Cette contribution d'Olivier Le Gouic prend place dans les Actes des journées d'études "LYON ET LA CULTURE DE LA CURIOSITÉ" organisées en 2016 au Musée des Confluences de Lyon par Myriam Marrache-Gouraud et Dominique Moncond'huy.

 

Entre le XVIe et le XVIIIe siècle, Lyon devient et demeure, selon l’expression de Fernand Braudel, le « sommet économique du royaume » de France, une place commerciale, manufacturière et bancaire de premier plan en Europe[1], mais aussi « une capitale intellectuelle » qui, après avoir contribué à la diffusion du livre dans tout le royaume dès la fin du XVe siècle[2], s’impose au XVIIIe comme une ville des Lumières[3]. Lyon doit d’abord sa prospérité à la réussite des quatre foires annuelles qui lui furent concédées au XVe siècle par Louis XI, puis à l’essor et au succès de sa Grande Fabrique de soieries dont les productions, à la veille de la Révolution, sont exportées dans le monde entier grâce à l’activisme de ses négociants, ainsi qu’au dynamisme de ses activités bancaires. Au cours de cette période, la population lyonnaise passe de 50.000 à 150.000 habitants et témoigne, par son cosmopolitisme, de la situation de carrefour de la cité du Rhône. Au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, la consommation de produits exotiques est devenue courante à Lyon, même si les boutiques des épiciers se trouvent plutôt dans les quartiers riches[4], et les marchandises coloniales telles le tabac, le sucre et le café sont en passe de devenir des produits de consommation ordinaire[5]. Pour répondre aux besoins de la population en produits coloniaux, les marchands de Lyon se tournent vers les ports de l’Atlantique, Bordeaux, La Rochelle et Nantes, dont les négociants sont capables d’offrir toute la gamme des productions exotiques des colonies de l’Amérique et des comptoirs des Indes Orientales[6].

Mais l’élargissement des horizons du grand commerce lyonnais ne profite-t-il qu’aux seuls négociants, et à ceux qui ont usage ou font commerce des denrées exotiques, épiciers et cafetiers par exemple, ainsi qu’aux amateurs de produits coloniaux ? À une époque, le XVIIIe siècle, où les objets exotiques venus des régions lointaines des Amériques, des Indes orientales ou de l’Afrique, parce qu’ils intriguent, trouvent toute leur place dans les cabinets de curiosités[7], les collectionneurs lyonnais sont-ils en mesure de s’en procurer aisément ? Comment ces objets, s’ils existent, intègrent-ils les collections lyonnaises ? Avant de tenter de répondre à ces questions, il convient de rappeler dans quel contexte, au cours des siècles qui suivirent les Grandes Découvertes, se sont établies les relations entre Lyon et les espaces ultramarins ; par quelles voies les denrées coloniales et les diverses productions des Indes, cotonnades et porcelaines de Chine ou du Japon par exemple, arrivaient jusqu’à Lyon et comment elles s’y distribuaient. Tout en nous demandant quel attrait ces territoires lointains pouvaient exercer sur les Lyonnais, nous nous interrogerons en conclusion sur la participation ou pas des négociants et des marchands à l’essor de la culture de la curiosité à Lyon au XVIIIe siècle.

 

Le temps des épices atlantiques

Dès le XVIe siècle, à la grande époque des foires qui, quatre fois par an, animent ses places et ses rues, la ville de Lyon commence à s’ouvrir « sur les larges horizons de l’Occident et du Monde[8] ». Sur les étals des marchands on peut trouver, aux côtés des épices du Levant qui gardent la primauté, des « épices atlantiques », d’abord venues d’Anvers. Importées d’Inde par les Portugais, ces épices atlantiques sont repérées pour la première fois en 1508, aux foires de Pâques, sous le nom de « poivre de Flandre ». Au cours des deux décennies suivantes, elles peuvent représenter un quart des épices négociées aux foires de Lyon[9], et même plus du tiers les meilleures années[10]. Elles sont alors importées par des marchands allemands, mais aussi par les Italiens qui ne se contentent pas d’avoir la main mise sur les épices méditerranéennes et savent diversifier leurs approvisionnements[11]. Mais en janvier 1540 un édit de François Ier ferme les routes terrestres aux épices, tant celle de Champagne empruntée par les épices flamandes que celle des Alpes par où cheminaient les mulets chargés de balles d’épices levantines. En réservant l’importation aux seuls ports maritimes du royaume[12], l’édit porte de fait un coup brutal aux importations terrestres depuis la Flandre et l’Italie. Cette nouvelle donne profite alors à Marseille, qui renforce sa position dans le commerce des épices. Déjà en 1533-1534, alors que 15 % des épices qui entraient à Lyon provenaient des ports atlantiques du royaume – principalement Bayonne, La Rochelle et Nantes – et 10 % d’Anvers, près de 42 % remontaient de Marseille[13]. On voit alors se mettre en place entre la cité du Rhône et le port du Lacydon un partenariat commercial et bancaire que nous retrouverons au XVIIIe siècle, quand Marseille se lancera à son tour dans le grand commerce colonial. Mais dans le domaine des épices atlantiques, l’effacement d’Anvers profite surtout à Rouen, qui se substitue au port flamand comme porte d’entrée des marchandises indiennes. Par l’intermédiaire des marchands portugais et espagnols qui y sont établis, le port normand est désormais en mesure d’approvisionner en épices, mais aussi en sucre de Madère et des Açores ou en malaguette, le poivre que les navires portugais rapportent des côtes de l’Afrique, en cuirs, cochenille et bois de teinture du Nouveau Monde, un vaste hinterland qui s’étire jusqu’aux confins du Lyonnais[14]. Les troubles qui secouent les Pays-Bas à partir des années 1560 profitent pleinement au port de Seine, qui devient bientôt le principal relais entre l’Europe du nord-ouest et Séville, tête de pont de la Carrera de Indias, la route vers le Nouveau Monde. En 1595, le projet des Bonvisi, les plus entreprenants des marchands italiens de Lyon, alors pleinement engagés dans le commerce d’Espagne et dans les armements maritimes, de participer, en association avec les Ruíz de Séville, à la création d’une compagnie de commerce à Rouen, témoigne du renforcement des liens entre les trois pôles du grand commerce européen à la fin du XVIe siècle[15]. Ces approvisionnements en marchandises atlantiques sont complétés de manière inégale :

– par Nantes qui, outre quelques balles d’épices, expédie aussi vers Lyon de la cochenille, des bois de Campêche et du Brésil, puis du sucre, même si l’essentiel des échanges entre les deux villes consiste en articles textiles, soieries, toiles et draps, et en quincaillerie, papier, livres et cartes à jouer destinés aux marchés ibériques. Dans le dernier quart du XVIe, le port breton occupe une place importante dans l’aire bancaire des Bonvisi, qui y font transiter une partie de leurs échanges et de leurs traites avec leurs partenaires sévillans, les Ruiz[16].

– par La Rochelle qui, très tôt, fournit les foires de Lyon en sucre de Madère et en poivre, comme en témoigne par exemple l’arrivée de six balles d’épices en 1533-1534 ou l’expédition par le marchand rochelais Nicolas Bobineau de 7618 livres de sucre en 1540, de 3104 livres en 1541 et de seize balles de poivre en 1557[17].

– très ponctuellement, semble-t-il, par Bayonne qui, par exemple, livre 82 balles d’épices en 1530 (5 % des entrées) et 149 autres en 1533-1534[18].

Les marchandises du Nouveau Monde empruntent principalement trois axes qui convergent vers Lyon : la Saône, la Loire et la route de Limoges. Si une partie des marchandises provenant de Rouen arrive par la vallée de la Saône comme celles de Flandre, la Loire qui est désormais reliée à la Seine par le Loing, tend à se poser comme une alternative à l’ancienne route médiévale au point de devenir, selon Gascon, « la rivière marchande de Lyon […] autant que la Saône et plus que le Rhône[19] ». À l’ouest de la ville, les portes de Pierre-Scize et de Saint-Just deviennent donc les principales portes d’entrée des épices et des sucres atlantiques, dans la mesure où les balles qui arrivent de Rouen y retrouvent celles qui sont expédiées de Nantes par la Loire ou par la route de Bourges à Roanne, et celles qui, venant de La Rochelle et de Bayonne, ont transité par Limoges avant de traverser l’Auvergne et le Forez[20].

La curiosité des Lyonnais pour le Nouveau Monde et les horizons lointains est alors confirmée par l’engagement de certains marchands-banquiers dans les grands voyages d’exploration que motivent autant la quête de l’or que celle des épices. À cet égard, le cas le plus connu est celui de Thomas Gadagne qui, en 1522, aux côtés de sept autres marchands de Lyon, participe au financement du voyage qui, deux ans plus tard, conduit Giovanni da Verrazzano dans la baie de l’Hudson[21]. Mais d’autres, banquiers comme les Bonvisi, épiciers ou drapiers comme GéraldinPanse, « le plus gros marchand de toiles et de draps de Lyon dans les années 1550-1560[22] », risquent aussi des capitaux sur les routes du grand commerce atlantique, y compris dans des expéditions de traite le long des côtes de l’Afrique, en souscrivant des participations dans des contrats d’assurance maritime, au point de faire de la cité du Rhône l’une des principales places européennes de l’assurance maritime. Aussi, au tournant des XVIe et XVIIe siècles, Lyon est fin prête à s’ouvrir à la fois sur des aires et sur une ère nouvelles.

 

L’ère du sucre et du café

Après les troubles des guerres de religion, la première moitié du XVIIe siècle s’annonce comme une période de repli pour l’économie lyonnaise qui se recentre sur les espaces continentaux. Le temps des grandes foires internationales est révolu et celui de la Grande Fabrique de soieries commence à peine. Les marchands-banquiers florentins, génois et lucquois se sont retirés ; leurs successeurs allemands et suisses ne sont pas encore arrivés. Dans le même temps les centres de gravité de l’économie européenne se sont déplacés, ont achevé le mouvement d’atlantisation amorcé au siècle précédent. Aussi, dans une conjoncture politique agitée, les cartes sont redistribuées. Mais l’ouverture de Lyon aux espaces atlantiques et la mise en place de nouveaux circuits d’approvisionnement ne se perçoivent qu’au cours des dernières décennies du règne de Louis XIV, alors que Nantes et Bordeaux profitent des débuts de « l’ère antillaise[23] » et que les « Messieurs de Saint-Malo » mettent la main sur le commerce avec Cadix et entraînent dans leur sillage quelques-uns des plus entreprenants marchands de Marseille sur la route de la Nouvelle Espagne et de la Mer du Sud[24]. Avec les nouveaux usages et notamment la mode des breuvages exotiques, la demande lyonnaise en café, cacao, thé et en sucre augmente. Alors que le médecin Jacob Spon, figure de l’humanisme lyonnais[25], et son ami le marchand droguiste et apothicaire Philippe Sylvestre Dufour vantent dans leur traité De l’usage du caphé, du thé et du chocolate les vertus stimulantes du café auprès de « tous ceux qui aiment leur santé[26] », autour de la place des Terreaux, les premiers cafés ouvrent leurs portes à une clientèle encore limitée. Par la suite d’autres « caffetiers » ouvrent des boutiques comme Jean-Baptiste Charoin qui, vers 1710, sert du « caffé choquolaté » sur le port du Temple ou Olivier Renoir « marchand confiseur et caffetier » installé près du pont de bois à Bellecour, où d’autres cafés ouvrent à proximité du théâtre, de l’opéra et du « promenoir »[27]. Dans la journée, ces lieux sont particulièrement prisés des négociants qui s’y rencontrent pour échanger des nouvelles ou conclure leurs affaires, au point d’être souvent comparés à des « bureaux de change » du grand commerce[28]. « Je vois avec plaisir que les marchandises des Indes commencent à prendre chez vous faveur », se réjouit Luc Magon de la Balue dans une lettre qu’il adresse à Dareste, un des Lyonnais intéressés dans ses armements pour la mer du Sud, à qui il s’apprête à expédier 41 balles de café[29]. On peut ainsi assister, à travers la correspondance des grandes maisons de banque et de négoce qui dominent alors la place de Lyon, à l’émergence de Bordeaux, de Nantes et de Saint-Malo comme pôles de redistribution des denrées coloniales vers les villes de l’intérieur. Tandis que le banquier Melchior Philibert[30] écoule les piastres et « matières d’argent » qu’il reçoit de Saint-Malo et de Marseille auprès des tireurs d’or et de l’hôtel des Monnaies qui lui garantit alors les meilleurs cours du royaume[31], la maison Specht et Gonzebat fait venir de Bordeaux, de Nantes et de La Rochelle des colorants pour la Grande Fabrique (indigo, cochenille, rocou, safran, verdet) ainsi que du café et du sucre des « isles d’Amérique »[32]. Cuentz se fournit en indigo et en cochenille à La Rochelle[33] et la maison Chalut Lamure contourne les prohibitions et acquiert des mousselines, des indiennes et des soies du Bengale aux ventes de la Compagnie des Indes à Nantes ou auprès de correspondants étrangers à Amsterdam et à Londres[34]. Entre 1705 et 1718, les Grands Livres de l’armateur marseillais Jean-Baptiste Bruny témoignent non seulement de la circulation, entre Bayonne, Marseille et Lyon, de divers barils et caisses de cochenille, de surrons d’indigo et de balles de café pour le compte des maisons Courtois et Cie, Cusset et Cie, Jean Lacroix ou Riverieulx et Roland, mais aussi de prises d’intérêts dans des armements pour la mer du Sud et le Levant[35]. Si le banquier Melchior Philibert fut parmi les tout premiers intéressés lyonnais à investir dans les armements des Magon de Saint-Malo et des Bruny de Marseille[36], son exemple est bientôt suivi par d’autres banquiers comme Etienne de Riverieulx,  Specht et Gonzebat ou François et Joseph Chalut. En 1682, une frégate malouine de 200 tonneaux armée par Julien Eon de Villebague, et dans l’armement de laquelle Commerer et Hertner s’engagèrent « pour une tierce partie », porta même le nom de La Ville de Lyon[37]. Les milieux d’affaires lyonnais n’ignorent pas non plus les nouveaux marchés qui s’ouvrent à eux au-delà des mers et pour l’approvisionnement desquels les négociants ponantais les sollicitent pour se fournir en toiles, soieries, articles de mercerie, rubans, dentelles du Puy, armes et quincaillerie du Forez et d’Auvergne… Alors que depuis Saint-Malo, les Magon font quelques « emplettes » de soieries et de rubans pour compléter les cargaisons des frégates qu’ils destinent à la mer du Sud, le banquier Etienne de Riverieulx, dépeint par un de ses descendants comme un « acteur de la mondialisation de la cité »[38], installe deux de ses commis, Lary et Athénas, à Cadix, la nouvelle tête de pont de la Carrera de Indias[39].

Les travaux de Maurice Garden ont souligné la renaissance et les mutations du commerce lyonnais au XVIIIe siècle avec l’affirmation de nouvelles maisons de dimension et de fortune moyennes à la place des grosses affaires de la fin du règne de Louis XIV et de la Régence[40]. Non seulement cette nouvelle génération de négociants diversifie ses activités au-delà du seul commerce des soieries, mais elle élargit les aires de son commerce au-delà des frontières du royaume en s’engageant dans le négoce international[41]. Dès le début du XVIIIe siècle, marchands et négociants lyonnais saisissent l’opportunité du nouveau rapprochement entre la France et l’Espagne pour renforcer leurs relations avec les colonies américaines, en particulier par l’intermédiaire du port de Cadix. Tête de pont de la Carrera de Indias – ou route des Indes – le port andalou détient désormais le monopole du commerce avec les colonies espagnoles de l’Amérique. Il offre donc un débouché important pour les précieuses soieries ainsi que pour les articles de mercerie, de bonneterie et de passementerie produits sur les bords du Rhône. Aussi une importante colonie de négociants lyonnais s’y installe-t-elle et constitue-t-elle un des trois plus gros contingents de négociants français implantés sur place, avec les Basco-Béarnais et les Bretons[42]. Dès 1714, Jean Boschet, qui est établi à Cadix depuis cinq ans au moins, compare l’arrivée « d’une grande quantité de Lyonnais » à un débordement de la Saône[43] ; en 1751, c’est Charles Benoist qui, après avoir croisé treize autres Lyonnais lors de sa promenade dominicale sur l’Alameda, compare cette esplanade gaditane à la place des Terreaux[44]. En 1777, une liste établie par le consul de France recense 17 Lyonnais parmi les 126 négociants qui constituent la Nation française de Cadix, alors à son apogée et forte de 885 membres[45]. Cadix est de loin le principal pourvoyeur de la Grande Fabrique lyonnaise en « matières d’argent », expédiées sous différentes formes, piastres, barres, lingots ou vaisselle, principalement « par la voie de Marseille », et souvent de manière frauduleuse[46]. Cet argent doit répondre à la demande des tireurs d’or qui fabriquent les fils d’or et d’argent utilisés par les fabricants de soieries. En septembre 1763 Louis Feyt, principal consignataire de la maison lyonnaise Rey Magneval à Cadix, reçoit ainsi des autorités espagnoles l’autorisation de faire passer par Lyon, alors perçu comme « le marché le plus avantageux de son époque », deux caisses contenant respectivement 19548 et 10000 piastres, en compte à demi avec Rey Magneval, le tout « sous bonne escorte » et par la route de Bayonne, puis une troisième caisse de 4000 piastres, par voie de Marseille cette fois, malgré le risque que représente alors la piraterie saletine[47]. L’année suivante, il leur expédie, toujours par Marseille, près de 50000 autres piastres réparties sur quatre navires[48]. Mais le négoce gaditan approvisionne aussi Lyon en cochenille, en indigo, en laine de vigogne ou en cacao, pour ne citer que les marchandises que Fiard, un marchand de soieries dont le cousin Jean-Baptiste Chillet est lui aussi installé à Cadix, se propose d’écouler sur le marché lyonnais cette même année 1764[49]. Au lendemain de la guerre de Sept Ans, l’Espagne et ses colonies sont donc devenues le principal débouché du grand commerce lyonnais, tandis que les relations avec le nord-ouest de l’Europe se consolident, notamment avec Londres, Amsterdam et Hambourg. Naturellement, cet élargissement des aires du commerce lyonnais impacte à des degrés divers l’économie de la ville et les modes de consommation de ses habitants. De nouveaux besoins apparaissent, de nouvelles modes surgissent, de nouveaux goûts s’imposent, de nouvelles curiosités s’éveillent…

 

Les stratégies d’approvisionnement des épiciers lyonnais au XVIIIe siècle

Il est possible d’approcher les voies d’approvisionnement de Lyon en denrées coloniales en se penchant sur l’activité de ses marchands épiciers – ils sont 66 à Lyon en 1777[50]. La boutique de l’épicier rassemble en effet tout ce que le monde produit de denrées et de drogueries exotiques et contribue à leur diffusion auprès de la population : d’abord les épices proprement dites, utilisées à la fois en cuisine et dans la pharmacopée, comme le poivre, le girofle, la cannelle, la muscade, le gingembre, la coriandre et la réglisse vendus en 1709 dans la boutique de François Maurier, épicier Grande rue mercière[51] ; ensuite les breuvages exotiques, le café, devenu commun au milieu du XVIIIe siècle et qui provient de Saint-Domingue, de la Martinique, de Bourbon ou de Moka, mais aussi le cacao « des isles » et le thé de Chine, ainsi que le sucre, désormais produit de consommation courante, vendu surtout en pains[52] et accessible à toutes les couches de la société du fait de son prix relativement peu élevé, autour de 15 à 20 sols la livre ; enfin toute la gamme des produits de droguerie, les teintures et les colorants, l’indigo, la cochenille, les bois de Campêche ou de Pernambouc, les gommes utilisées pour apprêter les étoffes, ou les écorces de quinquina.

Liste des marchandises détenues par François Lhermitte, épicier place des Jacobins, 1785[53].

Épices : épices communes (15 s./l.) ; poivre blanc (36 s./l.) ; poivre noir (34 s./l.), poivre en grains (35 s./l.) ; coriandre (5 s./l.) ; cumin (2 s./l.) ; réglisse (12 s./l.) ; cannelle (1 l.t./l.), cannelle piquante (5 l.t. /l.) ; piment (24 s./l.) ; muscade (22 s. l’unité) ; anis vieux (5 s./l.), anis et coriandre pelé (6 s./l.) ; moutarde fine (12 s./l.).

Sucre et Breuvages exotiques : sucre en pain (16 s./l.) ; cassonade (12 s./l.) ; café des isles (17 s./l.) ; café de Moka (40 s./l.) ; chocolat commun (1 l.t./l.) ; thé vert (3 l.t./ l.).

Drogues et autres : esquine (20 s./l.) ; indigo (3 l.t./l) ; salsepareille (2,5 l.t./l.) ; truffe noire (10 s./l.) ; séné (1. Lt 10 s. 3/4 l.) ; corne de cerf (3 s./l.) ; coton bleu filé (1 l.t./l.) ; coton cardé (24 s./l.) ; crocus (10 s./l.), iris (8 s./l.) ; bleu de prusse (1 l.t./l.) ; laque en grains (1 l.t./l.) ; gomme adragante ; gomme arabique ; jalum pilé ; riz (4 s./l.) ; azur (14 s./l.).

Pour se fournir en marchandises, les épiciers lyonnais se tournent vers tous les ports du grand commerce colonial. Ainsi, en 1780, le bilan de faillite de Buisson et Bellet, marchands épiciers place du Petit Change, révèle que si leurs principaux créanciers sont à Marseille, ils ont aussi des fournisseurs à Rouen, Bordeaux et Nantes[54].

Le choix des ports d’approvisionnement dépend de plusieurs facteurs : le cours des marchandises d’abord, mais aussi leur disponibilité, qui dépend de l’intensité des liaisons maritimes entre le port choisi et les régions de production, et le coût et les délais de transport jusqu’à Lyon. Pendant la première partie du XVIIIe siècle, Bordeaux et Nantes semblent se partager l’essentiel des approvisionnements du marché lyonnais. Si les marchands bordelais sont en mesure de proposer les sucres de Saint-Domingue de meilleure qualité, sucres blancs transformés par la vingtaine de raffineries que compte la ville[55] et sucres terrés pré-raffinés dans les îles, Nantes offre plutôt des sucres de deuxième, troisième ou quatrième catégories, terrés ou bruts. Les premiers sont transportés par la voie d’eau jusqu’à Libourne ou Bergerac, où ils sont pris en charge par des voituriers qui les transportent jusqu’à Roanne en empruntant la route de Limoges qui contourne le Massif central par le nord, le tout en une vingtaine de jours. Les autres remontent la Loire qui, pendant tout le XVIIIe siècle, fait figure de « fleuve sucré[56] », la voie d’eau étant privilégiée pour sa capacité à prendre en charge à meilleur coût le transport des pondéreux, malgré les risques de « mouillure ». À la différence de Bordeaux, qui réexporte l’essentiel de ses sucres et de ses cafés vers l’Europe du nord, la Hollande et la Suisse[57], le port ligérien redistribue ses importations coloniales vers le marché intérieur. En règle générale, barriques de sucre et sacs de café remontent la Loire et atteignent Lyon en une trentaine de jours.

Au cours des années 1780, l’épicier Jean-Baptiste Ducret, installé rue Royale, se fournit en sucre de Saint-Domingue de première et de seconde qualité et en « café des isles » auprès des maisons Nairac et Perrelet, Defos et Cie ou Durand frères à Bordeaux, mais aussi à Nantes auprès des maisons Guérin & Doudet et Saulnier, qui lui fournissent du sucre terré « de la troisième sorte » et « de quatrième qualité » et du café de la Martinique. Les expéditions peuvent parfois être volumineuses : par exemple, entre 1784 et 1786, Ducret reçoit 84 balles de sucre pour une valeur d’un peu plus de 16000 l.t. des maisons bordelaises Durand frères et Defos et Cie, cette dernière expédiant même 126 balles de sucre vers Lyon pour le seul mois de mars 1784[58]. Si ses correspondants nantais le renseignent ponctuellement sur les arrivages et les cours du coton ou de l’indigo de Saint-Domingue et de la Caroline, il se tourne plutôt vers Marseille ou Rouen pour se fournir en épices et drogueries. Grâce à la proximité du marché hollandais, le Rouennais Béville est ainsi en mesure de lui proposer de la réglisse, du poivre, de la cannelle, de la girofle, du gingembre, de la muscade, du thé boué, vert ou pécan, toutes ces balles d’épices étant livrables par voiture en 26 jours[59]. Ducret a donc beau jeu de mettre en concurrence ses divers fournisseurs, d’autant que les marchandises qu’il recherche font l’objet de spéculations, particulièrement en temps de guerre[60].  Si depuis les années 1730 les épiciers sont en mesure de trouver de plus en plus de marchandises des Îles à Marseille[61], le port phocéen reste premier pourvoyeur de produits du Levant comme les galles d’Alep et d’Arabie, les fruits secs et les citrons de la Méditerranée, les éponges, le coton de Smyrne, d’Acre ou de Malte. Un temps handicapés par des tarifs douaniers prohibitifs, les sucres de Marseille ne semblent cependant arriver sur le marché lyonnais qu’à partir des années 1740. Mais c’est surtout à partir des années 1770 et après la guerre d’Amérique que le recours à Marseille se développe chez les épiciers lyonnais, lorsque l’offre s’étoffe. Ainsi, Jean-Baptiste Ducret y complète ses achats de sucre de deuxième ou troisième qualité, de cassonade brute et de café de la Martinique, auprès des maisons Guÿs et Cie, Devoulx et Cie, Gauthier et Cie ou Devillon, qui lui vendent également du cacao des Îles ou de Caraque et de la gomme de Sénégal.

Il vient d’arriver quelques bâtiments américains, écrit Guÿs en juillet 1781, et nous allons travailler à vous procurer les barriques de sucre blanc assorties que vous désirez en première, deuxième et troisième qualités et en bois blanc. Ce sucre sera plus sec et mieux conditionné que celui qui nous vient de Bordeaux[62].

Confiées au coche d’eau à Avignon, ces marchandises remontent alors le Rhône en neuf ou dix jours pendant huit mois de l’année, contre une quinzaine de jours en hiver, « à moins des cas imprévus[63] ». Mais en 1793 (an ii), le tableau du Maximum nous dresse un dernier état des lieux des approvisionnements de Lyon en denrées exotiques[64]. On peut alors constater que Le Havre, qui se pose en rival depuis la guerre d’Amérique, est parvenu en cette fin du XVIIIe siècle à se hisser au premier rang des fournisseurs de Lyon et partage désormais avec Bordeaux et Marseille la plus grande partie des approvisionnements de la cité du Rhône en denrées coloniales. Si le port phocéen est encore avantagé par sa proximité géographique, les coûts de transport sont grevés par les péages qui pèsent sur la remontée du Rhône et par les frais inhérents au passage de la douane de Valence. Aussi l’éloignement du Havre – à trente jours de Lyon – ne joue pas forcément contre lui.

Denrées coloniales Ports fournisseurs
Sucre commun et ordinaire Bordeaux, Nantes, Marseille, La Rochelle
Sucre terré et cassonade  Marseille
Sucre terré et cassonade de Saint-Domingue Bordeaux
Sucre terré et cassonade de la Martinique La Rochelle
Café de Saint-Domingue Le Havre, Marseille
Café de la Martinique Le Havre, Marseille, Nantes, Bordeaux
Café de Cayenne Marseille, Lorient
Café de Bourbon Lorient
Cacao de la Martinique Le Havre, Marseille, Bordeaux
Cacao de Saint-Domingue Le Havre, Marseille, Nantes
Coton (Saint-Domingue, Martinique, Guadeloupe, Cayenne) Le Havre, Honfleur
Bois de Campêche Le Havre
Indigo (Saint-Domingue, Caroline) Le Havre
Rocou Le Havre
Gomme de Sénégal Le Havre
Soie de Nankin Lorient
Riz de Caroline Marseille

 

La folie de l’indienne

À une époque où, dans toute l’Europe atlantique, la consommation des produits de luxe et de demi-luxe d’origine exotique connaît un réel essor[65], Lyon n’échappe pas non plus au « goût de l’Inde » qui s’empare de tout le royaume de Louis XV[66]. Pour se fournir en marchandises et « curiosités » des Indes orientales, le négoce lyonnais se tourne dans un premier temps vers Nantes où se tiennent les ventes de la Compagnie des Indes jusqu’à leur transfert à Lorient en 1734. Ainsi quatre marchands lyonnais sont présents aux ventes d’octobre en 1720, 1721 et 1722[67]. Comme le marchand de toiles Antoine Lescalier en 1716[68], ils ont certainement reçu de petits avis imprimés détaillant les lots mis en vente et que ne manquent pas de diffuser auprès de leurs correspondants les commissionnaires nantais, qui sont alors les plus gros redistributeurs d’épices, de cotonnades et de thé dans les provinces de l’intérieur[69]. Malgré les distances, ces pratiques perdurent après le transfert des ventes à Lorient, où nous avons pu repérer la présence de treize négociants lyonnais entre 1761 et 1776, dont certains reviennent régulièrement comme Marduelpère et fils, Floret et Faure ou Roch Delphin et Cie. Ils enchérissent essentiellement sur des lots de cotonnades blanches et de mousselines ainsi que sur des soies de Bengale et de Nankin, mais acquièrent aussi de la porcelaine de Chine, de la « bleu et blanc » semble-t-il, des cabarets de vernis et des plateaux laqués, quelques balles de café de Moka et de Bourbon, parfois du thé vert, et ponctuellement quelques lots de poivre, de rotin et d’épices pour la pharmacopée comme de l’esquine[70]. Si Ducret se procure auprès des maisons lorientaises Vasnier et Lanchon frères divers articles des Indes parmi lesquels du poivre vert et du poivre noir, du café de Bourbon « de bonne qualité », du thé bouy et du thé vert tonka, de la cannelle de Chine, du rotin et de la rhubarbe[71], une partie du marché lyonnais peut néanmoins échapper aux épiciers, puisque d’autres négociants de la ville vont aussi mettre à profit les contacts qu’ils nouent dans les ports dans le cadre de leurs affaires, pour réaliser quelques emplettes, sans qu’il soit toujours possible de savoir s’ils agissent à des fins personnelles ou spéculatives. Ainsi Bonaventure Carret, marchand de soieries, se procure-t-il, en 1773, auprès de Quatrefages de Lorient, 252 unités de café de Moka, 71 unités de thé et quelques pièces de porcelaine pour une valeur de près de 920 l.t., emballage, transport et droits compris[72]. En 1791, un tarif des Douanes mentionne l’entrée dans le département de Rhône et Loire de diverses marchandises « venant d’au-delà du Cap de Bonne-Espérance » ; outre des drogueries et épiceries diverses (poivre, thé, café de Moka, cannelle de Chine, girofle et muscade), on y trouve des soies de Nankin et du Bengale, diverses toiles de coton blanches, unies, rayées ou à carreaux, des mousselines unies, rayées, quadrillées ou brodées, des toiles peintes, des Nankins, des guinées bleues, ainsi que de la porcelaine bleue et blanche, dorée ou d’autres couleurs[73].

Avant que l’indiennage n’apparaisse dans les années 1770, à Villeurbanne, Vaise ou Perrache, les cotonnades entrent déjà dans Lyon, mais de manière frauduleuse[74]. La contrebande des mousselines et des indiennes est en effet particulièrement active dans les années 1740 et 1750, avant que la prohibition de leur vente ne soit levée en 1759. De jour comme de nuit les précieuses étoffes sont introduites dans la ville, que ce soit en petites quantités cachées sous les jupons de passeuses qui, aux heures de pointe, tentent de déjouer la vigilance des gardes qui surveillent les portes de la ville et les quais de la Saône, soit cachées dans des balles ou des caisses de marchandises légales, ou encore par ballots entiers lancés par-dessus les murailles depuis des barques de contrebandiers naviguant sur le Rhône. Il est difficile de déterminer les provenances de ces étoffes : une partie d’entre elles, qui ne portent pas les marques de la Compagnie des Indes ou de fausses marques et de faux plombs, a certainement été débarquée en fraude à Lorient, puis écoulée par des réseaux parallèles[75] ; d’autres arrivent aussi par la Suisse, cachées parmi des chargements anodins transportés par des voituriers ou des bateliers ou apportées par les réseaux de contrebandiers aguerris qui agissent en Franche-Comté[76] et en Dauphiné. Elles sont ensuite vendues à la sauvette dans les rues, dans les cabarets ou dans l’arrière-boutique de quelques marchands toiliers peu scrupuleux, comme François Vollaire, condamné par deux fois en 1743 et 1752[77]. Dès les années 1730 les cotonnades se répandent dans les garde-robes des Lyonnaises, où les jupons, les tabliers et les chemises de coton s’ajoutent aux mouchoirs et aux bonnets. Un demi-siècle plus tard, les interdictions ayant été levées, une jupe sur deux, trois jupons sur cinq, une robe sur huit sont taillés dans de l’indienne[78]. On trouve ainsi une robe, deux jupons et deux déshabillés d’indienne dans une armoire de Claude Grand, marchand épicier de la rue Saint-Jean en 1782[79]. Dès le début du siècle un mémoire de la Fabrique dénonçait pourtant ces « étoffes étrangères [dont on dit] avec quelque espèce de raison que le nom de furies ne [leur] a été donné que par la fureur que toutes ces dames indistinctement ont eue de s’en habiller[80] », tandis qu’un député du commerce fustigeait le « goût dépravé » des élégantes lyonnaises[81] et que la toute nouvelle Chambre de Commerce dénonçait le « préjudice considérable » causé aux manufactures lyonnaises par ces étoffes des Indes dont elle soutint constamment la défense du port et de l’usage[82]. À la veille de la Révolution, les indiennes égaient donc les garde-robes lyonnaises de leurs couleurs pastel et de leurs motifs floraux comme en témoigne, par exemple, l’inventaire de l’armoire d’Antoine Granjean, qui mentionne une veste d’indienne « fond merde d’oie », des mouchoirs en toile des Indes, ainsi que six vestes ou gilets en toile de coton et des tours de col en mousseline[83].

 

Y-a-t-il une culture marchande de la curiosité à Lyon au XVIIIe siècle ?

Rien de plus ignorant que le fabricant de Lyon : tirez le de la soie, c’est un véritable topinambour. L’histoire, la géographie, les belles-lettres lui sont également étrangères […] ; il sait à peine lire et ne calcule que par ses doigts […]. On sent aisément qu’un pareil genre de négoce rétrécit l’esprit et rapetisse l’âme bien plutôt que de les agrandir et de les élever.

 

Ainsi s’exprimait Grimod de la Reynière dans sa Lettre d’un voyageur à son ami sur la ville de Marseille (1792), lui qui tint commerce d’épicerie, de droguerie et de parfumerie rue Mercière[84]. Sans donner raison à ce fameux gastronome, nous ne pouvons que constater que ni les inventaires après-décès ni les papiers des nombreux négociants que nous avons pu dépouiller ne laissent transparaître un goût quelconque pour l’exotisme et les curiosités venues des mondes lointains, même lorsqu’ils entretiennent des relations actives avec les villes portuaires et les colonies d’outre-mer. Le négociant lyonnais ne semble s’intéresser aux espaces ultramarins que pour les marchandises qu’il peut en tirer ou les articles qu’il peut y expédier. Si la visite de leurs intérieurs permet de repérer la présence de rideaux de coton ou d’indienne et de fourreaux de chaises assortis, voire de tapisseries de toile peinte comme chez Antoine Rey sur le quai Saint-Clair[85], l’ouverture de leurs buffets ne révèle en général guère plus que quelques services à café complétés ou non par un sucrier ou une « téière », parfois des « mouchoirs d’indienne à prendre café » ou un « plateau peint à la Chine servant de cabaret »[86] qui, s’ils apportent quelques touches d’exotisme, témoignent surtout du fait que la consommation de produits coloniaux est devenue une chose courante dans les milieux de la moyenne bourgeoisie lyonnaise. Quant à leurs armoires, elles contiennent bien des mouchoirs de lin et de coton et des « chemises de toile garnies en mousseline », mais assez peu de pièces de cotonnades, guère plus d’une veste et une robe de chambre « avec sa culotte d’indienne et sa veste à fond blanc[87] ». Parfois, dans un cabinet, la présence de cartes de géographie évoque les horizons lointains avec lesquels le maître de maison traitait ses affaires[88]. Mais point de collections et pas la moindre trace de cabinets de curiosités chez les acteurs du grand commerce lyonnais au XVIIIe siècle.

En étudiant le contenu des bibliothèques lyonnaises au XVIIe et au XVIIIe siècles, Anne Béroujon a montré que la culture négociante est d’abord « une culture de l’utilité et du divertissement[89] ». Si un marchand sur deux semble posséder une bibliothèque à la veille de la Révolution, celle-ci demeure souvent « très inférieure à la centaine de volumes[90] », essentiellement consacrée à l’histoire, à la géographie et aux belles-lettres mais assez peu aux sciences, si ce n’est celle du commerce, comme en témoigne la présence du Parfait Négociant de Savary des Bruslons dans la boutique du négociant François Pachot, rue du Puits Gallot. Ainsi les quatre bibliothèques de Jean-Marie Bonnafour, Guillaume Romand, François Pachot et François Martin (1785-1789) contiennent-elles surtout des livres de Molière, Racine, La Fontaine, Crébillon, Voltaire – mais de très de rares auteurs antiques – et de nombreux ouvrages traitant d’histoire, de géographie et de voyages, sans oublier L’Encyclopédie que Pachot conserve précieusement dans un meuble fermé à clé[91]. Un siècle plus tôt, le goût des marchands pour l’histoire et les voyages vers les contrées lointaines était déjà attesté par le contenu de grandes bibliothèques comme celle du marchand drapier Jacques Estival (1250 volumes) qui possédait plusieurs récits de voyages en Amérique, en Afrique et aux Indes orientales comme la Pérégrination de FernãoMendes Pinto, Les voyages de Pietro della Valle dans la Turquie, l’Égypte,  la Palestine, la Perse, les Indes orientales et autres lieux, les récits des voyages en Chine et en Orient du père jésuite Alexandre de Rhodes, Les voyages fameux du sieur Vincent Leblanc, marseillais, […] aux quatre parties du monde ou L’histoire de la navigation de Jean Hugues de Linscot, Hollandais, et de son voyage es Indes orientales ; la bibliothèque du marchand Claude Chastagnier contenait elle aussi des récits de voyages au Levant, en Asie et aux îles de l’Amérique[92]. Ce type d’ouvrages était d’ailleurs prisé par les libraires lyonnais qui, dès le milieu du XVIIe, ont publié des récits de voyages aux Indes avec, semble-t-il, une préférence plus marquée pour les Indes orientales que pour les Amériques. Rappelons ici que deux négociants lyonnais prennent part à la fondation des premiers comptoirs français aux Indes : Barthélemy Blot, directeur de la Compagnie des Indes orientales à Surate en 1671-1672, et Deltor, chef de la loge de Pondichéry entre 1681 et 1686[93]. Parmi les récits de voyages publiés à Lyon, le plus connu est l’Histoire et voyage des Indes occidentales, et de plusieurs autres régions maritimes et éloignées du lyonnais Guillaume Coppier, imprimé en 1645 par Jean Huguetan, libraire de la rue Mercière, un « livre d’aventures vécues » dans lequel une centaine de pages sont consacrées à la description des vingt-six îles de la mer du  Nord qu’il a visitées à la fin des années 1630, de La Barbade à Saint Martin en passant par La Guadeloupe, Saint-Vincent et Saint-Christophe[94]. Il y « fai[t] voir, par l’imagination mieux que par l’œil la carte de l’Amérique » en décrivant les paysages, la faune, les mœurs et la façon de vivre des habitants de ces « isles indoises ». Il complète ce récit en décrivant aussi la Virginie et le Canada par où il est passé lors de son retour.

Devenue le symbole de Lyon ville des Lumières[95], l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts, fondée en 1700 et réorganisée en 1758, ne compte que deux académiciens venus du négoce[96] : le marchand de soieries Jean-François Genève, par ailleurs membre de la Chambre de Commerce, et Pierre Poivre, explorateur des Indes orientales, physiocrate et botaniste de renom, futur intendant des îles de France et de Bourbon, accueilli en janvier 1759 « pour remplir la place du commerce dans la classe des Belles Lettres ». Le 1er mai suivant, Poivre consacre la plus grande partie de son discours inaugural au grand commerce maritime, condition indispensable à la prospérité et à la puissance des nations, en s’arrêtant en particulier sur celui qui se pratique avec les Indes orientales et la Chine, où il a séjourné entre 1741 et 1756, vante la richesse des « industries » de l’Inde et de la Chine et décrit les comptoirs créés par les Français à Surate, Mazulipatam, Karikal, Yanaon, Mahé, Chandernagor et à Pondichéry, dernier comptoir fondé, rappelle-t-il, par « un riche négociant de Lyon », Deltor, en 1675[97] :

Je me propose, Messieurs, de vous faire part dans vos assemblées particulières des recherches que j’ai eu l’occasion de faire sur les différentes branches de l’industrie des Chinois, sur leurs teintures, sur la méthode qu’ils suivent dans la culture du mûrier et dans l’éducation du ver à soie […] ; en un mot, je me ferai un devoir de vous rendre compte de tout ce qui m’a été permis d’observer dans ce beau pays qui paraît être le séjour naturel de l’industrie et du commerce[98].

Au cours des années qui précèdent son départ pour les Mascareignes, Poivre a plusieurs fois l’occasion d’entretenir les académiciens lyonnais sur la sériciculture chinoise, l’industrie de l’indiennage, la culture du cannelier, du poivrier, du cotonnier ou de l’aréquier, et il rédige même un « mémoire sur les collections d’histoire naturelle que l’on peut se procurer dans un voyage en Chine et à Java ». Ses deux communications de 1763 et 1764 sur l’agriculture des peuples d’Afrique et d’Asie sont même publiées en 1769 par Louis Rosset, libraire rue Mercière, sous le titre Voyages d’un philosophe ou observations sur les mœurs et les arts des peuples de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique.

Désireuse de contribuer aux progrès de la science et les techniques, l’Académie de Lyon organise par ailleurs des concours qui assoient sa réputation dans les milieux des Lumières. Si les sujets de ces concours sont souvent liés au commerce ou au sort des ouvriers de la Fabrique, il arrive qu’ils portent aussi sur des thèmes en rapport avec les espaces lointains, par exemple sur l’influence que la découverte de l’Amérique a sur la géographie, la botanique, les techniques et les arts[99]. Bien que Maurice Garden décrive la communauté scientifique lyonnaise comme « assez hostile au milieu négociant » et présente le « divorce » entre élites intellectuelles et monde du négoce comme « un trait de la personnalité lyonnaise[100] », il convient toutefois de nuancer ces propos à la lecture des travaux de Daniel Roche, qui a montré que dans l’ensemble du royaume les négociants et les manufacturiers ne représentent en fait que 2 à 3 % des académiciens[101]. Ils ne seraient ainsi que dix à Lyon à intégrer les sociétés savantes[102], dont une Société d’agriculture à la création de laquelle participent en 1761 les négociants Genève et Birouste, une académie de mécanique et une Société philosophique des sciences et arts utiles qui s’occupe à partir de 1785, sous la présidence du naturaliste Camus, de physique, de chimie, de mécanique, de minéralogie et de botanique.

Tout en suscitant à la convoitise spéculative des négociants et en stimulant à la fois le goût des consommateurs, l’intérêt des amateurs de curiosités et celui des cercles savants et intellectuels de la cité, les colonies d’outre-mer et leurs productions sont bien entrées, au cours du XVIIIe siècle, dans les horizons du grand commerce lyonnais. La très belle exposition sur les cabinets de curiosités organisée au musée des Confluences[103] atteste bien la présence d’objets exotiques dans les collections lyonnaises, qu’il s’agisse de minéraux, d’animaux naturalisés, ou d’artéfacts ethnologiques. Si nous ne sommes pas en mesure de révéler, à partir des seules sources du négoce, par quels canaux ces « curiosités » empreintes d’exotisme arrivent à Lyon, nous ne pouvons cependant pas exclure le recours ponctuel aux réseaux des négociants ou à des liaisons parallèles. Les filières d’approvisionnement des collectionneurs lyonnais passent très certainement par les ports et, à cet égard, Cadix est le plus à même de fournir les amateurs lyonnais en curiosités botaniques, entomologiques, zoologiques ethnologiques ou minérales venues du Nouveau Monde. Ainsi, en 1785, le Peruviano, un vaisseau espagnol qui revient de Callao, rapporte 73 caissons renfermant des « productions et collections d’histoire naturelle » collectées pour le Roi de France par le naturaliste Joseph Dombey, disciple de Buffon et de Jussieu et ami de Rousseau, que Turgot avait envoyé au Pérou en 1778 dans le but d’y trouver un moyen pour remettre en question le monopole hollandais de la cannelle[104]. Outre une très belle collection d’oiseaux exotiques destinée à Marie-Antoinette, ces caisses renferment des pierres précieuses, des minéraux, des insectes et « autres productions de différents genres » collectés au Pérou et au Brésil, le tout « de la plus grande beauté, très rare et d’un grand prix », mais également « 8 caissons de curiosités des indiens du royaume du Pérou, 6 fruitières de pierres de Guamanga et un tapis de Cuzco » pour le compte de particuliers[105]. Même si nous n’avons pu trouver trace d’un quelconque envoi de curiosités de ce genre vers Lyon dans la correspondance de nos négociants lyonnais de Cadix, le recours aux services de négociants ou de commissionnaires établis dans les ports du grand commerce colonial est une possibilité. Alors que les collectionneurs qui vivent à proximité des ports peuvent collecter des pièces auprès de marins, de marchands, de voyageurs ou d’aventuriers revenus des contrées lointaines, les amateurs de curiosités lyonnais recourent à d’autres filières de transmission. Certains comme Pierre Poivre s’appuient sur des correspondants établis dans les ports ou dans les colonies pour se procurer les objets de leurs passions. Depuis son domaine de la Freta à Saint-Romain-au-Mont-d’Or où il a aménagé un jardin à la chinoise et un cabinet de botanique, l’ancien intendant entretient une correspondance avec Jean-Nicolas Céré, son ami botaniste au Jardin du Roi de Monplaisir à l’Île de France, qui lui envoie des plants et des graines pour ses expériences d’acclimatation sur les bords de Saône (citronniers, litchis, indigos, manguiers, roses de Chine, etc.). D’autres recourent plus simplement à des échanges entre amateurs ou profitent de la dispersion des collections d’amateurs défunts pour faire de nouvelles acquisitions. De nombreuses interrogations demeurent donc sur la constitution de ces collections et la question des filières d’acquisition mériterait d’être davantage explorée, notamment à partir de la correspondance privée des collectionneurs.

 

 

Olivier LE GOUIC

 Université de Bretagne Sud (Lorient) – CERHIO

 

 

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Notes

 

[1] BRAUDEL, Fernand, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècles, t. III, Le temps du monde, Paris, Armand Colin, 1979, p. 279 ; LÉON, Pierre, « La région lyonnaise dans l’histoire économique et sociale de la France. Une esquisse (XVIe-XXe siècles) », Revue historique, 1967, n° 237, p. 31-62.

[2] Le premier livre est imprimé en 1473 par Barthélemy Bruyer : Compendium breve. BAYARD, François (dir.), Histoire de Lyon : des origines à nos jours, Lyon, Éditions lyonnaises d’art et d’histoire, 2007, p. 292.

[3] PRIVAT SAVIGNY, Marie-Anne (dir.), Lyon au XVIIIe, un siècle surprenant !, Paris, Somogy éditions d’art, 2012 ; catalogue de l’exposition Lyon au XVIIIe, un siècle surprenant, musées Gadagne, Lyon, 22 nov. 2012-5 mai 2013.

[4] MONTENACH, Anne, Espaces et pratiques du commerce alimentaire à Lyon au XVIIe siècle, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2009, p. 51 et 56.

[5] MEYZIE, Philippe, L’Alimentation en Europe à l’époque moderne, Paris, Armand Colin, 2010.

[6] LE GOUIC, Olivier, Lyon et la mer au XVIIIe siècle. Connexions atlantiques et commerce colonial, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010.

[7] DELPUECH, André, MARRACHE-GOURAUD, Myriam, ROUX, Benoît, « Valses d’objets et présence des Amériques dans les collections françaises : des premiers cabinets de curiosités aux musées contemporains », dans MARRACHE-GOURAUD, Myriam, MARTIN, Pierre, MONCOND’HUY, Dominique (dir.), La licorne et le bézoard. Une histoire des cabinets de curiosités, Montreuil, Gourcuff-Gradenigo, 2013, p. 270-283.

[8] GASCON, Richard, Grand Commerce et vie urbaine au XVIe siècle. Lyon et ses marchands, Paris, SEVPEN, 1971, t. 1, p. 49.

[9] Ibid., p. 90.

[10] GASCON, Richard, « Un siècle de commerce des épices à Lyon, fin XVe-fin XVIe siècles », Annales E.S.C., Paris, 1960, vol. 15, n° 4, p. 646.

[11] Au XVIsiècle, le commerce des épices est presque exclusivement entre les mains des marchands italiens : Florentins, Génois et Lucquois, et secondairement Piémontais ou Milanais ; voir GASCON, Grand Commerce…, op. cit., p. 219-222 ; « Un siècle de commerce des épices à Lyon », p. 651.

[12] GASCON, Grand commerce…, op. cit., p. 89.

[13] Ibid., p. 90 ; « Un siècle de commerce des épices à Lyon », art. cit., p. 646 et 648.

[14] BOTTIN, Jacques, « La redistribution des produits américains par les réseaux marchands rouennais (1550-1620) », dans SANCHEZ, Jean-Pierre (dir.), Dans le sillage de Colomb. L’Europe du Ponant et la découverte du Nouveau Monde (1450-1650), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1992, p. 27-39.

[15] BAYARD, François, « Les Bonvisi, marchands banquiers à Lyon, 1575-1629 », Annales E.S.C., 1971, p. 1260-1261.

[16] Ibid., p. 1242-1243.

[17] GASCON, Grand Commerce…, op. cit., p. 88 ; TROCMÉ, Étienne, DELAFOSSE, Marcel, Le Commerce rochelais de la fin du XVIe siècle au début du XVIIe, Paris, Armand Colin, 1952, p. 94-95.

[18] GASCON, Grand Commerce…, op. cit., p. 88 ; « Un siècle de commerce des épices à Lyon », p. 646.

[19] GASCON, Grand Commerce…, op. cit., p. 147.

[20] Ibid., fig. 16, p. 144-145.

[21] Une tradition prête même à Verrazzano une naissance lyonnaise et une parenté avec les Gadagne, sa mère ayant pu être Giovanna Guadagni, une sœur de Thomas Ier Gadagne. Voir LEJEUNE, Édouard, La Saga lyonnaise des Gadagne, Lyon, Editions lyonnaises d’art et d’histoire, 2004.

[22] GASCON, Grand Commerce…, op. cit., p. 79.

[23] LAUCOIN, Chrystelle, La Naissance du trafic antillais (1638-1660), mémoire de maîtrise, Nantes, 1999.

[24] LESPAGNOL, André, Messieurs de Saint-Malo. Une élite négociante au temps de Louis XIV, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1997.

[25] ÉTIENNE, Roland, MOSSIÈRE, Jean-Claude (dir.), Jacob Spon, un humaniste lyonnais du XVIe siècle, Lyon, Université Lumière-Lyon 2, 1993.

[26] DUFOUR, Philippe Sylvestre, De l’usage du caphé du thé et du chocolate, Lyon, Jean Girin & Barthélemy Rivière, 1671 ; Traitez nouveaux & curieux du café du thé et du chocolate, ouvrage également nécessaire aux médecins et à tous ceux qui aiment leur santé, Lyon, Girin & Rivière, 1685.

[27] MONTENACH, Espaces et pratiques du commerce alimentaire…, op. cit., p. 173.

[28] Ibid., p. 174.

[29] Archives départementales de l’Ille-et-Vilaine (ADIV), 11J 5 fonds Magon de la Balue, registre de correspondance, 9 et 11 mai 1721.

[30] GARDEN, Maurice, « Le grand négoce lyonnais au début du XVIIIe siècle. La maison Melchior Philibert : de l’apogée à la disparition », Actes du colloque franco-suisse d’histoire économique et sociale, Genève 5-6 mai 1967, Genève, Georg & Cie S.A., 1969, p. 83-99.

[31] ADIV, 11J 3, registre de copies de lettres, M. Philibert, 20 septembre 1713.

[32] FAYOLLET, Jacqueline, Les Milieux d’affaires protestants et la grande économie mondiale : la maison Specht et Gonzebat de Lyon, 1717-1724, mémoire D.E.S., Lyon, 1966.

[33] Archives départementales du Rhône (ADR), 8B 800-8, Cuentz, correspondance, La Rochelle, Pierre Moutier, oct. 1715 – janv. 1716.

[34] FROMENT, Annick, Commerce lyonnais et relations internationales au XVIIIe siècle. La maison Chalut Lamure, mémoire D.E.S., Lyon, 1964.

[35] Archives départementales de l’Isère, 2E 238, 234, 235 et 339, fonds Bruny, Grands Livres, 1705-1723.

[36] ADR, 8B 1107, Melchior Philibert, intérêts à la mer, 1713-1717.

[37] ADIV, 9B 165, Amirauté de Saint-Malo, f°4, déclaration de propriété de La Ville de Lyon, 3 janvier 1682.

[38] VARAX, Éric de, « Un banquier lyonnais, acteur de la mondialisation de la cité : Riverieulx de Varax – De Cadix à Alexandrie », dans Lyon au XVIIIe siècle…, op. cit., p. 45.

[39] Archives Nationales, Affaires Étrangères (AN, AE), BI 221, Cadix, correspondance consulaire, f°18-19, « Liste des négociants français établis à Cadix », 2 janvier 1714.

[40] « Une fortune seulement moyenne, des activités variées dans toutes les branches du commerce, tels sont les premiers caractères des marchands et négociants de Lyon » (GARDEN, Lyon et les Lyonnais..., op. cit., p. 370).

[41] GARDEN, Maurice, « Aires du commerce lyonnais au XVIIIe siècle », dans Aires et structures du commerce français au XVIIIe siècle, Paris, c.n.r.s., 1973, p. 265-289.

[42] LE GOUIC, Olivier, « Des négociants français aux portes des Indes : les Lyonnais à Cadix au XVIIIe siècle », dans SAUPIN, Guy, PRIOTTI, Jean-Philippe (dir.), Le Commerce atlantique franco-espagnol. Acteurs, négoces et ports (XVe-XVIIIe siècles), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008, p. 285-317.

[43] ADR, 8B 1063-10, Raymond Moulins, correspondance, Cadix, Jean Boschet, 17 juin 1714. Cette année-là, 12 des 80 « marchands en gros » français de Cadix sont lyonnais ; AN, AE, BI 221, correspondance consulaire, Cadix, f°18-19, 2 janvier 1714.

[44] ADR, 8B 1173-7, Rey Magneval, correspondance, Cadix, Charles Benoist, 4 mai 1751.

[45] AN, AE, BI 283, Cadix, correspondance consulaire, f° 5-33, 20 janvier 1777.

[46] LE GOUIC, Olivier, « La fraude sur les piastres à bord des vaisseaux du Roi à Cadix en 1767-1768 », dans FIGEAC-MONTHUS, Marguerite, LASTÉCOUÈRES, Christophe (dir.), Territoires de l’illicite : ports et îles. De la fraude au contrôle (XVIe-xxe siècles), Paris, Armand Colin, 2012, p. 329-345.

[47] ADR, 8B 1173-1, Rey Magneval, correspondance, Cadix, Louis Feyt, aout-déc. 1763.

[48] ADR, 8B 1173-2, Rey Magneval, correspondance, Cadix, Louis Feyt, septembre 1764.

[49] ADR, 8B 876-10, Fiard, correspondance, Cadix, Gache, 21 décembre 1764.

[50] TALON, Valérie, Épices et épiciers à Lyon au 18e siècle, mémoire DEA, Lyon II- Lumière, 2000.

[51] ADR, 8B 1040-3, Maurier, grand livre de débit (1709) ; ibid., p. 32.

[52] Le sucre en pains représente 61 % des ventes de sucre de François Maurier en 1709, contre 32 % pour la cassonade et 7 % pour le sucre candi ; ibid., p. 34.

[53] ADR, BP 2290, inventaire après décès F. Lhermitte, marchand épicier, 9 juin 1785.

[54] ADR, 3E 2845a, notaire Bernard, bilan de faillite, 27 mars 1780.

[55] Bordeaux compte 22 raffineries en 1729, puis 30 en 1789 ; BUTEL, Paul, Les Négociants bordelais, l’Europe et les Îles au XVIIIe siècle, Paris, Aubier, 1974, p. 129

[56] Entre 25 et 30 % des marchandises qui remontent la Loire au XVIIIe siècle sont des sucres, les remontées de café étant minimes et les volumes de cacao encore plus faibles ; BROUARD, Emmanuel, GODELAINE, Florent, « La Loire fleuve sucré : voiture par eau d’une denrée exotique et relations entre le bassin fluvial, Nantes et les Antilles aux XVIIeet XVIIIe siècles », La Loire et le commerce atlantique XVIIe-XIXe siècle, Cahiers des Anneaux de la Mémoire, n° 16, 2015, p. 94.

[57] BUTEL, Les Négociants bordelais…, op. cit., annexes, carte n°13.

[58] Le poids d’une balle de sucre serait de l’ordre de 175 livres ; ADR, 8B 845-2, fonds Ducret et Cie, correspondance Bordeaux, Defos et Cie, 20 mars 1784.

[59] ADR, 8B, 845-1, Ducret et Cie, correspondance Rouen, Charles Béville, 1778-1783.

[60] « Je vois que la résolution de la guerre a fait prendre une faveur considérable à tous vos articles » écrit-il à Absolu de Rouen, en 1781 ; ibid., Absolu, 20 janvier 1781.

[61] RAMBERG, Gaston, Histoire du commerce de Marseille, t. VI. De 1660 à 1789. Les Colonies, Paris, Plon, 1959 ; CARRIÈRE, Charles, Négociants marseillais au XVIIIe siècle ; contribution à l’étude des économies maritimes, Marseille, institut historique de Provence, 1973.

[62] ADR, 8B 845-7, Ducret et Cie, correspondance Marseille, Guÿs et Cie, 16 juillet 1781.

[63] ADR, 8B 1184-3, Rigollet, « Avis au public des Coches et des Messageries », 20 novembre 1730.

[64] AN, F12 1544/36, tableau du Maximum, Ville-Affranchie (Lyon), an II.

[65] COQUERY, Natacha (dir.), « Ville consommation, exotisme dans l’Europe atlantique, XVe-XVIIIe siècles », dans Histoire Urbaine, Consommation et exotisme XVIe-XVIIIe siècles, Paris, sfhu, 2011, n° 30, p. 5-146.

[66] NICOLAS, Brigitte, LE BOUËDEC, Gérard (dir.), Le Goût de l’Inde, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008.

[67] Chabasol et Boyer en 1720, et Peyruse et Gascon en 1721 et 1722 ; Archives municipales de Nantes, HH 219 et HH 222, Compagnie des Indes, ventes.

[68] ADR, 1C 279, affaire économique, procédure contre la veuve et frères Lescalier, 1718.

[69] HAUDRÈRE, Philippe, La Compagnie française des Indes au XVIIIe siècle (1719-1795), Paris, Librairie de l’Inde, 1989, t. II.

[70] Service historique de la Marine, Lorient, Compagnie des Indes, 1P 28 à 1P 38, registres du contrôle des ventes (1760-1769).

[71] ADR, 8B 845-1, Ducret et Cie, correspondance Bretagne, Lanchon frères, 29 juin 1787 ; 8B 845-22, registre de copies de lettres, Vasnier, 25 avril et 17 juillet 1784.

[72] ADR, 8B 730-3 et 730-22, Carret et Cie, correspondance Bretagne, Quatrefages, 9 mars et 27 mai 1773.

[73] ADR, 1L 176, tarif des Douanes, 1791.

[74] LE GOUIC, Olivier, « La contrebande des indiennes à Lyon au temps de la prohibition (1686-1759) », dans FIGEAC-MONTHUS, LASTÉCOUÈRES (dir.), Territoires de l’illicite…, op. cit., p. 55-93.

[75] MARGOLINE-PLOT, Eugénie, « Les circuits parallèles des toiles de l’océan Indien. Lorient au XVIIIe siècle », Histoire urbaine, n° 30, 2011, p. 109-126.

[76] FERRER, André, Tabac, sel, indiennes… : Douane et contrebande en Franche-Comté au XVIIIsiècle, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2003.

[77] Archives départementales de la Drôme, B 1304, commission du conseil de Valence, affiche n° 201 et 260.

[78] PILLOIX, Anne-Paule, La Garde-robe des Lyonnais de 1680 à 1782, mémoire de maîtrise, Lyon II-Lumière, 2000, p. 34-36.

[79] ADR, BP 2281, inventaire après décès Claude Grand, 3 septembre 1782.

[80]  DEPÎTRE, Edgard, La Toile peinte en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, 1912, p. 72-73

[81] Ibid., p. 14.

[82] Archives de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon, délibérations, f°23-29, 20 août 1702.

[83] ADR, BP 2303, inventaire après-décès Antoine Granjean, 17 février 1789.

[84] Cité par ROCHE, Daniel, « Négoce et culture dans la France du XVIIIe siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 1978, t. XXV, p. 381.

[85] ADR, BP 2235, inventaire après-décès Antoine Rey, 3 mars 1766.

[86] Ibid.

[87] ADR, BP 2272, Bonaventure Carret, 10 novembre1779.

[88] ADR, BP 2235, Antoine Rey, 3 mars 1766.

[89] BÉROUJON, Anne, Livre et société à Lyon au XVIIIe siècle, à partir d’une étude des bibliothèques privées, mémoire maitrise, Lyon II, 1996, p. 80.

[90] Au XVIIIe siècle, on passe de 40 % de détenteurs d’ouvrages chez les marchands lyonnais en 1715-1719 à 57 % en 1785-1789, et le nombre moyen de livres par bibliothèque passe de 73 à 85 ; ibid., p. 78.

[91] Ibid., p. 79-80.

[92] BÉROUJON, Anne, Les Écrits à Lyon au XVIIe siècle, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2009, p. 360-362.

[93] MÉNARD-JACOB, Marie, La Première Compagnie des Indes. Apprentissages, échecs et héritage, 1664-1704, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2016, p. 45-46 et p. 153-154.

[94] COPPIER, Guillaume, Histoire et voyage des Indes occidentales, et de plusieurs autres régions maritimes et éloignées, Lyon, Jean Huguetan, rue Mercière, au plat d’étain, 1645 ; TESTON, Marie-Ange, « L’image des Indes occidentales à Lyon en 1645 à travers le récit de voyage de Guillaume Coppier », dans BALUTET, Nicolas, OTAOLA, Paloma, TEMPÈRE, Delphine (dir.), Contrabandísta entre mundos fronterizos, Paris, Ed. Publibook, 2010, p. 235-245.

[95] BEN MESSAOUD, Salima, « Lyon, ville des Lumières », dans Lyon au XVIIIe siècle…, op. cit., p. 225-231.

[96] GARDEN, Maurice, Lyon et les Lyonnais au XVIIIe siècle, Paris, Flammarion, 1975, p. 300 ; 205 académiciens entre 1700 et 1790 : 35 % de nobles, 26 % d’ecclésiastiques, 37 % de bourgeois ; BAYARD (dir.), Histoire de Lyon, op. cit., p. 288.

[97] La loge de Pondichéry a été fondée par François Martin en 1675. Deltor, sous-marchand aux Indes en 1669, le seconde et « assure les tâches courantes du comptoir », puis la dirige lorsque Martin est appelé à Surate, entre 1681 et 1686. Au retour de Martin, le comptoir est « dans le même état que cinq ans auparavant, sans évolution commerciale, alors que le négoce aurait dû profiter de la période de paix européenne. L’intérim de Delort n’a pas été un succès ». Repassé en France en 1688, « Deltor est un employé type : sans briller par des qualités exceptionnelles du négoce, il remplit correctement sa tâche » (MÉNARD-JACOB, La Première Compagnie des Indes…, op. cit., p. 153-154).

[98] Discours de Pierre Poivre à l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon, 1er mai 1759 ; Pierre Poivre & compagnie, www.pierre-poivre.fr .

[99] En 1780, l’abbé Raynal ouvre ainsi à l’Académie de Lyon un concours doté d’un prix de 1200 lt., dont la question est : « la découverte de l’Amérique a-t-elle été utile ou nuisible au genre humain ? S’il en est résulté des biens, quels sont les moyens de les conserver et de les accroitre ? Si elle a produit des maux quels sont les moyens d’y remédier ? ». La question reste ouverte pendant dix ans, sans que le prix ne soit remporté, malgré la qualité des réponses apportées.

[100] GARDEN, Lyon et les Lyonnais..., p. 301.

[101] ROCHE, « Négoce et culture… », art. cit., p. 377.

[102] Ibid., p. 380.

[103] « Dans la chambre des merveilles », Musée des Confluences, Lyon, jusqu’au 8 mai 2016.

[104] À son retour du Pérou, en 1886, Dombey devient médecin à l’école militaire et vit à Lyon jusqu’en 1793. HAMY, E-T., Joseph Dombey, médecin, naturaliste, archéologue, explorateur du Pérou, du Chili et du Brésil. Sa vie, son œuvre, sa correspondance, Paris, Librairie orientale et américaine, 1905 ; PELT, Jean-Marie, La Cannelle et le panda : les grands naturalistes explorateurs autour du monde, Paris, Fayard, 1999 ; LANG, Catherine, « Joseph Dombey (1742-1794), un botaniste au Pérou et au Chili. Présentation des sources », Revue d’histoire moderne et contemporaine, Paris, 1988, n°35-2, p. 262-274.

[105] AN, AE, BI 292, Cadix, correspondance consulaire, f°19, 11 janvier 1785 ; BI 293, f°37, 9 août 1785.

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