrifice. Le quatrieme contient plusieurs Insectes, et deux Dauphins. Le Dauphin est le symbole des XV. viri deputez pour garder ses oracles, et pour les consulter. Le cinquieme est aussi rempli d’Insectes et de Serpens, symbole de la prudence. Elle tient de la main droite un Croissant, et de l’autre un Globe. Tous ces types sont singuliers et mysterieux, et nous denotent, qu’elle est la mere de toutes choses. Sur le piedestal se lit cette Inscription Greque, ΦΥCIC ΠΑΝΑΙΟΛΟC. La seconde est la même figure, avec d’autres Hieroglyphiques du Ciel et de la Terre. On lit à ses pieds cette autre Inscription Greque, ΦΥCIC ΠΑΝΑΙΟΛΟC ΠΑΝT. MHT. Les Grecs l’appelloient IO, les Egyptiens Isis, et les Romains Cybele, sçavoir la Terre, ou la Nature. Les Egyptiens l’ont mariée avec Osiris, comme nous l’avons deja dit, à cause qu’il étoit le Soleil, pour la rendre plus feconde et la mere de toutes les productions, qui se forment en son sein, comme nous le disent fort bien Plutarque et Apulée. Isis (dit Apulée) rerum natura parens, omnium elementorum domina. Macrobe nous dit aussi, nec in occulto est, neque aliud esse Osirim quam Solem, nec Isin aliud esse quam Terram, (ut diximus) Naturamve rerum. Elle étoit adorée par-tout, et elle étoit la Deesse tutelaire de la ville de Paris, durant le Paganisme. Ste Genevieve pourroit bien avoir pris sa place, puisqu’elle est à présent la Sainte tutelaire de cette même ville. Elle étoit réprésentée sous differentes figures, comme j’en ai de plusieurs sortes. Suivant les endroits, on l’appelloit Mere de Dieux, comme Tellus, Ops, Proserpina, Isis, Cybele, Rhea, Pandora, Berecynthia, Philene, Dindymene, et Pessinuntica. Elle étoit fille de Protogone, qui signifie le premier né. L’on prétend qu’elle étoit une Reine d’Egypte, et qu’elle regnoit avec le Roi Osiris, au temps des premiers Israëlites. Tacite nous l’insinuë Hist. lib. V. par ces mots, Regnante Iside, exundantem per AEgyptum multitudinem Judaeorum in proximas terras exoneratam ferunt. L’on prétend qu’elle étoit une Deesse d’un très grand esprit et d’un grand courage pour entreprendre les choses les plus difficiles. Elle fit construire un vaisseau pour voyager, dans lequel elle alla jusque dans les pays les plus éloignez et les plus barbares, comme les Gaules, l’Allemagne, et la Suabe. Tacite nous dit encore, qu’elle y penetra, et que n’y ayant rencontré que des peuples fort grossiers et fort sauvages, elle leur apprit à cultiver la terre, et à y semer du bled. Elle fut en si grande veneration parmi ces peuples de la Suabe, qu’ils crurent, que c’étoit la Deesse de la Terre, à

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qui ils étoient redevables de leur avoir appris l’agriculture et l’exercice d’une Religion, qu’ils avoient jusqu’alors ignorée. Voici les paroles lib. de Moribus Germanorum : Pars Suevorum et Isidi sacrificat. Unde caussa et origo peregrino sacro, parum comperi, nisi quod signum ipsum in modum liburnae figuratum docet advectam religionem. Ce même Historien remarque encore, que les Allemans de la Suabe l’adoroient sous la forme d’un vaisseau, en memoire de celui qui l’avoit apportée dans leur pays. Nous avons des Medailles de Julien l’Apostat, où on la void dans un vaisseau. Il se void des figures, qui portent un vaisseau sur la main ; ce qui fait dire à Diodore, et à Apulée, qu’elle présidoit en mer ; et Apulée lui fait dire, Navigabili jam pelago, rudem dedicantes carinam, primitias commeatus libant mei Sacerdotes ; comme si elle avoit trouvé la premiere l’art de naviger, ou au moins de se servir de voiles. Au dessous se void la tête d’un Dromadaire. Ce Cabinet ne renferme que des Medailles antiques.

Un peu plus loin vous trouvez la figure du Dieu Anubis. L’on réprésente toûjours ce Dieu avec une tête de Chien. Il étoit adoré des Egyptiens sous cette figure. Nous voyons que Virgile vers la fin du VIII. livre de son Eneide l’appelloit latrator Anubis. Il y avoit une ville, où il étoit en très grande veneration, laquelle étoit pour cette raison appellée Cynopolis, ou la Ville des Chiens. Les anciens Romains l’honoroient sous le nom de Mercure. Ils le réprésentoient, comme les Egyptiens, tenant en sa main gauche un Caducée et en sa droite une Palme. Apulée rapporte, que les peuples Orientaux le peignoient avec la tête d’un Chien, sur leurs Mumies et sur leurs Pyramides, pour marquer la subtilité de Mercure, d’autant qu’il n’y a pas d’animal plus adroit et plus agile que le Chien. Diodore de Sicile apporte une raison de cela, qui me paroit plus vrai-semblable, quand il nous dit, qu’Anubis accompagna son pere Osiris à l’armée, où il donna de si grandes preuves de sa valeur et de son grand courage, qu’on le mit après sa mort au nombre des Dieux, et qu’on le peignit avec une tête de Chien, symbole de la fidelité, parce qu’à l’armée il portoit pour enseigne cet animal, et que les Egyptiens l’honorent sous cette figure, pour donner à entendre, qu’il avoit été le fidèle Gardien de son pere. Tertullien en fait mention dans le chap. VIII. de son Apologetique. Il le nomme Cynocephalos, à cause de sa tête de Chien. Et St. Augustin rapporte dans le chap. XIV. du II. livre de la Cité de Dieu, que les Romains l’avoient reconnu pour Dieu, disant, que Pluton meritoit bien d’être préferé à Priape et à Anubis. Voici comme il le rapporte  : Certe vel Priapo, vel alicui Cynocephalo, postremo vel Febri, quae Romani numina partim peregrina receperunt, partim sua propria sacraverunt. Lucain est aussi du même sentiment ; ce qui fit, que Sedulius Prêtre se mocquoit des anciens Romains, de ce qu’ils adoroient des Dieux, qu’ils fabriquoient eux-mêmes. A côté de ces Dieux vous voyez la figure de Vespasien, de marbre, entiere, qui tient de sa main gauche le bâton de commandement, et de l’autre il semble qu’il la veut poser sur un Trophée de toutes sortes d’utensiles, dont on se sert dans les sacrifices. C’est une très belle figure. Au dessus, entre ces deux figures, vous avez un Bas-relief très beau, de marbre, de la chute de la Manne dans le desert en faveur des Israëlites, et sur le côté l’armure du poisson appellé Pristis ou Serra. Au dessus se void un Bassin de verre bleuatre, qui a été trouvé dans la maison de Britten, et plus haut vous avez la peau d’un Mandarin.

De là vous venez au quatrieme Alcove, dans laquelle vous trouvez sept planches emplies de figures, d’Urnes (comme vous le verrez dans la planche 7 figure 10. 11. 12. dans la planche 13. figure 53. et dans la planche 15. figure 65. 67. 69. 70. et 71. ) d’un

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Couloir, et de Vases antiques, dans lesquels on conservoit l’encens et les drogues pour parfumer les entrailles des bêtes, qu’ils vouloient conscacrer. Vous y voyez des Roses de Jericho, des Mouches des Indes, plusieurs Poissons curieux, et des Pommes de la montagne du Liban. Vous y voyez une figure de Venus, avec celle de Junon, qui est gravée dans la planche 23. figure 115 . Il me semble, que celle-ci, suivant sa figure, est celle qui présidoit aux nôces, sous le nom de Juno Pronuba, à cause qu’elle étoit enveloppée presque à demi corps d’un grand voile, qu’on appelloit Flammeum. Cette figure est de marbre de Corinthe, très rare. Vous avez plusieurs Vases, qu’ils appelloient Praefericula, qui servoient dans les sacrifices. On la trouve dans la planche 12. figure 46 . Vous avez encore deux belles figures de marbre, dont l’une réprésente Rome assise sur un Trophée, et l’autre réprésente la Deesse Salus, très belle. Vous voyez le Buste de marbre d’une figure inconnuë, et vous avez ensuite une autre figure très rare, de marbre de Corinthe, des trois Graces, qui se tiennent par la main, et qui renferment un poteau derriere elles. Les Poëtes les font filles de Jupiter et d’Eurynome, et d’autres disent qu’elles doivent leur naissance à ce Monarque des Dieux et à Venus. Les Grecs nomment ces trois Deesses Charites, dont la premiere s’appelloit Aglae, qui signifie Joye, la seconde Euphrosyne, qui veut dire Gayeté, et la troisieme Thalia, qui signifie Beauté et Bonne grace. Elles sont au nombre de trois, pour donner à connoître, que pour un plaisir il faut en rendre deux, et c’est ce que les Peintres et les Sculpteurs nous veulent faire entendre, lorsqu’ils peignent une de ces Graces tournant le dos, et les deux autres montrans leurs visages. La premiere signifie le plaisir qu’on a fait, la seconde celui que l’on reçoit, et la troisieme celui qu’on rend. Elles sont auusi réprésentées nuës, jeunes, ayans le visage riant, et se tenans la main, pour nous apprendre, qu’il faut obliger ses amis avec sincerité et sans aucune dissimulation, que la memoire des bienfaits ne doit jamais vieillir, et qu’elles doivent être accompagnées de la joye, et se suivre les unes les autres par un enchainement perpetuel. Lorsque les Poëtes mettent les Graces en compagnie de Venus, ils les considerent comme les Deesses de la beauté et de la bonne grace. La premiere (à ce qu’ils disent) reside dans les yeux, qu’elle rend fins et brillans ; la seconde a son siege sur la bouche, qu’elle embellit, et sur la langue, à qui elle donne tous les charmes de la douceur ; et la troisieme fait sa demeure dans le coeur, qu’elle remplit de tendresse et de beauté. Ils les font aussi compagnes des Muses et de Mercure, Dieu de l’Eloquence. Vous les voyez dans la planche 22 . figure 111.

A côté se void en bronze la figure de St. Jean. Au dessus deux Cupidons de marbre, à demi nuds ; plusieurs figures d’Isis, avec des caractères Hieroglyphiques ; deux Lampes, une de la figure d’un Chien, qui étoit d’ordinaire consacré à Diane, et l’autre la figure d’Arion, qui se sauve sur un Dauphin. Vous les voyez dans la planche 18. fig. 86. Vous voyez deux Dieux marins, un de bronze, et l’autre de marbre. On donne à celui de bronze trois noms, sçavoir Melicerta, Palaemon, et Portumnus ; il nous est réprésenté couché sur une natte d’eau ; sa figure en Dieu marin. Celui de marbre tient un gouvernail ; on le réprésentoit aussi sous la figure d’un enfant assis sur un Dauphin ; ceux-là nous marquent les Jeux Isthmiques, qui furent instituez par Sisyphe, à l’honneur de Melicerte. L’un réprésente le Tibre, et l’autre l’Euphrate. L’on void deux Ibis, que l’on prétend ne se trouver qu’en Egypte, où ils sont en très grande quantité, detruisans les troupes des Serpens ailez, qui y viennent des deserts de l’Arabie. Quand ils sont malades, ils vont à la mer, et se donnent eux-mêmes un

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clystere. On prétend que c’est de là qu’est venu l’usage du clystere. L’Ibis étoit consacrée à la Lune, comme Elien nous l’apprend au liv. 2. chap. 38 des Animaux ; et comme Isis étoit la Lune, (à ce que nous rapporte Plutarque entre autres pag. 372. et 377. de son Traité d’Isis) il faut conjecturer de là que cet oiseau a été aussi consacré à cette Deesse. Le même Elien au liv. 10. chap 29. dit, que l’Ibis étoit aimée de Mercure. Martianus Capella la met aussi entre les marque ou les insignia ou argumenta de ce Dieu au liv. 2. pag. 42. Et Platon dans son Phedre pag. 240. nous apprend, qu’elle étoit dediée par les Egyptiens au Dieu Teuth, qui étoit le même que Mercure, à ce que Ciceron au liv. 3. de la Nature des Dieux et Eusebe pag. 219. de la Préparation Evangelique le temoignent. Voyez la planche 18. fig. 90. L’on void un Terme d’un Satyre, la figure de Cybele, de Neptune, de Cerès, qui étoit fille de Saturne et d’Ops, la figure de Minerve, de Diane, d’Esculape, Dieu de la santé. C’est lui le premier qui a trouvé le chemin aux hommes pour la Medecine et qui l’a mise en pratique. Le Serpent lui a été consacré, symbole de la prudence, comme il en faut avoir beaucoup pour la pratique de la Medecine. Il chercha inutilement pour sçavoir les moyens de se rajeunir. Ensuite vous voyez la figure de la Santé, de Saturne, d’un petit Harpocrate, et de la Deesse Angerone, que les anciens Romains reveroient comme la Deesse tutelaire du silence, de même qu’Harpocrate ; plus la figure d’un Sacrificateur ou Prêtre Egyptien, plusieurs Kannes de la Comtesse Jacoba, une figure extraordinaire d’une femme, qui se bouche la bouche d’une main, et de l’autre son derriere. Sur la derniere planche se void la figure du Buste de la Reine Artemise, qui est posée au milieu de la planche ; on la nomme la Reine des femmes, parce qu’il n’y en a point eu qui ait aimé son mari avec autant de tendresse qu’elle cherissoit le sien. Elle étoit Reine de Carie, et femme de Mausole. Après la mort de ce Prince elle lui fit élever un tombeau si magnifique et enrichi de tant d’ornemens, qu’il a passé pour une des sept Merveilles du monde. Depuis ce temps-là tous les monumens de cette nature ont été appellez Mausolées. L’Histoire nous rapporte, que cette Reine avala les cendres de son mari, après les avoir mêlées dans du vin, et qu’elle établit pour les Sçavans, qui travailleroient à l’éloge de ce Roi, un prix, qui fut remporté par Theopompe. Vous en voyez la figure dans la planche 19. fig. 96.

Sur le côté de cette Alcove vous voyez sur un piedestal la Justice. Entre cette Alcove vous voyez sur une Tablette, attachée au mur, cinq planches ; au dessous se void un Bas-relief de Ciceron, de marbre, très rare. A côté vous avez un petit Cabinet vitré, dans lequel on void deux bras d’une veritable Mumie, enveloppée de ses linges odoriferans ; plus un pied, et une main, avec plusieurs doigts de Mumies, et la figure de la Montagne des sables mouvans de l’Arabie. Voyez la planche 31. fig. 191. et 192. Et sur une petite planche se void la pierre Amianthus. C’étoit de cette pierre que les anciens Romains tiroient leur filasse pour faire leur linge incombustible. Vous voyez cette filasse et le linge dans le même Cabinet ; il y a aussi du pain du pays de Lapland. Sur ce Cabinet vous voyez un More d’yvoire, qui est couché sur un tombeau, sur lequel on lit, MEMENTO MORI. A côté de ce Cabinet on a un Tableau du jugement de Paris.

Sur la premiere planche de la Tablette se voyent plusieurs figures, des Urnes, l’épreuve d’un Cordonnier des Indes, qui est un escarpin très curieux. Sur la seconde on trouve des Vases, des Phioles lachrymales de metal, la figure de Phoebus, des Vases de terre sigillée, la figure de Mars, une Vestale, un Cochon de metal, et un petit Cupidon. La troisieme contient de très beaux Vases de terre rouge, trouvez

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dans le Château de Britten, proche de Leide. (Voyez la planche 6. fig. 2) Plus neuf figures de Sauteurs Chinois, très curieux, de bronze, et de bois. Sur la quatrieme planche il y a douze Pyramides de mineraux avec un homme au dessus, de differentes façons, comme ils travaillent dans les mines. Elles sont entremêlées de plusieurs Phioles ; dans une se voyent un Chameleon, une Main d’un enfant, un Poisson volant ; deux autres contiennent la figure d’un Alcyon mâle et femelle. Sur la cinquieme planche se void la figure de Scaramouche, de verre, très bien faite ; plus trois figures de Prêtres du Japon, et d’un gueux, trois Bouteilles, où se voyent plusieurs Serpens des Indes conservez dans de l’esprit de vin ; une autre, où se void un morceau du lard d’une petite Baleine, qui fut prise dans le Zuyder-zee, que j’ai coupé moi-même ; une autre d’une Couleuvre des Indes, d’une Hagedisch, d’une autre sorte de Chameleon. A côté se void la figure d’un Arlequin de verre. Au dessus de ces planches se voyent deux Tableaux de fleurs peints par Monsr. Schovill, Chanoine de St Denis à Liege. Au milieu un Tableau de Galatée assise sur un Dauphin. Sur le côté gauche de la tablette se void attachée au mur une Sandale ancienne, une Dent d’élephant, une Ruche de mouches de Surinam très curieuse, un Brasselet d’yvoire des Indes. A l’autre côté une Couronne faite de pieces de bois enchassées l’une dans l’autre, de sorte qu’il n’y a que la derniere piece qui les lie toutes ensemble, une autre Ruche de mouches, un autre Brasselet, deux Machines, sur lesquelles les Chinois comptent d’une très grande vitesse. Au dessous, sur le plancher, sur un piedestal, se void une Bacchanale de Bacchus, très curieuse ; au côté se void la figure d’une Matrone de Rome, de marbre.

Ensuite vous venez au cinquieme Alcove, qui est rempli de 8. planches garnies d’Urnes, d’Amphores, de Prefericules. (Voyez la planche 14. fig. 60. 61. 63 et 64. planche 12. fig. 42. et 44. planche 15. fig. 66. sur une on lit dessus LIVIA) de Vases, où ils conservoient l’encens et autres drogues pour parfumer les entrailles des bêtes, qu’ils consacroient ; d’autres, dans lesquels ils mettoient l’eau lustrale ; d’autres de metal d’une mesure, sur laquelle on lit cette Inscription,

IMP. CAESARE. L. SEPTIMO

SEVERO. COS……

MENSURAE EXACTAE

IN CAPITOLIO.

Voyez la planche 9. fig. 19. Il pend après la premiere planche d’enbas plusieurs curiositez. Vous voyez la figure d’Hercule en trois façons  ; (vous en verrez une dans la planche 23. fig. 113 ) un Mercure très rare, qui n’est pas encore connu dans aucun Auteur ; un Jupiter, tenant ses foudres de la main droite, et de l’autre la figure d’une Suppliante, et au dessus la figure du Destin, qui tient un marteau avec un cloud, aussi très rare ; un Auguste, qui est debout sur un globe ; un Consul Romain ; deux figures Gothiques ; (Vous en verrez une dans la planche 31. fig. 184 ) deux Miroirs ardens ; deux figures de femmes, qui se peignent d’une main, et qui tiennent de l’autre un miroir ; une figure d’une Mumie de terre  ; plusieurs Cachets de terre ; (comme on les pourra voir dans la planche 26. figures 136. 138. et 139. planche 27. fig. 145. jusques à 153. inclusivement) des Gladiateurs ; la figure d’un homme avec une grande barbe, qui a des ailes à ses oreilles, qui pourroit bien être le Temps, comme nous l’a fort bien decrit Monsr. Cuper dans son Apotheose d’Homere, et dans son Harpocrate, que ces deux choses sont des signes de ces Divinitez Payennes ; plus la figure de Mars, trouvée à Nimegue ; (Voyez la planche 28. fig. 162. ) plus un petit Atlas de metal, avec un globe ; deux Pierres de porphyre, dont les couleurs forment un globe naturel ; un Cupidon prêt

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à decocher sa fleche ; trois autres Cupidons ; deux figures du Philosophe Confucius ; (Voyez la planche 25. fig. 124. ) la figure d’un Philosophe ; un très beau Vase de marbre, appelé Préfericule ; un Autel Chinois de la figure du Destin ; deux Lampes extraordinaires ; la figure de Venus, qui tient la pomme, que Paris lui donna ; le Dieu Canope ; deux Lampes de la figure d’un Sphinx. (Voyez la planche 18. fig. 91. ) Quoique je vous aye deja parlé du Sphinx, je ne laisserai pas d’en toucher un petit mot en passant, à cause de la rareté de la Lampe. Nous vous avons rapporté, comment il étoit fait. Les Egyptiens lui font rendre des Oracles, parce qu’ils étoient abusez par leurs Prêtres, qui faisoient rendre l’Oracle à un Sphinx monstrueux, qui étoit proche de la rive du Nil et de la grande Pyramide ; ils avoient creusé un trou par dessous ce Sphinx, où il étoit placé, qui aboutissoit au ventre et à la tête, et où le Prêtre étant placé par dessous rendoit reponse à ceux qui venoient consulter l’Oracle, contrefaisant une très grosse voix, qui s’augmentoit dans la concavité interieure de cette figure, et qui ne trouvant point d’autre issuë qu’une large bouche, il en sortoit avec grand bruit, et ces pauvres incredules demeuroient tous en extase, de frayeur d’entendre une voix terrible de cette prétenduë Divinité ; ce qui les confirmoit dans la fausse veneration, qu’ils avoient pour elle. Il s’en rencontroit souvent sur des monumens Egyptiens, que l’on mettoit souvent devant ou dedans les temples, pour marquer leur Theologie, qui étoit obscure, énigmatique, et pleine de mysteres. Ils la depeignoient en deux manieres, à cause du sens allegorique, qu’ils lui donnoient, ou sous la figure d’un Lion placé sur un lit de justice, ou sous la forme d’un Monstre, qui avoit le corps d’un Lion et le visage d’une Vierge. La premiere réprésentoit MOMPHIA, Divinité Egyptienne, qui commandoit sur les eaux, et qui étoit comme la directrice du debordement du Nil. La seconde marquoit l’accroissement de ses flux. Ces figures, suivant mon opinion, ne sont pas une preuve, que ces peuples ayent crû, qu’on trouvoit de semblables animaux en quelque endroit du monde, mais qu’ils ne les prenoient que pour des emblemes et des caracteres sensibles, qui exprimoient leurs pensées, et que ce nom de Sphinx ne peut signifier autre chose, que l’état, où le Nil se trouvoit, lorsqu’il se debordoit dans l’Egypte, et que ses inondations arrivoient au moins de Juin et de Juillet, lorsque le Soleil parcourt les signes du Lion et de la Vierge ; de sorte qu’étans naturellement portez à faire de ces sortes d’unions monstrueuses, ils n’eurent pas de peine à s’imaginer une pareille figure, rampante sur terre, et composée des parties d’un Lion et d’une Vierge, et pour denoter, que le Nil mettoit leurs campagnes sous l’eau, lorsque le Soleil parcouroit ces deux signes. Les Grecs le réprésentoient avec des ailes ; c’est de là que Stace livre 2. de sa Theb. 505. l’appelle alitem, et qu’Ausone l’a mis entre les Portenta tricorpora, dont il fait cette description  :

Terruit Aoniam volucris, leo, virgo, triformis

Sphinx, volucris pennis, pedibus fera, fronte puella.

L’on void pourtant dans la Table Isiaque de Pignorius, et sur une Medaille d’Auguste, frappée dans l’Egypte, (comme il paroit par le L.B. c’est-à-dire ΑΥΚΑΒ.B.  en Latin Anno II.) un Sphinx ailé, quoique tous les Auteurs anciens nous disent, que les Egyptiens l’ont réprésenté sans ailes ; mais celui-ci n’a ni la tête d’une Vierge, ni les pâtes d’un Lion ; au contraire il est fait d’une tête d’homme à barbe, et les pieds sont d’un boeuf, ou de quelque autre animal. C’est pourquoi je crois, que ce pourroit bien être un Cepus, ou Κηπος, dont parle l’illustre Monsr. Spanheim à la pag. 214. de ses sçavantes Dissertations.

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Ensuite vous voyez la figure d’une Hyaena ; je ne sçai à quelle Divinité Payenne elle fut consacrée. C’est un animal d’Afrique et de Syrie, dont Aristote et Pline font la description. On la void sur une Medaille de l’Empereur Philippe, comme le rapportent les illustres Messieurs Spanheim et Mediobarbus : mais j’aurois souhaité d’en voir les ectypes, pour les conferer avec ma figure ; au reste il se peut faire, que cette bête ait été premierement vûe à Rome dans les Jeux Seculaires de cet Empereur, et comme les superstitions Payennes commençoient à ceder à nôtre sainte Religion, il est à croire, que cet animal fut mis sous la protection de quelque Dieu, et d’autant plus qu’il étoit sale et vilain, suivant ce que nous dit St. Jerome sur Jerem. Chap. 13. Vivit cadaveribus mortuorum, et de sepulcris solet effodere corpora ; ce que confirme le même sur le chap. 65. d’Esaïe, et Aristote 8. 5. des Animaux ; comme aussi Pline 8. 30. de son Histoire Naturelle. Je crois que son Altesse Electorale ne sera pas fâchée de ces petites Remarques.

Puis vous voyez une Deesse Egyptienne avec des Hieroglyphiques, le Genie du monde, qui a sur la tête une tiare en forme d’un boisseau, qui est la figure ordinaire, qu’on lui donne. Il porte un Timbre d’un pennache, qui est surmonté d’un Globe, pour nous marquer la grande incomprehensibilité de l’Esprit de Dieu sur le monde sensible. La sublime connoissance de Dieu nous est fort bien réprésentée dans son habillement, qui est caché d’un voile impenetrable à l’esprit humain, n’ayant point de separation à ses pieds, à cause qu’il est immobile et indivisible en soi, quoique toûjours en action. Nous lisons dans Heliodore liv. 3. fol. 148. que l’ame de Dieu est immortelle, et figurée en marchant, non pas qu’il ait une marche ordinaire, mettant successivement un pied devant l’autre ; mais parce qu’il fend les airs avec impetuosité, laquelle se doit plûtôt appeler une penetration, qu’un passage. C’est pour cette raison, que les Egyptiens ne donnent point de pieds à leurs Dieux. Ce Genie est accompagné de deux figures d’Anubis. Sur ses deux côtez, et à ses pieds, il y a deux Chiens, symboles de la fidelité. Vous voyez une Main de bronze d’un sacrifice fait à Serapis, un Buste de Jules Cesar de bronze, deux Lampes antiques, avec un Chameleon dessus. Nous vous ferons une petite description du Chameleon, qui est un mot Grec, qui signifie un petit Lion. Il pourroit bien être, que l’on lui a donné ce nom à cause de sa queuë retroussée comme celle du Lion. Il s’en trouve beaucoup du côté du grand Caire, et dans l’Egypte, dans les hayes et les arbrisseaux, qu’on appelle Burg-épines. Ils ont quelque ressemblance avec les Crocodiles. Leur difference est dans la couverture de la tête, dans la langue, dans les yeux, et dans les alimens, dont ils se nourrissent. Ils ne rampent point sur le ventre, mais marchent à quatre pieds. Ils ont leur tête à-peu-près semblable à celle d’un pourceau, ou plûtôt à celle d’un belier, en ce qu’elle finit en pointe. Ils n’ont point les yeux couverts de paupieres, et les tournent où ils veulent. Ils sont fort lourds et paresseux. Il semble qu’ils n’ayent point de sentiment, si non que, quand ils veulent manger et qu’ils tirent leur langue, alors ils sont prompts et agiles. Ils detruisent beaucoup de moucherons, de sauterelles, de chenilles, et de vermisseaux. Ils n’ont point de dents, mais ils ont un grand os le long de la machoire, coupé en forme de scie ; cependant ils ne s’en servent point, parce qu’ils ne font qu’avaler, sans mâcher. Ils ont le col fort court, de sorte qu’il semble que leur tête et leur poitrine se tiennent ensemble. Ils n’ont ni rate, ni vessie, parce qu’ils ne boivent jamais. Ils dechargent tous leurs excremens par derriere, comme les oiseaux. Leur dos est couvert d’une peau dure, forte, écaillée, et heris-

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sée de quelques épines. Leurs pieds ressemblent à ceux des Singes. Ceux de devant ont trois doigts tournez en dedans, et deux en dehors ; ceux de derriere, tout au contraire, avec des griffes crochuës, dont ils se servent pour empoigner, comme les Singes. Leur marche est fort plaisante ; lorsqu’ils approchent les deux pieds du côté gauche, ils éloignent ceux du côté droit, et au contraire, lorsqu’ils approchent ceux du côté droit, ils éloignent ceux du côté gauche. Ils font cela d’une maniere si ridicule, que l’on ne peut les voir sans rire ; mais ils grimpent sur les arbres avec tant de rapidité, qu’on diroit qu’ils volent. Ils se pendent fort adroitement aux branches par leur queuë, comme par un croc, afin de se tenir dessus. L’on peut conclurre de là, qu’ils se tiennent plus souvent sur les arbres, qu’à terre. Pour leurs yeux, ils sont admirables par-dessus ceux des autres animaux ; ils les ont comme deux jumeaux, qui n’ont que le même mouvement, et qui regardent tous deux du même côté ; mais, quand ils veulent, ils en donnent deux divers mouvemens, tenans l’un fixe, et l’autre ils le tourneront comme il leur plaira ; de l’un ils regardent en haut, et de l’autre en bas : il faut rire, quand ils en tournent un du côté du dos ; ainsi ils peuvent voir par derriere et par devant. Ils se nourrissent d’une maniere surprenante, ne prenans pas du bec, comme les oiseaux ; ils ne ruminent pas, comme les Boeufs et les Chevres ; ils ne succent pas, comme les Lamproyes et les Sangsues ; ils ne mâchent pas, comme la plûpart des autres animaux ; mais ils tirent la langue, et avalent les morceaux, avec tant de subtilité, qu’il y a de la peine à les voir ; quand ils cherchent à manger, ils tournent les yeux de tous côtez, l’un en bas, et l’autre en haut, tantôt par derriere, et tantôt par devant ; s’ils decouvrent quelque chose, ils tiennent les yeux fixes sur l’objet qu’ils ont decouvert, et ouvrent leur gueule, et tirans leur langue d’une demi-paume de long, ils attrapent leur proye sans y manquer. Leur langue est renfermée dans un tuyau creux, tout charnu et spongieux ; le long de ce canal regne un nerf beaucoup plus étendu que la corde d’un violon, qui prend son origine de l’os de leur langue ; cet os dans ces animaux n’est pas comme dans les hommes ; il est creux, et de la longueur de la langue, afin de leur servir d’étui, quand ils retirent leur langue, qui s’étend par le moyen des esprits animaux, qui y coulent, et le nerf la fait rentrer, lorsqu’elle est chargée de mouvement et de vermisseaux. Au bout de leur langue ils ont une glande visqueuse, pour tenir leur proye ; ce qui detruit le sentiment de ceux qui veulent, que ces animaux ne vivent que d’air. Le sentiment de ceux qui veulent, qu’ils se changent en toutes sortes de couleurs, n’est pas vrai. Pancirolle Romain, dans son Anatomie du Chameleon, nous dit, que la couleur naturelle de cet anmal est cendrée, et que les differentes passions du froid et du chaud sont les seules causes, qui y apportent quelque changement ; par exemple, quand il est chaud, il devient tant soit peu grisatre, et sa peau est d’un gris cendré ; mais sa couleur naturelle est toûjours la cendrée, comme on le pourra voir par celui que j’ai, et qui lui demeure après sa mort. Cet Auteur dit, que ceux, qui croyent autrement, se trompent beaucoup, assûrant qu’il est impossible, qu’ils puissent prendre les couleurs des objets, qui les environnent, et que ce n’est autre chose que le mouvement du coeur ; c’est donc le froid et le chaud, qui produisent ces changemens, parce que, comme il a peu de sang et de chair, il est fort sensible à l’un et à l’autre.

Vous trouverez diverses Lampes dans la planche 18. fig. 88. et la figure du Chameleon au naturel, dans la planche 33. fig. 201. De plus on void un Vase, ou une Urne, avec la figure d’Isis. Outre cela deux Lampes posées sur un Cerf, qui est consacré à Diane, et

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en même temps la marque de la ville d’Ephese ; ce qui pourroit avoir été quelque consecration, que l’on auroit faite à Diane dans cette ville. Certaines Lampes se voyent dans la planche 18. fig. 92. qui ont été trouvées dans le château de Britten, duquel vous voyez le plan dans la planche 5. Plus le Buste d’Auguste en bronze, et celui du Philosophe Solon, un des sept Sages de Gréce, natif de Salamine, et grand Legislateur des Atheniens. On lui attribuë l’institution de la cour de l’Areopage. Ce Sage disoit, qu’on ne pouvoit appeler personne heureux avant sa mort.

Ensuite vous voyez un Enfant de bronze, fait par le celebre du Quesnoy, et le Buste de Caton le Censeur, auparavant appellé Priscus, et ensuite Caton, à cause de sa grande prudence et de la severité de ses moeurs ; il passa par toutes les charges de la Republique Romaine avec un très grand éclat, et il nous a laissé plusieurs excellens ouvrages en Latin. Vous voyez encore la figure de Terence, et plusieurs autres Curiositez.

Au dessus il y a attaché à la grande planche un bâton de Canelle, de treize pieds de long, très beau ; et sur les deux côtez de l’Alcove se voyent des Vases, que les Soldats Romains portoient à leurs côtez pour boire ; et à côté, sur la droite, en bas, se void sur un piedestal un Terme de marbre. Les Romains le réprésentoient toûjours sans bras et sans pieds ; et, si on veut croire ce que dit Polybe, la superstition en vint par les querelles que ces peuples eurent pour leurs limites, lesquelles étant appaisées, ils poserent des statuës au Dieu, qu’ils croyoient avoir présidé à leur accord. De là est venu le JUPITER TERMINALIS des Crotoniates et des Sybarites. Vous en trouvez la figure dans la planche 23. fig. 114.

Entre cette Alcove il y a une Tablette, qui contient six planches. Au dessous il y a huit plâtres très beaux pour l’ouvrage ; plus haut une Bacchanale, la vûe du Louvre, et un autre Tableau d’une pierre naturelle, qui forme une ville. Sur la premiere planche de la Tablette l’on void une figure fort bizarre d’un homme, qui a ses mains sur son dos et une femme sur ses épaules, les pieds par devant, lui bandant les yeux, ayant les mains sur ses parties honteuses. Une autre d’une femme qui se bouche la bouche d’une main, et de l’autre son derriere.

Ensuite vous trouvez les sept Idoles, qui étoient adorées par les peuples de ces Provinces, avant qu’ils n’eussent embrassé le Christianisme. La premiere Idole étoit pour le premier jour de la semaine, qu’on appelloit le jour du Soleil. Ils avoient dans leur Temple la figure d’un Soleil peint comme un demi-homme, élevé sur un piedestal, devant lequel ils se prosternoient. Son visage étoit tout rayonnant de flammes de feu : de ses mains il tient une rouë de feu devant sa poitrine : cette rouë marque le mouvement du Soleil, qui tourne à l’entour de toute la terre. Ses rayons, qui sont ardens et lumineux, faisoient voir, que le Soleil par sa lumiere et par son ardeur éclaire et échauffe toutes les choses terrestres, et qu’il leur donne la vie et l’accroissement. Chacun lui rendoit des honneurs divins, et lui offroit des sacrifices, parce que les peuples croyoient, que le Soleil, qui est au firmament, avoit communication avec cette Idole, et qu’ils travailloient tous deux ensemble pour aider à ceux qui venoient les invoquer. On nommoit cetgte Idole Sondag, en François Dimanche.

La seconde Idole est la figure de la Lune, qui est réprésentée comme une femme, et néanmoins elle a un habit court, comme celui d’un homme, avec un chaperon sur sa tête, et deux grandes oreilles. Elle tient avec ses deux mains une Lune d’argent devant sa poitrine. Ses souliers sont faits comme des escarpins. Elle est debout sur un piedestal avec un habit d’hom-

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me, faisant voir par-là, qu’encore qu’elle eut le visage d’une femme, elle n’en avoit point les infirmitez, ni les faiblesses, mais qu’elle avoit le coeur genereux, comme un homme. Son chaperon montroit, qu’elle n’étoit ni fiere, ni orgueuilleuse, mais douce, tendre, et bienfaisante. Ses longues oreilles signifioient, qu’elle étoit toûjours attentive aux prieres de ceux qui imploroient son assistance ; et ses souliers pointus designoient, que tous ceux, qui combattroient après l’avoir invoquée, deferoient leurs ennemis avec leurs fleches et leurs javelots. La Lune d’argent, qu’elle portoit devant sa poitrine, figuroit, qu’elle étoit la Patrone de la mer ; car les matelots, les pêcheurs, et tous les voyageurs de mer la prennoient pour leur grande Deesse, et lui offroient leurs sacrifices et leurs adorations. Ils l’appelloient Maandag, qui en François veut dire Lundi.

La troisieme Idole est Tuisce, que Tacite appelle Tuisto, qui étoit le plus ancien Dieu de toute l’Allemagne. On écrivoit en haut Satyursdag, et en Anglois Tuesday, et en Flamand Dingsdag, et en Italien Tudeschi, et en haut Allemand Tuyscochen, c’est-à-dire en François Mardi. Il est élevé sur un piedestal, habillé de peaux à l’ancienne maniere de la nation Flamande, tenant un sceptre de la main droite, et la main gauche étenduë. Il est comme un vieillard avec une longue barbe et des cheveux blancs. Sa tête decouverte, sa longue barbe, et ses cheveux blancs nous font comprendre, qu’il est un des plus anciens Dieux, et qu’on devoit avoir plus de veneration pour lui, que pour les autres. Son sceptre figuroit sa puissance souveraine et l’empire qu’il avoit sur toutes choses. Sa main gauche, qu’il tenoit étenduë, étoit pour faire voir, qu’il secouroit tous les malheureux. Son habit de peaux designoit sa force et sa grande vigueur. Sa tête nuë faisoit voir, qu’on ne devoit s’approcher de lui qu’avec la tête nuë.

La quatrieme Idole est Woden ; on la nommoit Wodesdag, qui repond à Woensdag d’aujourd’hui en Flamand, et en François, Mercredi. Ce Dieu est posé tout droit sur un piedestal, armé de pied en cap, tenant à sa main droite un glaive, et à sa main gauche un bouclier. Il est vêtu d’une cotte d’armes, ayant des escarpins à ses pieds, et une couronne sur sa tête : et tous ses habillemens figuroient, qu’il étoit un des Dieux de la guerre. Il étoit vaillant et courageux. Son épée nuë, qu’il tient à la main, fait voir, qu’il falloit toûjours être prêt à combattre. Le bouclier, qu’il a dans sa main gauche, fait voir, qu’il serviroit de defense et de bouclier à ceux qui l’imiteroient. Sa cotte d’armes fait voir, qu’il faut être intrepide dans le combat. Ses escarpins montroient l’agilité de son corps. Sa couronne réprésentoit, qu’il étoit le Dieu des armées, et qu’on l’invoquoit avant que d’aller au combat, en lui offrant des sacrifices et des prieres, afin de remporter la victoire sur ses ennemis. Quand les vieux Bataves s’étoient distinguez dans une bataille, et qu’ils avoient surmonté ceux qui les avoient attaquez, ils alloient à ce Dieu, pour lui offrir en sacrifice tous les prisonniers, qu’ils avoient faits dans ce combat.

La cinquieme Idole est le Dieu Thorn, autrement appellé Thurn, et par les Brabançons Thunresdag, et par les Bataves Donderdag, c’est-à-dire en François Jeudi. Ce Dieu est avec grande majesté posé dans une grande salle, assis au pied d’un lit couvert. Il a sur sa tête une couronne d’or, et au dessus et à l’entour il a douze étoiles brillantes. Il tient à sa main droite un sceptre royal. Il a une longue robe, germée par le haut avec quatre boutons, et une ceinture. Tout cet appareil magnifique, où il étoit, figuroit sa grandeur et majesté. Son sceptre réprésentoit son grand pouvoir. Sa couronne d’or faisoit connoître, que sa domination étoit au dessus de toute la force et de tou-

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tes les puissances du monde. Ses étoiles brillantes, qui étoient autour de sa tête, designoient, qu’il étoit aussi puissant dans le ciel que sur la terre, et qu’il étoit le maître de l’air, des vents, et de tout l’univers, et que, lorsqu’il étoit irrité, il produisoit les éclairs, les tonnerres, les tempêtes, les grandes pluyes, la grêle, et le mauvais temps ; mais quand on l’appaisoit par les adorations, les sacrifices, les invocations, et autres honneurs, qu’on lui rendoit, il envoyoit aux hommes un fort beau temps et fort propre, il faisoit croître en abondance toute sorte de grains et de fruits, et il éloignoit d’eux la peste et toutes les autres maladies contagieuses.

La sixieme Idole est la Deesse Friga, qui étoit peinte avec les deux natures, comme un Hermaphrodite, étant homme et femme. A sa main droite elle tient une épée nuë, et à sa main gauche une arbalète, pour faire voir, qu’une femme peut aussi bien qu’un homme se tenir prête à combattre, lorsqu’il est necessaire. Les uns l’adoroient comme un Dieu, les autres comme une Deesse ; mais elle étoit tenuë pour une Deesse plus que pour un Dieu. Les peupes croyoient, qu’elle donnoit la paix et toute l’abondance, qui étoit dans le pays. Elle étoit aussi la mere et la cause de l’amour ; c’est ce que réprésente son arc. Son épée fait voir, qu’elle étoit toute puissante auprès du Dieu de la guerre. C’est pourquoi Olaus Magnus dit, que dans la Nord-Hollande, lorsque le Dieu Thorn étoit assis dans une grande salle au pied du lit couvert, le Dieu Woden étoit à un côté de la Deesse Friga. Quelques uns écrivent le nom de Frea, et non pas Friga : et son nom dans le haut Saxon est écrit Frige ; c’est pourquoi les hauts Saxons nommoient ce jour Frigedeng, parce qu’il étoit consacré à Friga, et les Bataves Vrydag, parce qu’elle portoit anciennement le nom de Frea, ce qui en François veut dire Vendredi.

La septieme Idole est la figure de Seater ; et la principale place, où elle étoit reverée, étoit sur une montagne, qui s’appelloit Seaterberg. On avoit fait sur un piedestal une perche, et ce Dieu étoit posé sur les arrêtes pointuës de ce poisson, ou sur les veines de son dos. Elle étoit maigre de visage, ayant de longs cheveux et une grande barbe. Elle avoit aussi la tête nuë, de même que les pieds. Dans sa main gauche elle tient une rouë en haut, et dans sa main droite elle porte un seau d’eau, où il y a des fleurs et des fruits. Sa robe longue est ceinte d’une ceinture de linge blanc. Sa tête nuë, et les aiguillons pointus de cette perche, sur laquelle elle étoit posée, signifient, que tous ceux, qui la revereroient et qui la prieroient et l’adoreroient, pourroient passer par les chemins les plus difficiles et les plus perilleux, sans être blessez et sans craindre aucun mal. Par cette rouë étoit marquée la bonne union des Saxons, qui alloient tous ensemble par le même chemin. Par la ceinture, que le vent enlevoit, étoit figurée la liberté des Saxons. Le seau d’eau, qui est plein de fleurs et de fruits, designoit, que ce Dieu avec une pluye naturelle pouvoit produire des fleurs et des fruits, et tout ce qui étoit necessaire à ceux qui venoient l’invoquer. Sa longue barbe faisoit voir son antiquité, et la reverance, qu’on devoit avoir pour sa vieillesse. Ses jambes et ses pieds nuds faisoient voir, que les vents, les saisons, et les tempêtes étoient sous sa domination, et que ceux, qui s’adresseroient à elle dans des temps fâcheux, goûteroient un air doux, calme, et serein. Le septieme jour tiroit son nom de cette Idole, que les hauts Saxons appelloient Seatersdag, les Anglois Saturday, et les Bataves Saturdag, c’est-à-dire en François Samedi. Je crois que le Lecteur ne sera pas fâché d’avoir cette petite dissertation sur ces faux Dieux.

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Nous viendrons présentement aux autres figures, qui suivent. Vous en voyez une d’une femme extraordinaire, qui est sur les épaules d’un homme, à qui elle bouche la bouche, et lui se bouche le derriere avec sa main. Une autre d’une femme, qui a sa main sur son derriere, tenant de l’autre un membre viril.

Sur la seconde planche se voyent treize Cuillers antiques de differentes sortes. Chacun étoit employé à differentes bêtes, qui étoient consacrées, pour prendre l’encens dans le coffre, qu’ils appelloient Acerra. (Vous les voyez dans la planche 16. fig. 72. 73. 74. 76. et 77. ) Ces Cuillers sont entremêlées de six sortes de Styles, cinq de metal, et un d’yvoire, où se void le cheval Pegase, très rare. Ces Styles étoient des especes de poinçon de cuivre ou d’autres metaux, avec lesquels ils écrivoient sur leurs tablettes. Voyez la planche 25. fig. 117. 121. et 123.

Sur la troisieme planche se voyent dix Phioles lachrymales, de marbre, de verre, et de bois. Ils les appelloient en Latin Phialae lachrymatoriae. Ils louoient pour leur pompe funebre des pleureuses, qui étoient un titre d’office parmi les anciens Romains. Elles avoient de petites cuillers longues et étroites, avec qoi elles prenoient sur leurs visages les larmes, pour ensuite les mettre dans leurs phioles. Ensuite ces phioles furent mises dans les urnes des defunts. (Vous els verrez dans la planche 16. fig. 75. ) Plus une Vestale, un petit Taureau, qui étoit d’ordinaire consacré à Mars, à Junon, et à Cerès ; la figure d’une Diane, la Deesse Isis d’une autre maniere.

Sur la quatrieme planche se voyent une Cloche du Japon fort curieuse, avec des caracteres dessus, la Deesse Isis, quatre figures extraordinaires de trois femmes, qui marchent sur un homme, qui est couché sur son ventre ; celle du milieu bouche la bouche aux deux autres. La figure de Silene, un Satyre, une Balle de cuivre avec des caracteres, laquelle les anciens Romains appelloient Tympanum, un autre Satyre, une figure extraordinaire de trois femmes, dont l’une est à genoux sur les épaules des deux autres, leur fermant la bouche, et les deux autres leur derriere ; une autre d’un homme se fermant la bouche d’une main, et son derriere de l’autre, le Dieu Mars, un Vase, dans lequel ils mettoient leur eau lustrale, la figure d’un homme avec la tête d’un faucon, la figure de Clotho, une autre de la Fidelité, un Mercure en Terme, un autre Mercure portant un belier sur ses épaules, la figure d’Angerone, qui tient un peche en sa main, fruit qui étoit consacré au Dieu du silence, un membre viril de Priape, qui a des oreilles au milieu ; c’est un hieroglyphe pour les nouveaux mariez pour la consommation de leur mariage ; consecration faite au Dieu Priape, la Deesse Volupia, à qui les Romains bâtirent un temple, et qu’ils réprésentoient comme une jeune et belle personne, ajustée mignardement ; elle tenoit d’ordinaire la Vertu sous ses pieds ; de plus un petit Harpocrate, la figure de Typhon, la figure de Mercure posé sur un globe, le Dieu Priape ; il y avoit des temples, qui lui étoient consacrez, où les femmes alloient faire leurs devotions ; elles s’échauffoient quelquefois si fort, qu’elles hurloient comme des Bacchantes, et elles avoient en faisant cette devotion une petite figure de ce Dieu penduë à leur col, laquelle étoit d’ordinaire bien fournie du membre viril de Priape. Il étoit defendu aux hommes d’entrer dans ces sortes de temples. Ces femmes étoient d’ordinaire couvertes d’un grand voile, et ces sortes de devotions se faisoient sur le soir. Les Prêtres, qui servoient dans ces temples, s’appelloient Mysta ; ils servoient également à Priape et à Bacchus. Ils s’appelloient encore Phallophori, comme le remarque fort bien Herodote, à cause des figures, qu’ils tenoient dans leurs ceremonies de Priape, ou de Bacchus, phallis ornatas, i.e. Mentulis. Plus une autre fi-

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gure avec la tête d’un coq, et cette Inscription Gréque, ΣΩΤΗΡ ΚΟΣΜΟΥ. Les Latins l’appelloient Mutinus.

Sur la cinquieme planche se voyent la Tête d’un Lion et d’une Lionne, la figure de Cerès, la Tête d’un Barberousse, qui est moitié cerf, et moitié pourceau, apporté de l’île de Lebre, et la figure d’un Lutteur.

Sur la sixieme planche se voyent un très beau Vase de terre rouge et couvert, un Microscope d’Angleterre, un Miroir ardent de metal, un Cylindre de metal, une Urne de metal. Par dessus pend à la grande planche deux monstrueuses Pattes d’écrevisses de mer, deux Oeufs d’aûtruche, trois grandes Phioles lachrymales.

Sur les deux côtez de cette Tablette à gauche se voyent un Bas-relief de Tibere, une Main de marbre de Lucrece, une Pierre ronde, sur laquelle on lit cette Inscription, EX. GER. INF. Deux Paterae, dont ils se servoient pour recueuillir le sang de la victime, que l’on vouloit consacrer. Il y en avoit qui étoient ornées de feuilles de fougere, d’autres de feuilles de lierre, d’autres appellée Paterae pampinatae, qui étoient ciselées de feuilles ou de pampres de vigne. (Voyez la planche 13. fig. 57. ) Plus vous voyez un très beau Couloir de bronze, pour passer le vin ou le lait dans les sacrifices. Celui-ci paroit avoir été consacré à Bacchus, par tous les Bas-reliefs, qui nous sont réprésentez là-dessus. Sur le premier vous voyez Uranie, qui s’y repose au dessous d’une arbre ; Bacchus s’en approche ; Cupidon, qui est sur le côté, semble en être bien aise. L’on pourroit aussi bien le prendre pour Silenus, que pour Bacchus, à cause de sa grande barbe, quoiqu’il soit constant qu’on a depeint Bacchus de cette maniere, selon ce que nous assûre Mr. Cuper. Sur le second Bas-relief se void un jeune Bacchus assis, couronné, tenant un pot, deux figures debout, dont l’une tient une coupe, ou Patera, et un pot, tout de même que les Prêtres dans un marbre ancien publié par Monsr. Du Choul dans son Traité de la Religion des anciens Romains de l’impression de Lyon pag. 315. L’autre figure porte une Acerra, qui étoit un petit coffre, où l’on mettoit l’encens, comme on verra une semblable figure dans l’Apotheose d’Homere par Monr. Cuper pag. 74. Dans l’autre Bas-relief de dessus on void un Prêtre à genoux, tenant la tête d’un bouc, et un autre levant le maillet pour le tuer et le sacrifier, et enfin un Bouc, et un Satyre dansant, et voulant lutter. Il y a quelques années qu’il s’en est trouvé une semblable, qui a été proposée par Monsr. Marc Mayer aux amateurs de l’Antiquité, pour en decouvrir l’usage. J’ai mis au jour mes remarques sur cette piece, que le Lecteur pourra voir.

On peut voir la figure de mon Couloir dans la planche 16. fig. 78. Au dessous se voyent deux Couteaux, qui ont servi à égorger les victimes. Vous en voyez un dans la planche 6. fig. 5. A l’autre côté se void le visage de Jean de Wit tiré sur lui-même, en plâtre ; au dessous un Pied fait par Michel Ange, de pierre, original, une Pierre ronde, avec cette Inscription, LEG. I.  PMNE. Plus deux Pateres, un Couloir, qui est renfermé dans une boëte, avec sa cuiller pour recevoir ce qui y passoit, deux Poignards, un avec un manche d’agathe, qui a été pris sur les Turcs par Monsr. De Fourneaux, qui m’en a fait présent ; l’autre des Indes, avec son manche d’une branche de corail rouge.

Vous venez au sixieme Alcove, dans lequel il y a six planches. Il pend après plusieurs fruits, la figure d’un Poisson en forme de Dragon ; (voyez la planche 34. fig. 206. ) plus divers Poissons en étoile, Tortues, Poissons volans, une Huitre petrifiée, le Gosier d’une femme, plusieurs Armures d’un Poisson nommé Serra, une Corne de poisson, (voyez la planche 34. fig. 251. ) et plusieurs autres Curiositez.

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Sur la premiere planche on void l’Anatomie de Michel Ange de bronze, la Deesse Flore, très curieuse, de bronze, une autre figure de bois, très belle, un St. Jean de bronze, un petit enfant de marbre, qui paroit être dans une corbeille, s’appuyant sur un coussin, la figure d’un Christ émaillé, le Buste en bronze de Christian Roi de Dannemarc, une Pyramide de 60. sortes de mineraux, très rare, avec les ouvriers, qui travaillent dedans, le Buste de Jules César de bronze, Hercule qui écrase un Lion contre son corps.

A la seconde planche pendent un Fragment de bronze d’un Serpent antique, un Dragon, une Poire pour faire des experiences Mathematiques, un Quadran antique, le Buste de JULIA DOMNA, d’yvoire, antique, (que l’on verra dans la planche 6. fig. 4) elle a été trouvée dans le Château de Britten par Monsr. De Rousseau, Marchand Drapier à Leude, qui m’en a fait présent, avec le Buste de SEVERUS son mari, aussi d’yvoire. (Voyez la même planche 6. fig. 3.) Dans l’année 1687. nous fûmes ensemble pour voir ledit château, (comme on en verra le plan dans la planche 5.) et nous entrâmes dedans par le moyen d’un petit bâteau. Je ne laissai pas d’y trouver quelques Vases, et des Fragmens de l’Antiquité. Plus on void un Cachet antique, (comme on le verra dans la planche 25. fig. 126 ) une Fibula très rare, qui servoit pour attacher les vêtemens des anciens Romains sur l’épaule ; elle est ronde et gravée ; plus un autre Cachet antique, un Lion, qui a servi de manche à quelque instrument, un Cachet Indien, le Manche d’un Couloir antique, une Pipe des Indes avec un Cameleon dessus, un morceau de bois coupé artistement aux Indes, et un morceau de corail blanc. Sur cette même planche se voyent deux petits enfans de du Quesnoy, les figures de Mars et de Venus de marbre, deux Kannes de la Comptesse Jacoba, deux figures de femmes de bronze, un Ibis, un Bacchus, un Vase antique, la figure d’une femme, la figure de Bacchus sur un élephant, très curieux, la figure de Priape, la figure du Genie, avec une peau de Lion, et un Belier entre ses jambes, un Mercure tenant son caducée, Jules César, un Gladiateur, la figure d’Isis avec des Hieroglyphiques, un très beau Vase avec des Bas-reliefs dessus ?

Sur la troisieme planche pendent après 60. Cachets, ou Bagues, et des frgmens. Cela me meneroit trop loin, si je voulois en donner l’explication ; nous les garderons pour un autre ouvrage. Sur la dite planche vous voyez la figure de Cupidon, une Lampe très curieuse, qui forme une tête d’homme ; plus la figure d’Arion, un Pied de marbre, très beau et antique, deux Phioles de verre appellées Gutti, dans lesquelles ils mettoient leur huile quand ils se baignoient, et dont ils se servoient pour se frotter avec l’étrille, un Vase appellé Amphore, un autre Pied de marbre, une Lampe d’une figure d’un Satyre, sur laquelle on trouve ces lettres L.D.S.V.S.L.M. que l’on pourroit interpreter ainsi, Laribus domesticis sacravit ut servent lactum… un autre Pied de marbre, la figure d’un Coureur de nuit appellé Loup-garou.

Sur la quatrieme planche pendent après deux Bracelets, (comme on les pourra voir dans la planche 25. figure 122  . et planche 26. figure 132. ) qu’on appelloit Armilla ; plus trois Clefs, (on en verra une dans la planche 25. figure 127.) dix figures du membre viril de Priape, qu’ils pendoient à leurs cols, quand ils les lui alloient consacrer ; (on en trouvera quatre dans la planche 26. fig. 128. 134. 36. et 141. ) plus quatre Fibulae, qui servoient pour attacher les bords de leurs manteaux et de leurs sur-tous ; (vous en trouverez trois dans la planche 25. fig. 18. 19. et 20. ) plus deux Têtes de Beliers. (voyez la planche 26. fig. 140. ) Dans le milieu vous verrez une Piece fort rare, qui est une

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(fig. 46.) Ensuite vous avez un autre fragment d’une Inscription de marbre,

M… ILAPA MAT… M…

A côté une très belle Urne avec des signes militaires dessus. (comme on pourra la voir dans la planche 13. fig. 52. ) A côté se void un fragment d’une Inscription,

UV… VIU…

A côté un petit Benitier portatif, où ils mettoient leur eau lustrale. Voyez la planche 12. fig. 42.

Sur la quatrieme planche paroit un Lion de metal, un très beau Vase de serpentine. A côté l’on void cette Inscription,

PALLADI VICTRICI.

A côté vous voyez la figure de Cleopatre, quand elle se fit piquer par un aspic. A côté un Bas-relief de marbre du jugement de Salomon. (Voyez la planche 14. fig. 62. ) A côté le Buste de Domitien de marbre ; plus une très belle Inscription de marbre, avec les signes militaires, qu’ils portoient sur leurs étendarts ; on lit dessus,

L. ANTONIUS. L.F. FAB. QUADRA. TORQUIBUS ET. ARMILLIS. AD. T. CAESARE. BIS. LEG. XX.

Une autre de marbre, sur laquelle on lit,

DIS. MANIBUS. L. CESTIO VALENTI. VIX. ANN. XV. FEC. MACAREIUS P. PIISSIMO.

A côté vous voyez le Buste de Trajan, aussi de marbre ; plus une autre Inscription de marbre, sur laquelle on lit,

M. LICINIUS HERCULANUS ? VIX AN ? XX. H. S. ESI. I. R. Q. L. D. S. ILLI. T. L.

A côté vous voyez la figure du Philosophe Confucius ; plus un autre Vase de serpentine. A côté l’on void un Bas-relief de marbre d’une figure, dont on prétend que les Anciens se servoient pour faire prêter le serment, et pour cela ils faisoient mettre les doigts dans la bouche de cette figure, et quand on ne disoit pas la verité, elles se fermoit.

Sur la cinquieme planche l’on void le fragment d’une Pierre, que les anciens Romains mettoient à la tête de leurs legions ; on lit dessus, LEG. XXXV. A côté se void la figure d’une Lampe, de Priape. Ensuite le fragment d’une Inscription de marbre,

M. MANUELI PHILEMO.

A côté une Pierre quarrée avec cette Inscription,

LEG. X. GER.

A côté le Buste de Jules César ; plus une autre Inscription sur un marbre,

POSTUMIA. P.L. MURTIS.
A. POSTUMIUS P.L. EUDAMUS.
F.V. POSTUMIA. L.Э. L. LESBIA.

Plus une autre Pierre quarrée avec cette Inscription,

CC. PE. EXER. L. NF.

Une autre,

X. GER. INF ?

Une autre,

LEG. I.P. MINE.

Une autre,

LEG. VIII. AUG.

Une autre de marbre,

C. LUCILIUS. C.

L. HERACLEO.

A côté vous avez une figure de bronze inconnuë, une autre Pierre quarrée avec cette Inscription,

LEG. VII. AUG.

A côté le fragment de marbre d’une Inscription,

OSSA TRONIAE ANTIOCH. PIAE.

A côté se void la figure d’un Adonis ; plus une autre Pierre quarrée avec ces lettres, L. XXXV.

Sur la sixieme planche se voyent un Bas-relief d’Her-

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cule, un Vase. (comme il est réprésenté dans la planche 12. fig. 50. ) A côté se void cette autre Inscription,

Q. MALLONIUS. BATHYLLUS VIVO SIBI ?

Le celbre Monsr. Spon la rapporte dans ses Recherches des Antiquitez de la Ville de Lyon page 203. A côté se void une Tête demarbre inconnuë, plus un Vase, où ils mettoient l’eau lustrale. (comme je vous l’ai réprésenté dans la planche 12. fig. 44.) Ensuite vous voyez la tête d’Auguste, et celle d’Atys ; plus un Vase appellé Praefericulum ; ensuite la Tête de Romulus, de marbre. A côté se void cette Inscription,

MATRIS. AUG. MASTONIA. BELLA. V.S.L.M.

que Monsr. Spon rapporte encore dans ses Antiquitez de la Ville de Lyon page 91. A côté se void une très belle Canne, avec plusieurs figures dessus ; plus un Bas-relief de marbre de l’Empereur Heliogabale.

Sur la septieme planche se void une Pierre, que les anciens Romains mettoient sur les tombeaux, et sur laquelle il y a, L. XXXVV. A côté on trouve un très beau fragment d’un Bas-relief de marbre, très rare, réprésentant comment les anciens Romains mangoient, une autre Pierre sepulchrale avec ces lettres, LEF. XXXV. Ensuite vous avez trois autres Inscriptions, qui m’ont été données de l’Eglise de St. Paul d’Utrecht, qu’on a demolie.

De là vous venez à un Cabinet vitré, qui renferme toutes sortes d’Estampes pour la fabrique des Medailles. Au dessus paroit une figure, qui tient un écusson, sur lequel il y a une Inscription, que nous avons ci-devant rapportée. A côté vous trouvez une Caisse, qui renferme un Indien dans sa peau avec ses cheveux. Au dessous se void un petit Squelete d’un enfant. A côté il y a un Cabinet, qui renferme vingt-cinq Boëtes de toutes sortes d’Insectes, avec plusieurs Œufs, comme de Crocodile, et d’autres animaux. Au dessous il y a quatre planches, où l’on trouve plusieurs Vases très rares, et autres figures antiques. Au dessus il y a sur la droite une figure, qui tient une espece de chandelier d’Eglise, et de l’autre un écusson, sur lequel on lit ces paroles,

DILIGES DEUM TUUM TOTO CORDE TUO. Matth. xxii.

A côté vous voyez un Boëte, qui renferme un Vase fait au tour, qui en renferme plusieurs autres ; plus la figure de Galatée, une Pyramide de dix-neuf sortes de mineraux, une autre figure, sur l’écusson de laquelle on lit,

ET PROXIMUM TUUM, SICUT TE IPSUM.

Au dessus vous voyez attaché à la cloison dix Fleches des Indes, avec deux Arcs, et deux Boucliers. Dans l’entre-deux vous voyez un Vase, que l’on appelle Pellican, dans quoi les Anciens faisoient leur or potable. Sur la planche, qui est par-dessus, se void le membre viril d’une baleine, et ses deux testicules, avec un petit Canot. Il pend à la planche deux Porte-voix, l’un de fer blanc, et l’autre de verre ; et sur le côté de la porte il y a une Caisse, qui renferme le Squelete d’une femme.

De là vous venez au milieu de la Chambre, où vous voyez une très belle Fontaine, qui jette de l’eau par des Serpens, des Crapaux, et un Dragon, et ensuite par un Dauphin. Dans le plat-fonds vous voyez un très beau Canot et un homme dedans, avec une double rame et tous ses autres agrets, qui a été apporté du detroit Davis. A côté il y a un Serpent de vingt-cinq pieds de long, qui a englouti trois Negres proche de Surinam. Vous y voyez un Nid d’Alcyons très rare, plus un Poisson volant, (voyez la planche 35. fig. 215. ) un autre en forme de Dragon, (voyez la planche 34. fig. 206. ) un autre appellé Raja levis, un

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autre en Dragon, (voyez la planche 34. fig. 208.) un autre appellé Piscis monoceros, unautre nommé Snottolf, une Tortuë, (voyez la planche 36. fig. 223.) un autre Snottolf, trois Courges de Caco, deux Poissons en forme de Dragon, une grosse Rose de Jericho, un Lezard du Bresil de 24. pieds de long, huit Arcs des Indes, un Poisson appellé Canis marinus, un autre appellé Piscis gibbosus, (voyez la planche 35. fig. 213. ) un autre appellé Serra ou Pristis, (voyez la planche 35. fig. 219. ) un autre gros Poisson inconnu. De l’autre côté du Canot on void un Serpent de dix-huit pieds, nommé Boignacu, un autre de dix-sept pieds, un Poisson appellé la Croix, et en Latin Zygaena, seu Libelle altera, une autre Serra ou Pristis, l’Os de l’épaule d’une Baleine, un Dauphin, trois Caimans, un Eturgeon

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appellé en Latin Acipenser, un petit Crocodile, un Crapaud d’une grosseur extraordinaire, (voyez la planche 34. fig. 205.) une Armadille, (voyez la planche 34. fig. 217.) un Poisson inconnu, un autre appellé Lumpius Anglorum, un autre nommé Piscis orbis, un Bufo caudatus, deux petites Baleines, un petit Poisson appellé la Croix, un petit Crocodile, une autre Serra, un autre Dauphin, un autre qui a une forme extraordinaire, et inconnu, une autre petite Serra, une Lanterne de papier des Indes, et un petit Vaisseau.

Voilà à-peu-près ce que contient la Chambre, que l’on espere d’augmenter, et d’en donner la suite au public, avec les planches des figures et des animaux. Voici l’Indice de ce que contiennent les planches de ce premier Volume.

FIN.

*

SOURCE: Nicolas CHEVALIER. Recherche curieuse d’antiquités… Utrecht, 1712.

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